Matthieu Pigasse, Xavier Niel et Pierre-Antoine Capton.
Ces mouvements, qui se réclament de la convergence ou de la synergie, peuvent être positifs mais ils sont complexes, et doivent être surveillés. C'est pourquoi j'insiste à nouveau sur la nécessité d'asseoir le rôle économique du CSA. La loi du 15 novembre 2013 a certes posé des jalons, dans les cas d'appel à candidature. Mais hors ce cas de figure, nous manquons des moyens légaux pour mener des investigations, définir les marchés pertinents et indiquer des orientations régulatrices. Nous demandons au législateur de nous les donner, car cela est plus nécessaire encore aujourd'hui. J'ajoute que les règles relatives aux concentrations posées par la loi de 1986 ne concernent que les concentrations monomédia, avec, par exemple, le plafond de couverture radio, ou plurimédia, avec la règle dite du deux sur trois. Ces règles, définies en 1994, ont singulièrement vieilli. J'ajoute que rien n'est dit des concentrations entre des médias et d'autres activités économiques - télécoms, production, BTP, publicité, transports... C'est là un sujet qui relève du législateur, et sur lequel je me permets d'attirer vivement votre attention.
M. Assouline et Mme Blondin m'interrogent sur l'indépendance éditoriale. Nous avons été très attentifs aux débats de ces dernières semaines sur le sujet. M. Bolloré a été entendu par le CSA le 24 septembre dernier, et nous avons décidé de constituer un groupe de travail réunissant les plus hauts responsables de l'administration du CSA, conduits par le directeur général, et les plus hauts responsables du groupe Canal +. Ce groupe de travail s'est déjà réuni à deux reprises, la semaine dernière et ce matin même. Son objectif est d'aboutir, madame la sénatrice Blondin, dans les prochaines semaines. Outre la question du comité d'éthique - qui n'est pas purement interne à la société, car le CSA a des moyens d'action sur sa composition, son fonctionnement, ses rapports et ses évaluations -, nous avons discuté de l'adoption d'une éventuelle charte - vous savez qu'il en a existé une à Canal +, à laquelle il a été mis fin en 2005, sous la présidence de M. Baudis. D'ores et déjà, l'article 7 de la convention de 2000 modifiée signée avec Canal + introduit une référence au principe constitutionnel de l'indépendance éditoriale de la société. Par ailleurs, la convention avec iTELE est plus précise encore, puisqu'elle fait référence au problème des relations entre les activités d'édition et les activités de distribution de services de communication audiovisuelle développés par ailleurs. Enfin, nous avons signé des conventions avec les groupes TF1 et M6, qui comportent chacune un article 6 relatif à l'indépendance éditoriale plus précis encore.
Nous agissons dans une optique de régulation, par la négociation, dans un souci de persuasion et je dois dire que nos interlocuteurs sont, dans ce dialogue, extrêmement diligents. Je suis régulièrement en contact avec M. Bolloré, qui insiste sur l'importance des investissements qu'il est prêt à consentir, notamment dans le cadre du changement nécessaire des décodeurs, pour 1 milliard d'euros, et dans celui des investissements de contenu, pour la même somme. Mais ces engagements économiques, dont nous mesurons la portée, doivent se doubler du respect des principes éthiques qui garantissent l'honnêteté, le pluralisme et la qualité de l'information. J'ai bien noté que la ministre de la culture et de la communication a évoqué la possibilité d'une disposition législative. La représentation nationale sera juge du résultat des négociations que nous menons actuellement avec Canal + pour obtenir des résultats tangibles. Cela étant, nos pouvoirs, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur Assouline, s'arrêtent à la diffusion à l'antenne. Nous n'avons pas de levier sur le fonctionnement des éditeurs pour la fabrication des émissions. Or, l'audiovisuel est une chaîne qui, outre les éditeurs, passe par les producteurs, les scénaristes, les ayants droit, les diffuseurs, les annonceurs. La régulation économique devrait porter sur l'ensemble de la chaîne.
Vous avez, madame Bouchoux, entendu Mme Sylvie Pierre-Brossolette. Nous avons en effet renforcé et élargi la charte de l'alimentation, en ouvrant l'adhésion à l'ensemble des radios. Nous nous attachons à l'action en faveur de l'éducation des jeunes téléspectateurs. Nous avons ainsi organisé, il y a un an, un colloque au Collège de France sur les jeunes et les écrans. Nous avons également mis en place, sous la conduite de Mme Memona Hintermann-Afféjee, un groupe de travail Education et médias, qui doit nous permettre d'enrichir notre site d'information. C'est, là encore, la même logique de régulation par la persuasion qui nous anime.
Quant au pluralisme, nous y travaillons semaine après semaine. Chaque collège est ponctué par l'examen de saisines. La période de six semaines avant l'élection, durant laquelle les critères au regard desquels s'apprécie le respect du principe d'équité sont particulièrement exigeants, ne s'ouvrira, comme vous le savez, que le 26 octobre prochain. Cependant, via un mail envoyé il y a vingt-quatre heures, nous avons entendu, au-delà des cas particuliers dont nous sommes saisis, sensibiliser l'ensemble des éditeurs au fait que la période préalable à l'ouverture de la campagne appelait de leur part un attachement particulier au respect du principe d'équité.