Intervention de François Zocchetto

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 14 octobre 2015 à 8h30
Rendre effective l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu'une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur :

La commission mixte paritaire réunie il y a un peu plus de trois mois sur le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne s'est traduite par un échec. Nous nous étions opposés à la méthode retenue par les députés qui avaient profité de la transposition pour inscrire de nombreux articles additionnels relatifs à la procédure pénale. Nous avions aussi émis des réserves de fond sur plusieurs dispositions, puis adopté en nouvelle lecture une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Le 13 août dernier, le Conseil constitutionnel a censuré 27 articles de cette loi, quasiment tous ajoutés par l'Assemblée nationale. Je me réjouis de cette décision, qui montre que le Sénat ne peut pas être privé de son droit de discussion.

Sur le fond, je vous avais cependant indiqué que j'étais favorable à ce que nous examinions rapidement, sous la forme de textes spécifiques, certaines évolutions de notre législation en matière pénale. C'est le cas de la proposition de loi déposée par M. Jean-Pierre Sueur sur le financement illicite des partis politiques, pour laquelle notre commission a nommé un rapporteur. C'est également le cas de la proposition de Mme Catherine Troendlé que nous examinons aujourd'hui. Je salue son initiative ainsi que la qualité de son travail sur ce texte déposé à la suite des affaires médiatisées de pédophilie survenues au printemps dernier, à Villefontaine et Orgères. Dans ces deux dossiers, il est apparu que deux personnes soupçonnées d'actes pédophiles graves avaient continué à exercer leurs activités professionnelles auprès de mineurs alors même qu'elles avaient été condamnées pour détention d'images pédopornographiques plusieurs années auparavant.

À la suite de ces affaires, les ministères de la justice et de l'éducation nationale ont mené une inspection conjointe. Le rapport définitif des inspections générales n'a été rendu public qu'à l'issue du vote de la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne (DADUE). Le Gouvernement - et au premier chef le ministère de l'Éducation nationale - a confondu vitesse et précipitation.

Dans ces affaires délicates, le législateur doit suivre une ligne de crête particulièrement étroite. D'un côté, nous devons assurer la protection la plus efficace possible aux mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles ; de l'autre, nous sommes tenus au respect absolu de notre ordre constitutionnel, en particulier de la présomption d'innocence, qui suppose le respect du secret de l'instruction et de l'enquête. Aussi, l'approche défendue par Catherine Troendlé est-elle plus intéressante que celle qui nous avait été proposée en ce qu'elle est centrée sur les personnes condamnées.

Il existe dans notre droit pénal des peines principales et des peines complémentaires, dont l'interdiction, temporaire ou définitive, d'exercer une activité professionnelle ou bénévole en contact avec les mineurs. Les statistiques montrent que ces peines sont insuffisamment prononcées : en 2013, à 86 reprises sur les 2 978 condamnations pour agressions sexuelles contre mineurs et 74 fois pour les 1 600 condamnations pour mise en péril de mineurs.

Je vous invite à suivre la proposition de Mme Troendlé, moyennant quelques ajustements juridiques et rédactionnels. Nous veillerons évidemment au respect de la Constitution. Les articles 1er et 2 prévoient en effet de rendre systématique l'interdiction d'exercer auprès de mineurs à titre définitif. Cette rédaction entrerait en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'individualisation des peines. Je vous propose de laisser au juge la latitude de décider du caractère temporaire ou définitif de l'interdiction.

Je vous suggère de tirer profit des débats que nous avons eus cet été sur l'information des employeurs en cas de condamnation ou de procédure pénale en cours pour pédophilie, objet de l'article 3 de la proposition de loi. Nous reprendrons l'essentiel de l'article 30 de la loi DADUE en rétablissant un équilibre entre protection des mineurs et présomption d'innocence. Je vous proposerai de n'intégrer dans le champ d'obligation d'information que les activités placées sous le contrôle direct ou indirect de l'autorité administrative.

J'estime également souhaitable de nous limiter à une obligation d'information de l'administration de tutelle portant sur les condamnations pour sexuelle contre mineur. Les affaires encore au stade de l'enquête restent soumises au secret. Il n'est pas possible de déroger à ce principe, au risque de porter atteinte à la présomption d'innocence.

J'ai été surpris du dépôt d'amendements de suppression systématique de tous les articles. Autant je connais l'aversion de certains aux peines-plancher, autant d'autres demandent la suppression d'articles votés par l'Assemblée nationale à la demande pressante du Gouvernement.

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