Intervention de Olivier Schrameck

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 20 octobre 2015 à 17h50
Audition de M. Olivier Schrameck président du conseil supérieur de l'audiovisuel

Olivier Schrameck, président du CSA :

Je ne suis pas optimiste mais réaliste et, par conséquent, inquiet. Vous vous souvenez que votre commission m'a invité, le 5 février dernier, à présenter mes observations sur le sujet. J'ai été sensible au fait que la représentation nationale, notamment sur votre suggestion, a pris en compte, ainsi qu'il apparaît dans votre communiqué de presse du 15 septembre dernier, un certain nombre de principes qui nous étaient également apparus fondamentaux. Je relève en particulier que le principe de couverture à 95 % du territoire par les chaînes de la TNT devra être préservé pour les chaînes diffusées en numérique. Je relève aussi, cependant, que s'agissant tant de l'éligibilité à l'aide à l'équipement des foyers qui reçoivent la TNT par voie satellitaire, dont nous nous étions longuement entretenus, que des conclusions du rapport de l'IGF sur les opérateurs techniques de diffusion, seules sont évoquées des intentions du Gouvernement.

Je crois devoir à la représentation nationale une grande clarté sur la nature de nos inquiétudes. Nous avions marqué que ce basculement, qui correspond à la fois à un changement de norme de compression et à une réaffectation des fréquences dans l'ensemble de la région Ile-de-France touchant de nombreux sites limitrophes, est une opération sans précédent, techniquement plus risquée que le passage de l'analogique à la télévision hertzienne. Nous soulignions que le choix de la date, qui correspond à une période de vacances, accroît ces risques. D'où notre extrême vigilance, qui nous a conduit à prendre un certain nombre de mesures. Tout récemment encore, lors du collège du 14 octobre, nous avons procédé, pour faciliter les opérations et réserver leur juste place aux chaînes parlementaires, à la recomposition des multiplexes, rendue nécessaire par l'arrêt du R5 et du R8 lié au passage au MPEG-4. Les chaînes locales, de même que les chaînes de France Télévision, trouveront ainsi place sur le R1, avec une répartition de 160 millièmes, tandis que conformément à leur souhait, les deux chaînes parlementaires seront sur le R6, avec une répartition de 145 millièmes, ce qui leur assure, au regard des 160 millièmes sur le R1 initialement envisagés, une meilleure qualité à moindre coût.

Cela étant, des sujets de préoccupation demeurent, en particulier touchant l'indemnisation des opérateurs techniques de diffusion, sur laquelle m'interrogeait M. le sénateur Leleux. D'autant que certains prestataires de la diffusion technique conditionnent la reprise des travaux avec le CSA sur le réaménagement de fréquences à l'aboutissement des négociations. J'ai dit devant vous, en février, ma préférence pour l'indemnisation. Le Gouvernement a préféré commander un rapport à l'IGF, le 13 juillet 2015. J'indique que le contenu de ce rapport ne nous a pas été communiqué, ce qui nous met hors d'état de juger de ses préconisations et d'apprécier les garanties que pourrait apporter la solution transactionnelle annoncée dans votre communiqué. En tout état de cause, il importe de parvenir à une solution dans les meilleurs délais, afin d'inscrire ce dispositif d'indemnisation dans la loi de finances pour 2016 et de sécuriser les étapes à venir. Il ne serait pas inutile que la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle se penche sur la question.

S'agissant de la situation des foyers qui ont dû adopter un équipement satellitaire lors du passage au hertzien, nous exprimons les mêmes craintes.

En ce qui concerne l'accompagnement du public et des collectivités territoriales, se pose, en premier lieu, la question du dispositif d'aide à l'équipement et à la réception. Par un avis du 23 septembre 2015, le Conseil a émis deux réserves sur les projets de décret qui lui étaient soumis. La première tenait à la nécessité de reconduire le dispositif antérieur, par lequel il revenait au CSA de définir les zones géographiques de couverture où la continuité de la réception ne peut être assurée sans une intervention sur le récepteur lui-même. La seconde tendait à prévoir un processus pérenne d'attribution d'aide aux téléspectateurs couvrant, sur la période 2016-2019, la vie normale de la plateforme - problèmes de brouillage, de perte de réception - au-delà des seules opérations relatives au changement de fréquences et de normes. Le Conseil a en outre marqué une attention particulière au fait que le transfert de la bande des 700 MHz sur les émetteurs dits de l'article 30-3, susciterait des frais pour les collectivités territoriales. Il a sensibilisé l'Agence nationale des fréquences (ANFR) au problème et rendra un avis dans le cadre du projet de décret sur le Fond de réaménagement du spectre. Le CSA est favorable à l'intégration des collectivités territoriales dans le dispositif prévu par ce projet de décret. Un comité « 30-3/Bande 700 » a d'ailleurs été créé entre le CSA et l'ANFR, qui s'est réuni pour la première fois mercredi dernier et se réunira à nouveau le 3 novembre.

En ce qui concerne le dispositif de communication, nous souhaitons engager une collaboration plus étroite avec l'ANFR, chargée désormais de la campagne nationale d'information. Nous avons entendu le 30 septembre dernier, en collège plénier, son directeur général, M. Brégant, pour le sensibiliser à l'importance du sujet et aux actions envisagées. Nous avons émis le souhait très vif d'associer les comités territoriaux de l'audiovisuel, en vue de la diffusion de la campagne par les médias audiovisuels locaux. C'est en effet l'ANFR qui pilote le programme au plan national - dans un dialogue, certes, avec le CSA. L'Agence a sélectionné un prestataire, la société Publicis, et le CSA n'intervient qu'en appui, notamment dans le dialogue engagé avec les chaînes. Plusieurs de ces chaînes ont vivement critiqué le spot d'information envisagé, qui renvoie le téléspectateur, pour effectuer le test de compatibilité HD de son récepteur, à une chaîne qui se trouve hors de notre sphère de régulation, ce qui, manifestement, pose problème aux éditeurs dans le cadre de leurs écrans publicitaires.

Bref, le CSA exerce avec la plus grande attention son rôle d'interface avec les chaînes, mais c'est l'ANFR qui pilote ce plan. La campagne devrait être lancée par les ministres de l'économie et de la culture le 19 novembre prochain. L'expérience présente montre qu'il serait utile de prévoir, à l'avenir, une concertation plus en amont avec les éditeurs et le CSA.

Le réaménagement des fréquences relève pleinement, en revanche, du CSA, compétent pour planifier celles-ci en lien avec l'Arcep (Autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes), chargée de la coordination aux frontières et de la distribution des aides à la réception. C'est dans ce cadre que le CSA a rendu, le 23 septembre dernier, les deux avis que j'ai évoqués. Il restera vigilant sur les aides accordées aux collectivités territoriales concernant les émetteurs de l'article 30-3 et entend témoigner, dans le cadre de ces opérations, d'un souci d'échange constant avec les acteurs, appelé à s'intensifier au fil du calendrier, extrêmement tendu, qui nous attend. Je me garderai donc, monsieur le sénateur Assouline, d'un optimisme a priori.

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