Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, ce débat a lieu à quelques semaines de la COP 21. Monsieur le ministre, je ne vous inviterai pas à prendre votre bâton de pèlerin. J’ai en effet pu constater hier matin, en écoutant le discours d’ouverture de la conférence internationale des ministres et hauts responsables de la défense sur le thème « Climat et défense : quels enjeux ? » que vous avez prononcé, qu’une telle exhortation n’était pas nécessaire.
Mon intervention s’appuie largement sur le contenu du rapport d’information Climat : vers un dérèglement géopolitique ?, élaboré par Leila Aïchi, Cédric Perrin et moi-même. Ce document à trois voix est transpartisan et, s’il propose une mosaïque de points de vue, il dresse le constat partagé de la gravité de la situation.
Ce rapport d’information analyse en particulier les conséquences géostratégiques du dérèglement climatique dans la zone arctique. Cette problématique doit être développée dans la réflexion stratégique française, car ses conséquences sur l’équilibre international seront très importantes.
Le réchauffement de l’Arctique, marqué par la fonte des glaciers et du pergélisol et le recul de la banquise, est deux fois plus rapide qu’ailleurs et autorise à qualifier cette région de « sentinelle avancée » du réchauffement climatique. Ces évolutions sont un signal d’alarme appelant la communauté internationale à réagir, car elles préfigurent des bouleversements à l’échelle mondiale.
Selon les chercheurs, il est probable que, d’ici à 2050, voire avant, l’océan Arctique sera libre de glace à la fin de l’été, pour la première fois depuis 125 000 ans.
Le réchauffement climatique au niveau de la zone arctique va entraîner des bouleversements géostratégiques qui nous obligent à repenser notre vision du monde. L’Arctique devient donc un enjeu international très important.
Dans cette région, jusque-là perçue comme une périphérie glacée et inhabitable, pourrait émerger un nouvel espace d’échanges par l’ouverture de nouvelles routes maritimes réduisant considérablement les distances entre les grands ports d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie.
De même, de nouvelles activités économiques pourraient y prendre place, avec la modification de la pêche, l’extension des terres arables et l’exploitation, devenue possible, de réserves considérables d’hydrocarbures et de minerais.
Avec cela, de nouveaux conflits potentiels pourraient se déclencher, dans ce qui constituerait un changement géostratégique majeur avec le statut des passages du Nord, des litiges frontaliers, une nouvelle zone de confrontation entre la Russie et l’OTAN et l’émergence des intérêts des grandes puissances asiatiques, notamment de la Chine.
Face à ces enjeux considérables, il nous faut œuvrer, plus encore, pour la cohésion européenne, pour la définition d’une politique commune, qui ne va pas de soi tant les histoires et les intérêts divergent, et pour l’admission de l’Union européenne au Conseil de l’Arctique.
La réussite de la conférence de Paris est donc indispensable à la préservation de cet environnement unique, fragile et déterminant pour l’ensemble de la planète. Hier, monsieur le ministre, vous parliez à ce sujet de « conférence de la paix ».
Les objectifs français pour l’Arctique doivent être affirmés et la COP 21 peut nous permettre de donner un écho à cette stratégie.
Il importe également de promouvoir un usage durable de la haute mer dans le cadre des négociations internationales entamées au mois de janvier 2015 sous l’égide des Nations unies et de renforcer l’effort scientifique français sur l’Arctique dans un cadre de coopération internationale.
En matière de défense, il serait enfin souhaitable que le prochain Livre blanc développe l’analyse des intérêts économiques et stratégiques de la France en Arctique et des menaces et des risques associés.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le réchauffement climatique bouleverse considérablement les équilibres géostratégiques et nous conduit à réinventer toutes nos politiques, en particulier en matière de défense et de politique étrangère.
Nous devons en avoir pleinement conscience. La France est forte de nombreux atouts, que nous devons apprendre à mettre en avant.