Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 15 octobre 2015 à 15h00
Débat sur le thème « la politique étrangère de la france : quelle autonomie pour quelle ambition ? »

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui nous conduit à nous interroger sur les principes et les motivations qui doivent guider la politique étrangère de la France et à nous demander dans quelle mesure celle-ci peut porter une voix singulière au sein du concert des nations.

Qu’il s’agisse de défendre des solutions politiques multilatérales aux crises actuelles, de promouvoir la démocratie libérale et les droits humains ou encore de mener à bien une diplomatie environnementale et une diplomatie économique, notre pays a un rôle certain à jouer.

C’est en ce sens qu’il me paraît plus à propos d’utiliser le pluriel et de parler « des » ambitions de notre diplomatie et de notre politique étrangère dans son ensemble.

En effet, dans un monde de plus en plus globalisé, interdépendant et complexe, nous devons nous adapter aux nombreux défis multidimensionnels qui se posent à nous. Pour cela, nous ne pouvons faire l’économie d’une approche et d’une réflexion à long terme pour notre politique étrangère. Il y va de notre responsabilité, de notre crédibilité et de la garantie de la préservation de notre autonomie.

Promouvoir une vision à long terme est une idée qui m’est chère, particulièrement en qualité d’écologiste.

Nul ne peut ignorer le décalage criant et dangereux qui existe aujourd’hui entre, d’une part, le temps long qui doit être celui du dialogue, de la résolution, de la reconstruction, de l’innovation, de la réflexion et des solutions face aux enjeux politiques, économiques, humanitaires et environnementaux et, d’autre part, le temps court du politique, de l’immédiateté de la décision et de l’instantanéité des médias qui s’imposent à nous. C’est cet impératif d’immédiateté qui prend le pas dans la politique que nous menons à l’échelle internationale.

C’est précisément cette incompatibilité entre ces deux temps, le temps long des solutions et le temps court de nos décisions, qui nous empêche d’anticiper, de prévoir et de nous projeter.

Un exemple particulièrement éloquent est bien évidemment, à quelques semaines de la tenue de la COP 21, celui de la lutte contre le dérèglement climatique.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à des défis inédits et les prévisions sont sans concession. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, d’ici à 2100, la température pourrait augmenter de cinq degrés Celsius.

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, on comptera 250 millions de réfugiés climatiques d’ici à 2050.

En outre, en 2025, 4 milliards de personnes vivront dans un pays sous stress hydrique et 840 millions de personnes se retrouveront en situation de faim chronique. Qui plus est, la population des pays pauvres devrait passer de 5, 3 milliards à 7, 8 milliards d’habitants d’ici à 2050.

Les chiffres sont indiscutables, mes chers collègues !

Face à ces défis, nous ne pouvons nous contenter d’une diplomatie à court terme ou changeante, mais nous devons au contraire adopter une politique étrangère prospective et ambitieuse.

Les recommandations que nous avons formulées dans le rapport d’information de la commission des affaires étrangères sur les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique vont dans ce sens : soutenir la réorientation de l’aide au développement vers les énergies nouvelles et l’efficacité énergétique, développer la recherche, l’innovation dans le domaine du climat, mettre en place à l’échelon international ou régional adéquat des structures permettant la gestion des crises dans la durée, ou encore renforcer en France la recherche et la formation en matière de technologies innovantes de protection du littoral et, a fortiori, de la biodiversité dans son ensemble.

Il ne s’agit là que de quelques propositions, mais celles-ci prouvent que la lutte contre le dérèglement climatique et ses multiples conséquences s’inscrivent dans un temps long avec lequel nos stratégies d’atténuation, du moins d’adaptation, doivent être en adéquation.

Hier, en amont de la COP 21, des ministres de la défense du monde entier se sont réunis pendant une journée à Paris pour parler du climat. Il s’agit là d’une prise de conscience que les écologistes appelaient de leurs vœux depuis de nombreuses années et ils s’en réjouissent. Le dérèglement climatique n’est plus un simple effet multiplicateur : c’est une donnée géopolitique qui doit conditionner toute notre réflexion !

Monsieur le ministre, plus généralement, il s’agit de souligner l’un des problèmes majeurs inhérents à la vie publique, à savoir le décalage entre le temps politique, le temps diplomatique et le temps militaire.

Puisque nous avons réussi à obtenir la rencontre entre écologistes et militaires sur des questions environnementales et de défense – sujet peu aisé, tant s’en faut ! –, il est donc désormais acquis que nous pouvons inciter au dialogue l’ensemble des acteurs concernés et ainsi faire coïncider nos objectifs en matière de politique étrangère avec les solutions vers lesquelles nous devons tendre.

Vous l’aurez donc compris, pour les écologistes, une politique étrangère autonome doit être une politique responsable à l’égard de nos partenaires. Ce doit être une politique cohérente. Enfin, ce doit être une politique en adéquation avec les principes et valeurs que nous portons.

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