Intervention de Stéphane Israël

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 octobre 2015 à 9h30
Audition de M. Stéphane Israël président-directeur général d'arianespace

Stéphane Israël, président-directeur-général d'Arianespace :

Nous sommes responsables du lanceur dont l'essentiel des étages retombe dans la mer sans encombre. Seul l'étage supérieur demeure dans l'espace avant de retomber dans des conditions contrôlées. Avec Ariane 6, nous allons respecter pleinement la loi sur les opérations spatiales qui s'applique aux lanceurs de nouvelle génération. Arianespace remplit ses obligations actuelles et futures. S'agissant de nos clients, ils sont davantage en mesure de répondre à cette question ! Ainsi, si OneWeb n'est pas capable de démontrer comment il traitera ses satellites en fin de vie, il sera en grande difficulté. Globalement, le sujet des débris est un vrai sujet à l'importance croissante pour les opérateurs et la puissance publique. Il existe d'ailleurs un programme spécifique de la Commission européenne pour traiter ces questions. Il va ainsi falloir encourager ces démarches, car il est vrai que certaines orbites peuvent s'avérer plus ou moins saturées. Je partage tout à fait votre préoccupation vis-à-vis de la propreté de l'espace.

L'espace ne fait pas partie du champ des sanctions mises en place par l'Europe à l'encontre de la Russie, ce qui assure la continuité de la coopération spatiale. D'ailleurs, nos amis américains continuent d'envoyer leurs astronautes dans l'espace avec Soyouz depuis Baïkonour. Ils ont même acheté des sièges supplémentaires pour les années 2017-2020. La coopération dans le secteur spatial civil a toujours été très forte, fût-ce même lors de la Guerre froide. Notre partenariat avec la Russie date de 1966 lors de la visite officielle du Général de Gaulle en Russie. Ainsi, la coopération qu'Arianespace entretient dans le domaine civil avec ses partenaires civils est excellente. Avec Ariane 6, il nous sera bientôt possible de lancer des satellites que nous envoyons à présent dans l'espace avec Soyouz. Nous avons évoqué ce point avec nos partenaires russes et nous leur avons indiqué qu'il nous paraissait normal que l'Europe, à terme, soit en mesure de lancer ses propres satellites avec un lanceur européen. Mais une telle perspective demeure lointaine et nous disposons d'autres relais de croissance pour Soyouz, y compris en Guyane. Alors que nous lancions le programme Ariane 6, nous avons passé la plus grande commande de notre histoire auprès de nos partenaires russes pour OneWeb. De nombreuses raisons me font penser de l'intérêt de disposer dans la durée d'un pas de tir en Guyane pour Soyouz ! D'ores et déjà, nous avons réalisé 38 lancements avec notre partenaire russe, soit 26 à Kourou et 12 à Baïkonour. Sur ces trente-huit, seul un lancement, qui était destiné à Galileo, ne s'est pas déroulé de manière nominale et a été, depuis lors, corrigé de manière exemplaire, à l'issue d'un dialogue fructueux avec Roscosmos. Ce partenariat de confiance va nécessairement évoluer. Lorsqu'un marché existe, nous sommes prêts à en saisir toutes les opportunités, y compris pour nos partenaires russes. Et c'est là toute la leçon du contrat Oneweb dont les retombées sur l'emploi en Guyane et l'industrie russe sont réelles. Il importe de faire vivre dans ce nouveau contexte ce partenariat qui doit demeurer, autant que faire se peut, à l'abri des vicissitudes géopolitiques.

Sur l'ultralibéralisme présumé de la Commission européenne, je souhaite dire deux choses. D'une part, nous avons l'Agence spatiale européenne qui a toujours soutenu les lanceurs européens. D'autre part, la Commission européenne est, quant à elle, animée par une nouvelle ambition pour l'espace depuis le Traité de Lisbonne. Elle est devenue, de fait, un client-clé pour les satellites et les lanceurs européens. Les États-membres de l'Union devraient, je l'espère, s'engager davantage encore en faveur des lanceurs européens et il me semble que nous allons ainsi dans la bonne direction.

S'agissant de la place de l'espace dans la connectivité, je pense que celui-ci contribuera à la connectivité globale, puisque la fibre ne pourra être uniformément déployée. OneWeb peut participer, comme d'autres satellites, à la réalisation du plan très haut débit français. Nous n'avons cependant pas de contact avec les opérateurs de télécommunication terrestre français, car ceux-ci ne sont pas nos interlocuteurs directs. Mais j'ai la conviction que l'espace participera aux solutions de connectivité ce qui nous impose de changer, puisqu'il importe que les solutions spatiales soient les moins chères possibles. À cet égard, j'en appelle au Gouvernement dans le cadre du plan très haut débit pour lui recommander de l'enrichir d'une composante spatiale. Toute une réflexion est également conduite parmi les opérateurs de satellites en orbite géostationnaire pour contribuer davantage au réseau internet.

L'Inde est, depuis le début, un partenaire important pour la France dans son programme spatial. En matière de lanceurs, la solution est simple : l'Inde a confié le lancement de 19 satellites à Arianespace et notre prochain lancement sera pour l'ISRO. La France a su confier le lancement des satellites Spots 6 et 7 au PSLV, qui est un très bon lanceur indien. Une telle démarche me paraît de nature à renforcer notre partenariat. L'ISRO est en train de monter en compétence avec un lanceur plus puissant qui est le GSLV, mais celui-ci devrait répondre, dans un avenir proche, davantage aux besoins domestiques. Nos amis indiens devront également assumer, dans les prochaines années, une réelle montée en cadence de leurs lancements. Le programme spatial indien s'avère ainsi exemplaire, comme en témoigne l'envoi réussi d'une sonde vers la planète Mars l'année dernière. La France a su s'intégrer dans ce partenariat, et nous accueillerons avec plaisir un satellite indien de taille importante, le 10 novembre prochain.

La Chine est dans une situation plus particulière puisque, du fait de la Réglementation américaine sur le trafic d'armes au niveau international (« International Traffic in Arms Regulations »ITAR), tout satellite présentant un composant américain peut être interdit de vol sur un lanceur chinois. Aujourd'hui, la Chine est plutôt dans une situation hors-marché, mais si cette réglementation venait à être assouplie, elle deviendrait un concurrent très important bénéficiant de son marché domestique énorme, qui lui conférerait de gros avantages à l'export.

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