Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, pour ce débat annuel de politique étrangère, notre commission a proposé le sujet suivant : « Quelle autonomie pour quelle ambition ? » Ce sujet est très vaste et les thèmes retenus des quatre rapports d’information – nos relations avec la Russie, avec l’Iran, les conséquences des dérèglements climatiques et le développement économique de la Chine –, tout comme l’actualité de ces dernières semaines, fournissent largement de quoi alimenter cette discussion. Néanmoins, précisément en raison de cette actualité immédiate, je limiterai mon propos aux conflits multiformes qui se déroulent au Moyen-Orient.
Le drame syrien nous donne ainsi l’occasion de nous interroger non pas tant sur l’autonomie parfois limitée dont fait preuve notre pays que sur certaines ambiguïtés de notre politique étrangère. Ces ambiguïtés ne sont-elles pas justement le reflet d’un manque d’ambition ?
En Syrie, la situation stratégique est figée. Aucun des protagonistes intérieurs n’est en mesure de l’emporter militairement. La complexité de la situation et la faiblesse des forces démocratiques syriennes font d’ailleurs que les États-Unis ont dû admettre le fiasco total de leur programme d’entraînement de quelques groupes d’opposition. Les frappes aériennes réalisées par la coalition sous leur commandement pour combattre le prétendu État islamique connaissent des résultats très limités, qui peinent à contenir Daech. Aucune solution diplomatique n’est en vue, du fait de la division et des intérêts souvent divergents des puissances extérieures. Face à ce sombre tableau de la situation, quel rôle jouons-nous réellement ?
Monsieur le ministre, je connais vos efforts et votre talent pour faire entendre la voix de la France. Pourtant, celle-ci est parfois peu audible.
En déclenchant in extremis des frappes aériennes en Syrie à la veille de l’ouverture de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU, le Président de la République a sans doute souhaité intervenir militairement en Syrie pour montrer sa détermination à jouer un rôle important parmi les protagonistes de ce conflit. Cependant, peut-on dire que la France ait publiquement pris des initiatives diplomatiques constructives ? Je ne le pense pas, car nous ne défendons pas nos convictions avec assez d’audace et de force.
Il en va ainsi concernant l’intervention militaire russe en Syrie. Certes, nous ne devons pas être naïfs quant aux intentions de Vladimir Poutine, lequel veut vraisemblablement reprendre sa place dans le jeu régional, préserver les intérêts stratégiques de son pays, permettre à Bachar al-Assad de regagner du terrain et éviter l’effondrement de son réduit. Toutefois, force est de constater qu’il prend des initiatives et propose des objectifs politiques. Face à cela, les États-Unis et nous-mêmes sommes sur la défensive et semblons ne plus avoir prise sur l’évolution de la situation.
En effet, faute de propositions claires et d’initiatives sur la faisabilité même de la transition politique que nous voudrions voir se réaliser en Syrie, nous donnons l’impression d’être indécis, écartelés entre notre souhait d’éradiquer les djihadistes et notre volonté d’en finir avec Bachar al-Assad qui les combat.
Pour le moment, les Russes, avec les Iraniens, verrouillent la situation ; pour la dénouer, il n’y a donc pas d’autre solution que de négocier avec eux. C’est pourquoi notre groupe approuve les remarques et les recommandations formulées dans les deux rapports d’information pour renouer, avec lucidité, le dialogue avec l’Iran et la Russie et, peut-être, rééquilibrer avec pragmatisme nos partenariats stratégiques, car il n’y aura pas de solution sans eux, encore moins contre eux.
Cette attitude frileuse et indécise dans la recherche de solutions s’explique aussi par votre trop grande prudence, monsieur le ministre, à vouloir ménager certains de nos partenaires, comme la Turquie, l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis – sans faire de bashing…