Intervention de Axelle Lemaire

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 21 octobre 2015 à 9h30
Consolider et clarifier l'organisation de la manutention dans les ports maritimes — Désignation des candidats appelés à faire partie de la commission mixte paritaire

Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique :

Nous finançons la montée en débit pour répondre à l'urgence, tout simplement. À terme, la montée en débit permettra d'accueillir la fibre optique.

Par ailleurs, vous suggérez un manque de priorisation des objectifs du Gouvernement, entre le soutien à la meilleure technologie, la baisse des prix pour les consommateurs, ou encore le découpage territorial des zones. En réalité, l'art de gouverner nécessite de poursuivre des objectifs de politique publique qui sont tous aussi importants les uns que les autres. Il faut tous les poursuivre, de façon pragmatique et équilibré. Concrètement, cela se traduit par des obligations de couverture sur la bande 700 qui sont plus élevées que celles prévues sur la bande 800, tout en prévoyant un plancher pour les recettes publiques dégagées, pour garantir au moins 2,5 milliards d'euros. Nous avons également ajouté des obligations pour la couverture des trains du quotidien. Cela concerne plus de six millions de passagers au quotidien. Nous introduisons pour la première fois de telles obligations. La perspective de cette obligation a par ailleurs accéléré les négociations entre la SNCF et les opérateurs de télécommunications.

Sur la 4G, concernant les outre-mer, les obligations de couverture sont sans précédent, avec un objectif social qui exige un niveau de service au rendez-vous, et des offres plus inclusives. Pour la première fois, le Gouvernement intègre des objectifs d'inclusion par les tarifs dans une procédure d'attribution de licences mobiles, pour lutter contre la vie chère dans les outre-mer.

À propos des zones privées, vous soulevez des inquiétudes légitimes, que je partage pour certains opérateurs, sur certaines zones. Dans les zones très denses, les opérateurs sont tous au rendez-vous car les clients sont présents et la commercialisation est plus importante que prévue. Dans les zones denses, qui étaient sans réseau de câble, la fusion entre SFR et Numericable a ralenti les déploiements. On constate un ralentissement, voire une inaction, par rapport aux conventions signées en 2013 sous la supervision de l'Etat. Ces conventions sont un outil juridique utile et solide, qui prévoit une procédure de constat de carence. À Lille hier j'ai encore pu constater les effets bien réels de ces conventions. La métropole européenne est couverte aux deux tiers, mais le tiers restant est celui qui aurait dû faire l'objet d'une couverture dans le cadre de l'accord entre SFR et Orange, mais qui n'est plus respecté suite à la fusion entre SFR et Numericable. J'ai clairement indiqué que l'Etat constaterait le manquement. La réunion du comité régional va avoir lieu très bientôt, ce qui signifie que le marché s'ouvre à l'initiative publique. Les collectivités territoriales pourront donc investir, lorsque la carence aura été constatée. Il ne faut pas sous-estimer le rôle de ces conventions dans ce rapport de force, qui s'est durci ces douze derniers mois.

En matière de couverture mobile, le Gouvernement a effectivement repris le dossier face à l'urgence du problème et à l'évolution des usages. Les citoyens souhaitent avoir internet par le fixe mais également par le mobile. Aujourd'hui ne pas avoir accès à la téléphonie mobile est inacceptable. Nous avons donc introduit une composante mobile dans le plan THD, avec des financements et une obligation faite aux quatre opérateurs d'être présents. Un seul vient déployer l'équipement, mais les quatre opérateurs se sont engagés contractuellement pour venir commercialiser les réseaux dans les zones 2G, d'ici fin 2016, et dans les zones 3G, d'ici mi-2017.

Sur la question du recensement, se pose le problème de la différence entre les critères de calcul et le ressenti. Ces critères de calcul sont ceux des politiques publiques, qui ne sont pas les mêmes que ceux utilisés pour vérifier la couverture mobile par les opérateurs, qui sont fixés au niveau européen. Il faut effectivement faire des choix : lorsqu'on évoque la couverture d'une commune, c'est en effet au niveau du centre-bourg. C'est difficile à comprendre pour les habitants, qui souhaiteraient pouvoir communiquer de partout, et pas seulement hors de la place du village. Mais il faut être réaliste, ne pas faire de fausses promesses et tenir un langage de vérité : on imagine bien le coût d'une couverture totale du territoire. Commençons donc par ce qui est réaliste, c'est-à-dire de couvrir déjà un point dans les communes qui n'ont rien.

Aujourd'hui dans le recensement, nous constatons qu'il y a un écart important, plus important que ce que nous attendions, entre le constat réalisé par les préfectures de région, mandatées au mois de juillet, et ce que nous annonce les opérateurs. Nous avons fait appel à deux prestataires indépendants qui travaillent avec des binômes d'opérateurs, pour faire des contre-expertises sur le terrain et établir une liste définitive de commune, qui devrait être disponible d'ici la fin du mois d'octobre. Pour la 3G, la procédure est comparable, avec un déploiement prévu d'ici mi-2017.

S'agissant de la notification à la commission européenne, évoquée hier en séance par Monsieur Chaize, que je prie de bien vouloir m'excuser pour mon absence, car j'étais justement à Lille, pour constater qu'Orange avait décidé de déployer sur certaines communes que SFR devait initialement prendre en charge. Sur ce sujet, je pense qu'il ne faut céder ni à la panique, ni à la tentation d'instrumentalisation politique, pour un sujet qui est trop important pour nos concitoyens. Je pense que nous sommes tous d'accord pour affirmer que la conjonction des financements des collectivités territoriales, de l'Etat et de l'Union européenne est la clef afin de maximiser les ressources pour les déploiements. Il ne faut pas fragiliser cela par des initiatives politiques dissonantes. Que la Commission européenne nous pose des questions sur le plan très haut débit, cela est tout à fait normal, du fait de l'ampleur sans précédent des investissements publics. La France fera peut-être jurisprudence pour d'autres pays. Avec beaucoup de minutie, nous avons répondu à chacune des questions de la Commission européenne, qui s'interroge sur l'application du régime des aides d'État au nouveau cahier des charges. Mais je tiens à souligner que cela ne concerne que 3 % du plan. L'Union européenne examine ainsi la montée en débit, qui serait une préférence donnée de facto à l'opérateur historique. Concrètement c'est effectivement Orange qui est dans ces zones. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'Etat a privilégié un opérateur, ni qu'il a interdit aux autres opérateurs d'être présents. Les opérateurs ont plutôt tendance à déplorer une concurrence trop farouche entre eux, et d'ailleurs tous les opérateurs sont allés témoigner auprès de la Commission pour souligner à quel point la concurrence joue à plein sur le marché français, par rapport à d'autres pays. J'ai moi-même porté politiquement ce dossier, pour éviter qu'il soit pris en charge exclusivement par des experts. A ce stade, je pense que les doutes sont levés. Les commissaires européens sont convaincus du bien-fondé de la démarche française. Des échanges techniques restent nécessaires pour consolider les expertises, notamment auprès de la direction juridique, mais non plus auprès de la direction de la concurrence. Il y a trois mois, je vous aurai apporté une réponse bien plus prudente. Aujourd'hui, je crois que les nuages se sont dissipés.

J'en finirai sur l'idée selon laquelle les collectivités seraient livrées à elles-mêmes, et abandonnées aux choix qu'elles doivent faire. Nous avons effectivement choisi une méthode inhabituelle pour l'État français, centralisateur, bureaucratique, jacobin. Nous faisons confiance aux choix des collectivités territoriales. Ce choix, retenu par nos prédécesseurs, nous a semblé sain, et sa remise en cause en cours de route aurait été très déstabilisante pour les collectivités. Nous avons toutefois choisi de modifier la méthode, notamment par une nouvelle gouvernance. Après avoir mis en place la Mission très haut débit, nous avons créé une Agence du numérique, qui se place complètement au service des collectivités territoriales et qui assure une co-construction des dossiers. Ce qui nous est reproché n'est pas tant de laisser les collectivités livrées à elles-mêmes, que d'être très exigeant en termes de conformité au cahier des charges, notamment pour s'assurer que le projet est conforme au régime des aides d'Etat. Il y a effectivement beaucoup d'allers-retours, avant la fameuse réunion du comité de concertation qui doit décider de la subvention. Cette méthode me semble très novatrice, en préférant accompagner les collectivités, plutôt que dicter.

Effectivement, il y a les bons élèves, et les moins bons. Il ne faut pas laisser ces derniers de côté. J'ai souhaité en priorité accompagner les derniers départements qui n'ont pas présenté de dossiers. Le Président de la République s'est engagé à ce que la totalité des départements aient déposé des dossiers d'ici la fin de l'année, et qu'ils aient tous fait l'objet d'une décision d'investissement d'ici la fin de l'année prochaine. L'ensemble des collectivités territoriales seront donc concernées par le plan très haut débit d'ici fin 2016. Cette méthode de mobilisation collective doit être saluée, car elle n'est pas habituelle pour les services de l'Etat. Nous avons rationalisé l'action du Gouvernement, en regroupant le pilotage des infrastructures par la Mission très haut débit avec les écosystèmes d'innovation et les start-up de la Mission French Tech et la Délégation aux usages de l'internet, pour que la politique du numérique soit cohérente. Cela ne s'est pas accompagné d'une réduction des effectifs et des moyens, bien au contraire. Depuis plus d'un an, le nombre d'ETP consacrés exclusivement à la Mission très haut débit augmente. Nous avons notamment reçu des effectifs en provenance de la Caisse des dépôts, pour renforcer les équipes. L'Agence du numérique est donc en ordre de marche pour accomplir sa mission, qui est l'accompagnement des collectivités territoriales.

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