Intervention de Marisol Touraine

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 octobre 2015 à 16h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Audition de Mme Marisol Touraine ministre des affaires sociales de la santé et des droits des femmes sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Le PLFSS pour 2016 marque une étape nouvelle dans l'action du Gouvernement visant à moderniser notre système de protection sociale en créant de nouveaux droits qui répondent à l'évolution de la société et des attentes des Français, et en réduisant les déficits de manière structurelle, afin de garantir la pérennité de ce système.

Les résultats sont là. Les droits progressent : le reste à charge diminue régulièrement depuis 2012. Il est passé de 9,1% en 2011 à 8,5% en 2014, alors même qu'il n'avait cessé d'augmenter au cours des cinq années précédentes. Le déficit de la sécurité sociale diminue : nous l'avons déjà réduit de 40 % en trois ans. L'enjeu, avec ce PLFSS, est de poursuivre et d'amplifier ce mouvement. Cela passe d'abord par des mesures structurantes qui feront progresser durablement les droits sociaux et l'accès aux soins de nos concitoyens.

Nous instaurons la protection universelle maladie, soixante-dix ans après la création de la sécurité sociale et plus de quinze ans après la création de la couverture maladie universelle, parce que plusieurs millions de Français peinent, chaque année, à faire valoir concrètement leur droit à l'assurance maladie. La protection universelle maladie n'est pas un droit nouveau, mais un ensemble de dispositions rendant plus facile de faire valoir ses droits. Qu'il s'agisse d'un changement de situation professionnelle, de situation familiale ou de domicile, les Français doivent parfois affronter un véritable parcours du combattant. Cette rupture dans les droits n'est pas acceptable. C'est pourquoi nous prenons des mesures très concrètes qui sont autant de simplifications radicales. Les conditions requises pour ouvrir droit à remboursement seront simplifiées. Les changements de caisse de sécurité sociale se feront sur internet en deux ou trois clics. Tout majeur deviendra un assuré à part entière, sans passer par la case ayant droit : l'on ne sera plus l'ayant droit de son conjoint ou de ses parents, la carte Vitale pourra être obtenue dès douze ans.

Les cotisations minimales maladie que doivent acquitter les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles seront supprimées. Cet allègement concernera de très nombreux travailleurs qui perçoivent de faibles revenus pour leur activité. A prélèvement inchangé, nous relevons la cotisation minimale vieillesse des travailleurs indépendants afin de garantir une validation d'au moins trois trimestres de retraite par année travaillée, même les mauvaises années. En 2012, un travailleur indépendant connaissant une année difficile n'avait la certitude de valider qu'un seul trimestre. Certains annoncent le grand soir de la protection sociale des indépendants, après avoir provoqué les dégâts que l'on sait lors de la mise en place de leur régime social. De notre côté, nous agissons très concrètement depuis trois ans pour offrir aux indépendants une protection sociale plus juste. Les prélèvements auront baissé, de façon très significative, pour les 70 % d'entre eux qui ont les revenus les moins élevés, avec une protection sociale renforcée. J'ai la conviction que le niveau de la couverture sociale des travailleurs indépendants constitue un enjeu d'avenir, car les mutations de l'économie peuvent conduire davantage de personnes à travailler dans ce cadre.

Deuxième avancée, la généralisation de l'accès à une complémentaire santé de qualité. Cela concerne d'abord les salariés précaires, c'est-à-dire ceux qui sont en contrat à durée déterminée très court ou qui travaillent simultanément chez plusieurs employeurs. Concrètement, l'employeur leur versera une aide individuelle destinée à faciliter l'acquisition d'une complémentaire santé. Ces travailleurs auront ainsi les mêmes droits que les autres salariés à partir du 1er janvier 2016, puisqu'il sera alors obligatoire pour toute les entreprises de mettre en place une complémentaire santé.

Nous nous adressons aussi à ceux qui sont assurés individuellement. C'est le cas des plus de 65 ans qui sont confrontés à une hausse du coût de leur complémentaire. Deux mesures concrétisent cet engagement fort de solidarité : nous rendons plus attractif le dispositif issu de la loi Evin de 1989 et nous mettons en place une sélection non fermée de contrats de complémentaire santé par mise en concurrence pour que les plus de 65 ans bénéficient d'une complémentaire moins chère ou apportant de meilleures garanties. L'examen du texte par le Parlement permettra de répondre aux inquiétudes, de préciser les objectifs et le fonctionnement de ces mesures. Leur sens et leur ambition est de permettre aux personnes âgées d'accéder à des contrats moins chers et de meilleure qualité car un nombre croissant d'entre elles n'ont pas de complémentaire santé. Ces deux objectifs sont indissociables.

Nous renforçons la prévention et l'accès aux soins de premier recours dans nos territoires. Nous lançons notamment une expérimentation fondée sur le repérage, par le médecin traitant, d'un risque d'obésité chez les enfants de trois à huit ans et la prise en charge financière de bilans d'activité physique et de l'intervention de diététiciens et de psychologues. Dans le même esprit, nous renforçons l'accès des mineures à la contraception, déjà entièrement prise en charge par l'assurance maladie depuis 2013. La consultation, la prescription et les analyses biologiques qui y sont liées seront désormais gratuites et confidentielles. Enfin, comme je l'ai annoncé à l'occasion du lancement d'Octobre rose, nous étendons la prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein aux examens supplémentaires que doivent faire les femmes présentant un risque élevé ou très élevé. Cela fera l'objet d'un amendement du Gouvernement.

Enfin, ce PLFSS accentue le virage ambulatoire, ce qui est cohérent avec le projet de loi de modernisation de notre système de santé et améliorera l'accès aux soins. Concrètement, nous confortons le modèle retenu dans certaines régions pour financer la permanence des soins ambulatoires. En outre, nous renforçons le développement de l'offre de soins visuels sans dépassements d'honoraires en soutenant la modernisation des cabinets d'ophtalmologistes et la mise en place de binômes entre orthoptistes et ophtalmologistes. Nous avions engagé ce débat lors du vote de la loi de modernisation de notre système et je vous avais indiqué que certaines mesures figureraient dans le présent PLFSS.

Nous généralisons la garantie des impayés de pension alimentaire. Cette mesure était expérimentée dans plusieurs départements et nous avons constaté son rôle indispensable dans le soutien aux familles monoparentales dont le conjoint est défaillant. Désormais, la garantie d'une pension alimentaire minimale de cent euros par enfant sera mise en place. Les moyens de recouvrement des pensions non ou irrégulièrement payées seront en outre renforcés.

Enfin, ce PLFSS comporte un engagement fort en direction des personnes âgées et des personnes handicapées. L'Ondam médico-social progressera en 2016 davantage que les autres objectifs de dépense. Concrètement, nous augmentons les moyens médico-sociaux de 405 millions d'euros, qui permettront notamment de poursuivre la médicalisation des Ehpad. Vous êtes nombreux à connaître, en tant qu'élus de terrain, la situation de certaines familles, contraintes de se tourner vers la Belgique par exemple pour trouver une solution d'accueil à leur enfant. C'est pourquoi je viens d'annoncer que 15 millions d'euros supplémentaires permettront de trouver des solutions concrètes, adaptées et, surtout, de proximité, à nos concitoyens en situation de handicap.

Ce PLFSS pour 2016 marque également une nouvelle étape du redressement des comptes sociaux. Réduire les déficits est une exigence vis-à-vis des Français et de notre modèle social. En trois ans, nous sommes parvenus à réduire très fortement le déficit de la sécurité sociale. Entre 2011 et 2015, le déficit du régime général et du fonds de solidarité-vieillesse (FSV) aura diminué de plus de huit milliards d'euros. Si la conjoncture économique a pu ralentir le rythme, la direction est restée la bonne et les résultats sont là : le déficit a été réduit de 40 %. Avoir su maîtriser les dépenses est un motif de fierté. En 2014, alors que nous avons pris en charge pour la première fois les traitements innovants de l'hépatite C qui ont entraîné des dépenses importantes - plusieurs centaines de millions d'euros - l'Ondam a été respecté. En 2015, alors que le coût des traitements innovants de l'hépatite C a continué de progresser avec une nouvelle génération de produits plus efficace, l'Ondam sera à nouveau tenu.

Nous prolongerons cette dynamique en 2016. Nous devrions ramener le déficit du régime général et du FSV sous la barre des 10 milliards d'euros. La Cnav devrait revenir à l'équilibre, pour la première fois depuis 2005. En 2016, le déficit de l'assurance maladie sera d'environ 6 milliards d'euros. C'est trop, mais c'est 2,6 milliards de moins qu'en 2011.

En ce qui concerne l'assurance maladie, je porte une double détermination depuis 2012 : engager des réformes structurelles, d'une part, ne jamais recourir aux franchises ou aux déremboursements, d'autre part. Pour 2016, nous avons défini une progression de l'Ondam de 1,75 %, ce qui représente un effort historique de 3,4 milliards d'euros, contre 3,2 milliards en 2015. Nous atteindrons cet objectif en mobilisant les quatre axes structurants qui nous permettent déjà de maîtriser les dépenses depuis 2012.

Il s'agit d'abord de lutter contre le gaspillage en évitant les actes inutiles ou redondants, comme les examens pré-anesthésiques, les examens biologiques ou le recours aux transports sanitaires. Nous attendons, comme en 2015, 1,2 milliard d'euros d'économies à ce titre en 2016. Il s'agit ensuite de faire baisser les prix des produits de santé et de développer les génériques. Nous avons pris l'engagement l'an dernier de stabiliser les dépenses de médicaments remboursés entre 2015 et 2017. Stabiliser, ce n'est pas diminuer drastiquement, comme je l'entends parfois : cela suppose déjà un effort. Nous trouverons les ressources pour développer des traitements innovants et les rendre accessibles à tous les patients à cette condition. Pour cela, nous reconduirons en 2016 les dispositifs de régulation des prix adoptés l'an dernier : la clause de sauvegarde permanente, le taux L et le mécanisme de régulation spécifique aux traitements de l'hépatite C. Nous poursuivrons aussi le recours aux génériques. Les médecins, en ville comme à l'hôpital, seront davantage incités à les prescrire et une campagne de communication sera lancée dans le courant du premier semestre 2016 pour sensibiliser les Français. Les pharmaciens, eux, sont engagés depuis longtemps dans cet effort. Il importe à présent de sensibiliser les Français pour faciliter le dialogue entre les professionnels de santé et leurs patients. Grâce aux baisses de prix et au développement des génériques, nous attendons un milliard d'euros d'économies en 2016, ce qui est proche des montants réalisés l'an dernier.

Nous allons aussi accroître l'efficience de la dépense hospitalière, notamment grâce aux économies d'échelle. Cette dynamique a été engagée il y a plusieurs années : l'hôpital n'est pas resté à l'écart des efforts demandés aux professionnels de santé. Les professionnels et les hôpitaux ont engagé un effort sans précédent d'évolution de leurs organisations et de leurs pratiques. Le projet de loi de modernisation de notre système de santé prévoit, avec les groupements hospitaliers de territoires, de doter les hôpitaux d'outils nouveaux pour accompagner ces évolutions : à ce titre, 700 millions d'euros sont attendus en 2016, contre 500 millions d'euros l'an dernier. Ces économies permettent de maîtriser l'évolution de l'Ondam hospitalier, dont, pour la première fois depuis plusieurs années, l'évolution correspondra à celle de l'Ondam général : 1,75 %.

Ce PLFSS traduit aussi plusieurs engagements forts. Les ressources dédiées à la prise en charge à l'hôpital des personnes précaires seront sensiblement renforcées en 2016, en particulier dans les établissements les plus mobilisés pour ces prises en charge. En ce qui concerne les soins palliatifs, je présenterai prochainement le plan triennal souhaité par le Président de la République. Sans attendre, le PLFSS prévoit une enveloppe de 40 millions d'euros supplémentaires pour réduire les inégalités d'accès, dont nous savons qu'elles restent fortes.

Enfin, la transformation de l'hôpital passe aussi par une réforme profonde de son financement. Cette réforme a été engagée dès 2012, avec des dispositifs de soutien aux activités isolées ou la mise en oeuvre d'un financement à la qualité. Je poursuis cette dynamique dans ce PLFSS, avec la mise en place d'un modèle de financement innovant pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) : la dotation modulée à l'activité. Concrètement, il s'agit de mettre un terme au « tout T2A » en instaurant davantage de dotation dans les financements pour plus de stabilité.

Enfin, nous favorisons le virage ambulatoire. L'innovation génère une progression très rapide dans ce domaine et permet aux patients de rester plus longtemps chez eux, auprès de leurs proches. Nous avons déjà beaucoup progressé : le taux de chirurgie ambulatoire est passé de 40 % en 2012 à 45 % en 2014. L'objectif que j'ai fixé d'une intervention chirurgicale sur deux en ambulatoire est en donc en passe d'être atteint. Avec ce texte, nous continuons à soutenir les soins de ville. Les ressources qui leur sont effectivement allouées augmenteront de 2 %. Cette progression, nettement supérieure à celle de l'Ondam global, témoigne de notre engagement à tourner davantage notre système de santé vers la ville. Nous prévoyons 500 millions d'euros d'économies liées au virage ambulatoire en 2016. C'est un peu plus que les 400 millions d'euros réalisés en 2015.

Le PLFSS est actuellement examiné par l'Assemblée nationale en commission et dans quelques semaines, c'est vous qui aurez la responsabilité de l'étudier. Je veux vous dire mon entière disponibilité, celle de mes équipes et de mes services, pour travailler avec vous, ainsi que ma totale détermination à porter ce texte de progrès pour les Français et de modernisation pour notre modèle social.

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