Intervention de Manuel Valls

Réunion du 20 octobre 2015 à 14h30
Questions d'actualité au gouvernement — Politique migratoire européenne et turquie

Manuel Valls :

Monsieur Retailleau, je vais vous répondre sur ce sujet lourd et grave comme je l’ai fait tout à l’heure, à l’Assemblée nationale, à M. Fillon.

La Turquie est un partenaire stratégique de longue date de la France et de l’Union européenne : membre de l’OTAN depuis 1952, elle est engagée dans un processus de rapprochement avec l’Union européenne et se trouve, aujourd’hui plus que jamais, au carrefour d’enjeux stratégiques majeurs.

Même si elle doit clarifier certains de ses objectifs, comme vous venez de le souligner, la Turquie est un allié en vue de parvenir à une solution politique en Syrie. Elle ne peut qu’être partie prenante à cette démarche, à l’instar d’autres États de la région, tels que l’Iran ou les pays du Golfe.

La Turquie est soumise à d’importantes pressions, liées notamment à la présence sur son sol de plus de 2 millions de réfugiés syriens. Le défi que représente l’afflux de ces réfugiés en Europe sera encore plus difficile à relever si nous ne l’aidons pas à bâtir des solutions, de même d’ailleurs que le Liban ou la Jordanie. C’est l’intérêt de la France et de l’Union européenne.

La Turquie est en outre la cible d’attentats ; celui d’Ankara en a donné malheureusement une terrible démonstration. À l’approche des élections législatives, qui auront lieu le 1er novembre, le contexte politique est très sensible.

Notre intérêt est de poursuivre le dialogue engagé depuis plusieurs années maintenant et de soutenir l’effort incontestable fourni par la Turquie pour l’accueil des réfugiés syriens.

C’est pourquoi le Conseil européen du 15 octobre a décidé la mise en place d’un plan d’action commun entre l’Union européenne et la Turquie, afin de renforcer la coopération en vue de garantir des conditions de vie dignes aux réfugiés présents sur le sol turc, de lutter contre les réseaux de passeurs qui les acheminent vers l’Europe et de renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne.

L’Union européenne a pris, parallèlement, la décision d’apporter un soutien financier accru à la Turquie, l’aide humanitaire étant complétée par des fonds qui doivent permettre de financer l’hébergement, l’insertion et la formation des réfugiés.

Cet engagement de l’Europe est indispensable et n’affecte en rien notre position à l’égard de la Turquie, qu’il s’agisse de la libéralisation des visas ou du processus d’adhésion à l’Union. En tant que pays candidat, la Turquie est engagée dans une négociation qui se poursuit selon des règles qu’elle a elle-même acceptées et qui ne peuvent pas être modifiées.

La France souhaite que ces négociations avancent dans les domaines dans lesquels la Turquie est prête. Je rappelle que quatorze chapitres sur trente-cinq ont été ouverts, dont onze pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, et un a été clos ; un seul chapitre a été ouvert depuis 2013.

La question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, qui reste une perspective de très long terme, sera tranchée, le moment venu, par le peuple français.

En conclusion, il convient, monsieur Retailleau, de faire attention à deux choses.

Premièrement, nous devons respecter ce grand pays qu’est la Turquie. Cela ne nous interdit pas de faire preuve de lucidité, mais soyons attentifs à ce qui se passe dans cette région du monde.

L’une des forces de la France est de pouvoir parler avec tous. Je me trouvais voilà quelques jours en Jordanie, pays qui a bien besoin de notre soutien. Nous accueillerons le président iranien au mois de novembre. Le Président de la République a évoqué la situation au Moyen-Orient avec Vladimir Poutine et nous discutons bien sûr avec la Turquie. C’est la force de la France de n’être alignée sur personne et de tenir le même langage à chacun de ses interlocuteurs !

Deuxièmement, veillons – en l’occurrence, je fais moins référence à votre question qu’à celle qui m’a été posée aujourd'hui à l’Assemblée nationale, monsieur le sénateur – à préserver notre relation de solidarité avec l’Allemagne, qui fait face, en matière d’accueil des réfugiés, à un défi considérable. Le Gouvernement considère que la solidarité entre nos deux pays doit jouer à plein pour le relever.

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