Je vous remercie pour l'ensemble des questions et je vais tâcher de répondre à chacune d'elles.
Il est toujours difficile de choisir un nouveau lanceur. Cette démarche est toujours un pari et nous avons dû modifier notre feuille de route initiale mentionnant le lanceur Ariane 5 ME qui, en dépit de certains avantages que j'avais tenu à souligner, restait un lanceur trop cher, pas assez souple, et assez mal adapté au marché institutionnel. La précédente forme d'Ariane 6 a suscité un certain nombre de réserves, émanant notamment de l'Allemagne, second contributeur d'Ariane qui souhaitait aller davantage vers la propulsion liquide, et d'une partie de notre outil industriel national. Nos clients n'étaient pas non plus satisfaits, puisque ce lanceur n'était pas modulaire, et avec 6 tonnes de performance en orbite, se positionnait sur un segment de marché qui n'était pas le plus porteur dans les années à venir. En outre, ce lanceur était surdimensionné pour le lancement des charges utiles institutionnelles européennes, alors que c'était l'une de ses vocations. Notre actuel projet de lanceur a été arrêté au terme d'un débat qui s'est déroulé de manière vertueuse et a rassemblé l'ensemble des acteurs de la filière. Airbus et Safran ont ainsi proposé un nouveau projet, avant d'être amendé par l'ESA et le CNES et de nous être soumis. Madame Fioraso a su réunir l'ensemble des acteurs clés autour de la table et faire preuve d'un réel leadership ministériel à l'été 2014, sans lequel ce projet fédérateur n'aurait pas abouti.
Pourquoi Ariane 6 sera-t-il un bon lanceur ? Il est modulaire tandis que le précédent ne l'était pas. Ariane 6 va nous permettre de capitaliser sur notre excellence dans la propulsion liquide et à poudre. L'objectif est d'atteindre un coût par lancement de 90 millions d'euros, soit 110 à 120 millions de dollars US, contre celui de 200 millions de dollars qui est aujourd'hui celui d'Ariane 5. Ce nouveau dispositif sera ainsi plus flexible et moins cher. Cet objectif de prix représente le prix de lancement de deux petits satellites chez SpaceX et s'avère moindre que celui de notre concurrent direct dans le cas du lancement d'un gros satellite et d'un autre de taille plus réduite. La technologie des éléments réutilisables, que promeut SpaceX, pose de nombreuses questions et ne peut être rentable qu'à la condition d'assurer 30 lancements annuels, sans compter les coûts de remise en état. Je vous rappelle que notre concurrent souhaite aller sur Mars, ce qui n'est pas notre objectif ! Nous avons certes eu un débat quant au « business model » à suivre pour Ariane 6 et celui que nous avons adopté a fait l'objet d'un partenariat exemplaire entre l'industrie, les agences européennes et nos clients. Il faut ainsi aller dans la direction du programme Ariane 6 sans aucun regret. En outre, en dépit des succès de Vega, il n'y a pas beaucoup de lanceurs en service à la motorisation majoritairement poudre et les concurrents d'Ariane 6 disposent, quant à eux, de lanceurs liquides.
Aujourd'hui, le « Buy European Act » n'existe pas. Il est vrai que les États européens peuvent choisir un autre lanceur que ceux d'Arianespace. Globalement, la France, qui a pu très ponctuellement solliciter d'autres lanceurs dans le cadre d'une démarche donnant-donnant ou de projets en partenariat, achète quasi-exclusivement auprès d'Arianespace ; les Allemands et les Italiens le faisant, pour leur part, dans une moindre mesure.
La Commission européenne, de fait, achète la quasi-totalité de ses lancements à Arianespace. Elle est devenue notre premier client et représente dans notre carnet de commandes un peu moins d'un milliard d'euros, à travers les contrats que nous passons avec l'Agence spatiale européenne. Aujourd'hui, dans les faits, nous constatons un fort ancrage des clients institutionnels vers Arianespace et je tiens à souligner l'importance de la Commission européenne qui est vraiment pour nous un partenaire clé, à travers notamment le soutien de l'Agence spatiale européenne. Demain, c'est tout le pari d'Ariane 6 que de faire en sorte qu'émerge une nouvelle donne : l'industrie prenant plus de risques tandis que les États s'engagent davantage. C'est ce que construit pas à pas l'Agence spatiale européenne et l'ensemble des pays qui en sont membres, et l'objectif est d'avoir 5 lancements garantis pour Ariane et 3 pour Vega. Ce n'est pas encore réalisé, mais je pense que nous sommes en bonne voie d'y parvenir. J'ai de nombreux contacts avec la Commission européenne qui joue un rôle clé à cet égard et j'ai le sentiment qu'une volonté se dessine en son sein d'aller vers cela, dans le respect des règles européennes. Le soutien de la commissaire européenne en charge de l'espace est réel et nous sommes très confiants dans l'engagement de l'Europe envers les lanceurs européens.
L'Allemagne et l'Italie sont les contributeurs clés et fidèles d'Ariane et il faut envisager l'avenir avec confiance. Le pari d'Ariane 6 est vertueux et va apporter un ancrage de l'écosystème européen.
S'agissant de l'ingénierie des systèmes embarqués, ce sujet est abordé par l'un des six groupes clés mis en oeuvre par Airbus Safran Launchers et les agences pour le développement d'Ariane 6. Les autres thématiques concernent la propulsion solide, la propulsion liquide, les structures, le système ainsi que les aspects concernant les opérations et l'intégration. Les systèmes embarqués représentent bel et bien une priorité pour cet industriel.
Sur la question des sociétés mères qui fait l'objet de la proposition de loi que vous avez évoquée, je ne dispose pas, pour l'heure, d'élément. En revanche, s'agissant de notre RSE, celle-ci fait l'objet d'une partie conséquente du rapport annuel d'Arianespace qui y attache une très grande importance. Pour preuve, l'obtention des labels ISO 14001 et ISO 50001 par notre site de Kourou. Nous sommes également très soucieux de la maîtrise des risques environnementaux et de la sécurité des personnels. Si le dernier accident d'envergure remonte à 2013 en région Aquitaine, la dangerosité des sites, dont la plupart sont pyrotechniques, nous conduit à renforcer constamment notre dispositif de sécurité au travail et nous n'avons pas enregistré d'accident dramatique depuis la décennie 1990.