Intervention de André Yché

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 octobre 2015 à 10h30
Audition de M. André Yché président du directoire de la société nationale immobilière

André Yché, président de la SNI :

La question du foncier est essentielle. Il faut clarifier quelques idées sur ce point. Je ne suis pas persuadé que l'inflation foncière soit à l'origine de celle des prix. Quelle est l'origine de la situation paradoxale que vous évoquiez précédemment ? Les prix d'accession au logement sont devenus insoutenables à la fois pour les ménages et les organismes collectifs dont c'est le métier de construire. L'équilibre des marchés se fait à un niveau de prix excessif et à un volume d'activités sous-optimal essentiellement dans les zones tendues. C'est bien là l'origine de la crise du logement. Quel est le point de départ de cette situation ? Depuis une quinzaine d'années, le marché s'est trouvé structurellement déséquilibré par le départ des investisseurs institutionnels. Pour atteindre un équilibre optimal, il faut, comme nous l'enseigne la théorie économique, qu'il y ait une négociation entre acteurs de même dimension. À partir du moment où la totalité de l'investissement locatif a été transférée à des individus achetant des logements de manière ponctuelle, il est clair que la capacité de négociation, qui permet de stabiliser les prix, voire de les tirer vers le bas dans certains cas, a complètement disparu. La baisse des taux d'intérêt est un second facteur permissif de la hausse des prix. Dans une situation où les taux d'intérêt étaient à leur niveau antérieur à 2008, soit autour de 4 %, le coût de l'endettement constitue, si je puis dire, une seconde corde de rappel. À partir du moment où le taux d'intérêt baisse jusqu'à des niveaux ridicules, le prix du foncier ne peut que décoller ! En outre, les aides fiscales peuvent également masquer un certain nombre de problèmes et enclencher un cercle vicieux également ! Les facteurs à l'origine d'une telle situation sont toujours d'ordre structurel et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes battus pendant deux ans pour faire revenir les investisseurs institutionnels. Et négocier à quelque 15 % en dessous des prix publics est révélateur du fait que les promoteurs rognent leurs marges, quitte à exercer une certaine pression sur les constructeurs ! Face à ce problème, il nous a manqué une analyse de la chaine de causalité et une compréhension de l'ampleur de ses effets.

Comment accélérer la libération du foncier public et privé ? Sur le foncier public, il faut intéresser directement les propriétaires à la valorisation de leurs actifs et les faire sortir d'une logique de spéculation. Pour avoir discuté pendant de nombreuses années avec nos amis de Réseau Ferré de France (RFF), je pourrais donner des exemples probants de rétention foncière à des fins de spéculation. Il faut donc intéresser directement ces propriétaires fonciers qui sont également des employeurs. Le levier le plus efficace réside dans la revendication des agents publics d'acquérir leur logement. L'AP-HP est entrée en discussion avec nous car l'accès au logement est une solution aux revendications qui s'y expriment.

J'émettrai une troisième idée au sujet du foncier public qui concerne les établissements publics fonciers. Ne faudrait-il pas limiter par la loi la durée maximale de détention des actifs ? Il faudrait organiser une rotation du foncier. Nous n'avons eu de cesse de promouvoir cette idée qui me paraît de bon sens.

Sur le foncier privé, il serait envisageable de créer des sociétés d'investissement privés dans lesquelles les détenteurs de foncier apporteraient leurs actifs à leur valeur historique et ne seraient fiscalisés sur la cession qu'à partir du moment où ils céderaient leurs actifs à ces sociétés. L'un des facteurs de rétention peut être l'impact fiscal au moment de la cession foncière, surtout dans le cas d'indivisions. Cette démarche reviendrait à titriser les actifs fonciers détenus par ces personnes privées. Le mécanisme serait ainsi le suivant : on apporte un actif qu'est le foncier, on construit et on obtient, en contrepartie de l'actif mobilisé, des titres sur l'opération réalisée. On active du foncier dormant et lorsque les actifs seront cédés, la plus-value liquide sera taxée. Cette idée me paraît importante pour activer la mobilisation des actifs fonciers.

J'en viens, à présent, à la stratégie immobilière de la SNI. Nous souhaitons développer des partenariats avec les collectivités territoriales et les entités publiques grands propriétaires fonciers. Ainsi, nous allons réviser notre convention avec le Grand Lyon afin de revoir à la hausse nos objectifs annuels en matière de logements intermédiaires.

Pour les grandes opérations, nous avons sur 5 ans de 10 à 12 milliards d'euros à investir. Sur une opération sur laquelle nous avons une bonne visibilité en terme de calendrier, nous sommes prêt à investir jusqu'à 200 millions d'euros. Mais avant de pré-affecter de telles enveloppes, il nous faut de solides certitudes sur les délais de sorties. Cette démarche renvoie à la question du positionnement de la Caisses des dépôts vis-à-vis du foncier. Les marges dégagées sur les fonds d'épargne peuvent-elles y être employées ? Sans doute, oui. Encore faut-il qu'une telle décision soit validée par Bercy !

S'agissant de la question des aides à la pierre, si l'on reste sur les annonces faites par le Président de la République lors du dernier Congrès HLM, la participation de l'État dans le système d'aides à la pierre était limitée, les années précédentes, à quelque 120 à 130 millions d'euros. Cette limite vient d'être portée à 250 millions d'euros. Si l'on souhaite atteindre un total de 400 voire 500 millions d'euros d'aide à la pierre, il faut cependant trouver les 250 millions d'euros restants ! Ces 500 millions d'euros représentent un peu plus de la moitié des plus-values de cession réalisées à partir des ventes de logement qui s'élèvent, quant à elles, à 800 millions d'euros. Un tel chiffre correspond à la vente de 8 000 logements.

Parmi les annonces lors de ce congrès, celles concernant les aides à la pierre ont focalisé l'attention. Il y avait une autre annonce : la diminution du taux de commissionnement des banques sur le livret A de 25 % passant de 0,4 à 0,3 %. Auparavant, 0,4 % représentait 10 % du taux de référence. Aujourd'hui, un taux de 0,3 % me paraît plus significatif. Cette baisse représente une économie de 250 millions d'euros dont l'utilisation fait désormais question. La pire des solutions serait d'utiliser une telle somme en la saupoudrant. Il me paraît plus avisé de porter un effort sur le PLAI, c'est-à-dire sur le logement très social, voire en le croisant avec le critère de zone très tendue. Car si l'on veut atteindre l'objectif de 70 000 logements du Grand Paris, il faudra bien faire quelque chose !

Je vais revenir sur les gendarmeries. Aujourd'hui, la SNI a repris quelque 640 gendarmeries représentant 10 000 logements. Les loyers sont fixés par l'État. On parvient à s'en sortir en globalisant les travaux et, par le biais de commandes groupées, à aboutir à une programmation raisonnable. Le parc domanial des gendarmeries, dont la situation est relativement semblable à celle des services départementaux d'incendie et de secours, représente une question cruciale. En effet, le budget d'entretien et de remise à niveau est proche de zéro et certains sites, comme celui de Satory ou de Lyon, connaissent un état de dégradation rapide, faute d'entretien au moins pendant ces dix dernières années. Une solution de sortie, qui poserait des difficultés sociologiques et culturelles, consisterait à diversifier le peuplement de ces sites sous-utilisés pour en dégager de la valeur foncière.

Nous préconisons également une autre solution consistant à créer une société foncière regroupant ces 26 000 logements dont la gestion serait confiée, après appel d'offres, à un professionnel afin de mettre en oeuvre une programmation rationnelle des démolitions et des déconstructions des sites. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il me paraît impossible de ne pas faire évoluer le modèle existant, de la même manière que pour la production des logements HLM, il faudra bien se pencher sur la question du bilan des organismes concernés.

Sur la mixité, vous avez bel et bien identifié un problème. Le développement des capacités d'accueil d'ADOMA implique la diversification de l'usage des sites et des résidences. Il faut accepter l'idée d'y accueillir des stagiaires de l'AFPA.

A la question de savoir si je fais preuve d'optimisme en m'engageant sur la réalisation du programme de logements intermédiaire, je le suis ! En effet, nous avons conclu près de 8 000 précommandes après avoir examiné 27 000 propositions. Vous pouvez d'ailleurs jouer un rôle non négligeable puisque si les grands promoteurs nationaux nous connaissent bien, les promoteurs locaux sont inquiets à l'idée de négocier avec un acteur national comme la SNI. Il faudrait ainsi faire passer le message que les produits que nous proposons sont accessibles à l'ensemble des opérateurs. Sur la mixité, peut-on faire des logements intermédiaires sur des zones ANRU comme le souhaite le président de l'ANRU, M. François Pupponi ? Nous sommes d'ailleurs dans un tissu de contradiction car les investisseurs privés, tout comme l'Agence des participations de l'État, souhaitent sécuriser le dispositif. S'agissant, à ce titre, de savoir notre positionnement en matière de prix, lorsque nous participons aux comités d'engagement, nous tirons vers le bas de la fourchette et ce, à l'inverse des représentants de l'APE, c'est-à-dire de l'État. Par ailleurs, l'ordre de priorité des entrants sera décliné en fonction des revenus les plus proches du plafond haut. Ainsi, la SNI tend à relativiser ces plafonds dans le souci d'assumer une gestion réaliste.

En ce qui concerne les zones ANRU, celles-ci vivent de réelles contradictions car les sites ne sont guère attractifs dans certains cas. En effet, il nous paraît essentiel de nous situer à des niveaux de loyers encore plus bas, même s'il s'agit de logements intermédiaires occupés par des populations reconnues comme non prioritaires pour l'attribution d'un logement social. La force du logement intermédiaire est qu'il n'est pas assujetti au contingentement. Mais dans les zones ANRU, il faut tout de même tenir compte d'un pouvoir d'achat qui n'est guère élevé. La seule solution est de trouver un aménagement sur le coût de la charge foncière et je pense que M. François Pupponi souhaite que soit appliqué, dans les zones ANRU et leurs bordures, pour une durée limitée, le taux de TVA à 5 % pour les produits locatifs

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