Intervention de Louis Gautier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 octobre 2015 à 9h30
Loi de finances pour 2016 — Crédits du sgdsn - Audition de M. Louis Gautier secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale sgdsn et de M. Guillaume Poupard directeur général de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information anssi

Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale :

Des propositions seront faites au gouvernement sur le plan Vigipirate à la fin du mois de novembre. Le dispositif Sentinelle fera l'objet d'une évaluation fin décembre, pour respecter le rendez-vous parlementaire du début de l'année 2016. S'agissant de Vigipirate, les retours d'expérience à la fin de l'année 2015 montrent une inadaptation du dispositif. La difficulté vient de la définition des postures. Il n'y a pas de lien entre le plan Vigipirate et la doctrine des armées et notamment le contrat emploi-protection. Le dispositif était prévu pour inclure 1 500 militaires sur le territoire puis 3 000 militaires dans la posture dite « alerte attentat » mais n'envisageait pas le déclenchement du contrat emploi protection des armées.

Dans la doctrine des armées, le contrat emploi protection est d'abord prévu pour faire face aux catastrophes. Il envisage la mobilisation massive des capacités militaires mais pendant une durée limitée, par exemple pour faire face aux effets d'une tempête ou d'un accident industriel. Aujourd'hui, il apparaît nécessaire, pour permettre au plan Vigipirate de s'étaler dans la durée, de recréer un lien entre le plan et le contrat emploi protection qui permet de mobiliser désormais jusqu'à 7000 hommes dans la durée.

La posture alerte attentat maintenu dans le temps n'est pas adaptée. Pourquoi a-t-elle été déclenchée en raison de la situation après les attentats de Charlie Hebdo ? Pourquoi a-t-elle perduré ? Parce qu'elle seule permettait de doubler les effectifs. Cette posture s'accompagne d'une série de contraintes juridiques qui ne peuvent être maintenues dans le temps, telles que les interdictions de sorties scolaires. Cette posture de crise continue d'être appliquée parce qu'elle permettait au départ de mobiliser les effectifs nécessaires mais alors même qu'elle prévoit des options juridiques qui ne peuvent pas être appliquées dans la durée. Elle doit être réservée aux périodes où une menace grave et imminente est décelée ou lorsque l'on recherche des terroristes en fuite par exemple. Il est donc nécessaire de redéfinir une posture d'urgence autour d'une posture alerte attentat qui resterait limitée dans le temps.

Enfin, il faut pouvoir territorialiser le plan Vigipirate. Jusqu'ici la logique appliquée envisageait le déploiement des militaires dans le cadre du contrat de protection des armées sous la forme d'une projection intérieure de force à l'instar de la projection extérieure. Mettre en oeuvre un déploiement pérenne des forces implique une territorialisation de ce plan.

Pour répondre aux allusions d'articles de journaux cet été, il semble nécessaire qu'une enquête qualitative soit menée auprès des Français pour savoir si le plan Vigipirate est toujours perçu comme apportant les garanties d'efficacité et de réassurance nécessaire. Les articles étaient critiques, mais ne semblent pas correspondre au ressenti des Français.

Au sujet du dispositif Sentinelle, il y a eu en urgence une sorte de changement de pied de la doctrine des armées qui concevaient l'emploi des soldats sur le territoire national dans une logique de réponse à une catastrophe c'est-à-dire avec un effet peut-être massif mais limité dans le temps. Les réformes qui se sont étalées depuis 20 ans, telles que la suppression du service militaire, la restructuration territoriale, la création des bases de défense, etc, ont renforcé la tendance à une moindre empreinte territoriale des armées. Aujourd'hui la mission qui leur est demandée est une mission quotidienne de sécurité, de proximité et de présence sur le territoire. À cette première question doctrinale s'ajoutent les questions des modalités de collaboration entre les forces intérieures et les militaires.

Il nous apparaît nécessaire de laisser décanter les problématiques doctrinales, de règles d'engagement, de contrats opérationnels au sein des ministères de la défense et de l'intérieur, avant que ne s'engagent les discussions interministérielles.

Cette démarche nous semble pragmatique. Il est possible qu'à la fin du processus, il apparaisse nécessaire de faire évoluer soit la doctrine, soit une règle d'engagement, soit tel ou tel cadre juridique, mais ce doit être en conclusion, pas une posture de départ. Il faut partir du maintien d'un principe selon lequel les forces militaires sont requises par l'autorité civile lorsqu'il y a un besoin. Les forces militaires doivent venir en soutien des forces de sécurité intérieure, soit en cas d'urgence soit en cas d'insuffisance des moyens civils. Il est important de caractériser, de spécifier la mission des militaires dans le cadre de Vigipirate pour davantage la « contraster ». La spécifier, c'est sans doute dire que les militaires doivent davantage être dédiés à la sécurisation de zones plus qu'à la sécurisation de points statiques. Ensuite, pour rendre plus efficace la mission confiée, il faut vérifier que sont adaptés les modalités de formation, les règles d'engagement mais aussi les équipements.

Il est possible d'améliorer la qualité du service rendu par les militaires à droit constant et leur coordination avec les forces du ministère de l'Intérieur. Par exemple, pendant l'Euro 2016, ils pourraient constituer des barrages filtrants en bloquant les personnes qui refusent de produire leurs papiers d'identité et leur billet. Il y a beaucoup de moyens pragmatiques et concrets pour améliorer la situation dès lors qu'il y aura eu une bonne préparation et une bonne coordination ministérielle en amont.

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