La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, déposée par notre ancien collègue Pierre Jarlier et plusieurs sénateurs du groupe UDI, part d'un constat simple, très largement partagé au-delà de nos sensibilités politiques : notre monde rural va mal.
Alors que la ruralité est une richesse pour notre pays, elle est confrontée à des difficultés croissantes : déclin démographique, désindustrialisation, recul des activités agricoles, baisse des revenus. Les habitants des territoires ruraux doivent aussi faire face, au quotidien, à de nombreuses difficultés : fermeture de services publics, désertification médicale, fracture numérique, entraves à la mobilité... Tout cela contribue à développer chez certains de nos concitoyens un vrai sentiment d'abandon. Les collectivités rurales sont, enfin, celles qui souffrent le plus de la baisse ininterrompue des dotations de l'État.
Ce constat est bien connu, mais les réponses apportées sont insuffisantes. Les dispositifs dédiés au développement rural, qu'il s'agisse de zonages, d'appels à projets, de fonds d'aide ou de dotations, n'offrent que des solutions dispersées, ciblées sur certaines portions du territoire, et accordées au cas par cas, avec les inconvénients que nous connaissons : saupoudrage des crédits, défaut d'une approche transversale des enjeux locaux, projection dans le temps insuffisante, manque de synergie entre les acteurs ; sans parler de la mise en concurrence des collectivités territoriales, via le recours de plus en plus fréquent aux procédures d'appel à projets, à l'issue desquelles seules les collectivités les mieux dotées en ingénierie peuvent tirer leur épingle du jeu ! Paradoxalement, ces procédures sélectives excluent les territoires qui ont le plus besoin d'être soutenus.
Afin de répondre aux problèmes des territoires ruraux, le Gouvernement a annoncé une multitude de mesures. Il s'est félicité d'en avoir élaboré près de soixante-dix lors des deux derniers comités interministériels aux ruralités. En réalité, nombre de ces mesures reprennent des initiatives en cours et relève de l'effet d'annonce plus qu'elles ne visent à répondre concrètement aux difficultés de nos territoires. J'ajoute que la fragmentation de ces dispositions sectorielles compromet toute vision stratégique, pourtant indispensable à une politique de cohésion territoriale efficace, dans les territoires concernés.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui retient une approche différente, à la fois partenariale et plus intégrée. Elle vise à inscrire dans la loi le principe d'une contractualisation pluriannuelle entre l'État et les territoires ruraux, en s'inspirant du modèle des contrats de ville. Elle instaure ainsi des contrats territoriaux de développement rural, signés entre l'État et les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, créés à l'initiative de notre commission dans la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) pour succéder aux pays, tout en prévoyant qu'en l'absence d'un tel pôle, ces contrats peuvent être signés par les syndicats responsables d'un schéma de cohérence territoriale.
Le texte vise ainsi à mettre en place un outil consacré aux territoires ruraux, qui privilégie une démarche de projet pour dépasser la logique de guichet qui prévaut le plus souvent. La forme contractuelle doit permettre d'adapter les actions et les moyens aux difficultés et aux atouts propres à chaque territoire. L'approche partenariale vise à mutualiser les ressources, afin d'atteindre la taille critique nécessaire à la gestion de problématiques communes de développement.
Ce type de contractualisation a déjà fait ses preuves dans certains territoires, par exemple dans le cadre des volets territoriaux des contrats de plan État-régions. Elle permet d'apporter une réponse globale, dans un cadre pluriannuel, avec l'ensemble des parties. J'y suis donc très favorable.
J'ai néanmoins souhaité m'assurer, en cohérence avec l'esprit du texte initial, de l'efficacité du dispositif, en travaillant à simplifier la rédaction proposée.
L'article 1er de la proposition de loi fixe les principes de la politique de cohésion territoriale et rurale, au même titre que dans la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Je vous proposerai d'adapter davantage encore ces principes aux enjeux du monde rural, afin de mettre en exergue, en particulier, deux sujets chers à notre commission : la couverture numérique et l'accès aux soins.
L'article 2 détermine des critères limitatifs pour identifier les territoires en difficulté, à partir d'indicateurs mesurant le déclin démographique et l'emploi agricole. Je vous proposerai de supprimer cet article, pour deux raisons. Premièrement, ces critères ne suffisent pas à caractériser l'ensemble des territoires ruraux en difficulté ; il faudrait également prendre en compte le recul de l'activité industrielle ou encore l'évolution du revenu des habitants. En outre, il ne me semble pas adapté de fixer un cadre trop restrictif, qui risquerait de laisser au bord du chemin des territoires pourtant mal en point. Il est donc préférable de laisser aux parties prenantes le soin d'identifier les territoires requérant le plus d'attention, dans un cadre plus souple et plus propice à une concertation locale.
L'article 3 identifie les signataires des contrats territoriaux de développement rural. Outre quelques allègements rédactionnels, je vous proposerai que l'État, lorsqu'il n'existe pas de pôle d'équilibre territorial et rural, l'Etat puisse contractualiser directement avec un EPCI à fiscalité propre, plutôt qu'avec un syndicat responsable de SCoT. En effet, confier une telle mission aux syndicats responsables d'un schéma de cohérence territorial, dont les missions sont très différentes, ne me semble pas adapté. Sans compter qu'avec les évolutions de la carte intercommunale, certains pôles d'équilibre territoriaux et ruraux pourraient être transformés en EPCI à fiscalité propre. Cette modification vise donc à élargir le périmètre du dispositif proposé.
L'article 4 est relatif au financement des contrats, qui sera naturellement assuré par ses signataires, mais aussi par un recours aux fonds européens. Par souci de cohérence et de lisibilité, je vous proposerai d'en intégrer les dispositions à l'article 3, en les simplifiant.
L'article 5 porte sur l'élaboration et le contenu du contrat. Afin de simplifier le processus pour les parties prenantes, je vous soumettrai un amendement visant à recentrer sa rédaction sur le contenu du contrat, en précisant certains éléments. J'y intègre la possibilité pour les collectivités d'avoir recours à l'ingénierie de l'État, un sujet important pour les collectivités rurales.
L'article 6 détermine les modalités de signature du contrat. Là aussi, je vous proposerai de supprimer des dispositions qui ne semblent pas absolument nécessaires, dans un souci d'allègement du dispositif.
L'article 7 fixe les responsabilités de chacun des signataires. Ces précisions ne me semblent pas indispensables, puisque ce sont les parties prenantes qui détermineront ces modalités dans le contrat. Je vous en proposerai la suppression.
Sur l'article 8, qui pose un principe général de prise en considération des enjeux de la politique de cohésion territoriale et rurale par la planification et la contractualisation locale, sans imposer de révision des documents existants, je vous proposerai un amendement rédactionnel de simplification.
L'article 9 vise à geler le régime des zones de revitalisation rurale, tel qu'en vigueur au 1er juillet 2015, pour les territoires faisant l'objet d'un contrat territorial. Afin de recentrer la proposition de loi sur le dispositif du contrat, et dans la mesure où ce sujet relève davantage d'une loi de finances, je vous proposerai de supprimer cet article.
L'article 10 prévoit un soutien de l'État aux collectivités en matière d'ingénierie. Si je suis bien évidemment favorable à cette mesure, indispensable aux territoires ruraux, je vous proposerai d'intégrer ce dispositif directement à l'article 5, et, en conséquence, de supprimer cet article.
Comme vous le voyez, je vous propose un dispositif resserré, plus cohérent, plus opérationnel. Il s'agit de supprimer certains éléments du texte initial, afin de laisser davantage de souplesse aux territoires pour définir, de façon partenariale, les objectifs, les actions et les moyens à mobiliser. J'ajoute qu'entre le moment où cette proposition de loi a été déposée, en mai dernier, et aujourd'hui, bien des évolutions législatives sont intervenues, qu'il fallait prendre en compte. Ma préoccupation a été de mettre à disposition des élus locaux un outil simple d'utilisation, au service d'une véritable égalité entre les territoires.