Intervention de Laurent Fabius

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 octobre 2015 à 16h30
Loi de finances pour 2016 — Audition de M. Laurent Fabius ministre des affaires étrangères et du développement international

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international :

C'est un plaisir de vous retrouver pour vous présenter le projet de budget de la mission « Action extérieure de l'État ». La Secrétaire d'État au Développement et à la Francophonie viendra prochainement vous présenter la mission « Aide publique au développement ».

Quelques mots tout d'abord sur l'évolution générale de la mission budgétaire. Son montant est de 3,1 milliards d'euros. Pour regarder l'évolution par rapport au budget de cette année, il convient de raisonner à périmètre constant, c'est-à-dire de laisser de côté les crédits d'organisation de la COP 21, et de neutraliser l'effet « change ». Dans ces conditions, la mission voit ses crédits baisser de 0,4%.

Il s'agit donc d'un budget économe en crédits et en emplois. Le plafond d'emplois du MAEDI sera de 14 020 équivalents temps plein, soit une baisse de 115 emplois. Nous avions tracé avec le Premier Ministre et le Ministre du Budget un schéma d'emplois réaliste pour toute la période du quinquennat. Nous le respectons sans dévier de notre trajectoire, ni à la hausse, ni à la baisse et sans augmentation de la difficulté. Ceci est capital pour permettre le travail d'adaptation du réseau diplomatique et consulaire qui consiste à redéployer nos effectifs vers les pays émergents et nos politiques prioritaires.

Le Quai d'Orsay participe, à la hauteur de son poids dans le budget de l'État, au redressement des finances publiques. Au-delà du projet de loi de finances, je me suis engagé à rendre l'année prochaine 100 millions d'euros au budget général, sur les produits de cessions immobilières à l'étranger. Les objectifs de notre politique immobilière sont multiples : d'abord rendre les ambassades, les consulats et les instituts plus fonctionnels, regrouper les services dans un lieu unique, et améliorer la sécurité de nos emprises. Nous adaptons le calendrier à l'état du marché. Plusieurs opérations importantes ont été effectuées, notamment une opération en Malaisie. Il est normal qu'une partie des recettes revienne au budget de l'État, mais pas la totalité, sinon il n'y aurait pas d'intérêt pour le Quai d'Orsay à travailler en ce sens.

Le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », d'un montant de 1,9 milliard d'euros, est en hausse de 10%. Cela est dû presque intégralement à la compensation de la perte au change.

Nous avions construit le triennal budgétaire sur le niveau de l'euro du printemps 2014, soit 1,36 dollar. Lorsque nous avons préparé le projet de loi de finances pour 2016, l'euro valait 1,10 dollar. Cette dépréciation de l'euro augmente automatiquement la charge de nos contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, qui représentent un cinquième du budget, et qui sont libellées à 80 % en dollar et en franc suisse. Cette évolution a également des conséquences sur les crédits de rémunération des agents de droit local et les moyens de fonctionnement du réseau. Nous aurions pu faire abstraction de cette évolution, et reporter cette question à un règlement en gestion. Cela n'aurait pas été respectueux du principe de sincérité budgétaire, et nous avons donc préféré abonder le budget de 159 millions d'euros de crédits pour maintenir la valeur réelle, c'est-à-dire le pouvoir d'achat, des dépenses faites en devises. Dans le même temps, le ministère a procédé à un ordre d'achat de 600 millions de dollars en juillet 2015, dans le cadre de notre convention avec l'Agence France Trésor, afin de sécuriser le paiement des contributions au plus proche du taux de budgétisation.

Au sein du programme, certaines lignes sont en hausse et d'autres en baisse, afin de conserver des capacités pour financer une action volontariste. C'est l'esprit du projet « MAEDI 21 » que j'ai entrepris cette année, en lançant une vaste consultation, et dont l'objectif est de mettre le Quai d'Orsay en phase avec les enjeux du vingt-et-unième siècle, en l'adaptant aux défis et aux opportunités du monde d'aujourd'hui, en simplifiant les procédures internes et à l'égard des usagers et en modernisant la gestion des ressources humaines.

J'ai notamment tenu, étant donné le contexte international que nous connaissons, à augmenter les crédits liés à la sécurité, qui progressent de 31 %. Ils permettront de poursuivre l'effort de modernisation et de mise à niveau de la sécurité de l'ensemble de nos réseaux, à la fois diplomatique, consulaire, culturel et éducatif. En revanche, les crédits de coopération, de sécurité et de défense sont en baisse. Il ne s'agit pas d'un désengagement. Cette évolution reflète une volonté de concentration sur les dispositifs les plus efficaces, comme la formation des élites militaires, de manière croisée avec nos priorités géographiques, notamment le Sahel.

Le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », d'un montant de 370 millions d'euros, est en baisse de 1,2 %.

La principale ligne de ce programme concerne l'aide à la scolarité. Elle s'établira en 2016 à 115 millions d'euros. Cela constitue une baisse en termes de budgétisation dans la loi de finances, mais elle n'aura pas d'impact sur les montants des bourses versées. Comme vous le savez, nous avons défini en 2012 de nouveaux critères dans l'octroi des bourses scolaires. La budgétisation qui avait été faite ces dernières années s'est révélée supérieure à l'exécution. Pour 2016, nous avons calé la budgétisation sur le besoin réel, à partir du bilan des années précédentes et tout en prévoyant une poursuite de l'augmentation des sommes versées. Cela me paraît plus transparent que ce qui se faisait jusqu'à présent, où nous annulions en fin d'année les crédits non utilisés, excédentaires par rapport aux besoins.

S'agissant des visas, nous innovons cette année avec l'acceptation par le Budget d'une demande ancienne du ministère des Affaires étrangères, à savoir la réattribution à son budget d'une partie des recettes liées à la délivrance des visas. La délivrance des visas est utile économiquement, et génère des recettes supérieures à son coût, mais elle est contrainte par le plafond d'ETP. Nous sommes donc parvenus à la mise en place d'un mécanisme d'attribution de produits, qui permettra d'affecter une partie de la recette visas aux actions de promotion du tourisme et au renforcement des ressources humaines dans les consulats, afin de pouvoir répondre à la hausse de la demande. Cela sera mis en oeuvre en janvier prochain et devrait rapporter 6,6 millions d'euros dès la première année.

Le Programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » représente 719 millions d'euros. Il est en baisse de 3,9 %.

C'est le programme qui a connu le plus de modifications ces dernières années, avec, d'une part, l'élargissement du périmètre du MAEDI au commerce extérieur et à la promotion du tourisme, et d'autre part, la rationalisation du champ des opérateurs, qui s'est traduite notamment par la création de Business France et d'Expertise France.

Les opérateurs représentent un poids important de ce programme. J'ai pris garde à adapter l'évolution de leurs moyens à leur situation financière. C'est ainsi que les baisses s'échelonnent entre -1,3% pour l'Institut français et -4% pour Campus France. Et j'ai veillé à renforcer les moyens d'Atout France, grâce au mécanisme d'attribution de produits qui devrait permettre un financement supplémentaire de 5 millions d'euros des actions de promotion du tourisme.

S'agissant des moyens d'influence culturelle, il convient de tenir compte des capacités d'autofinancement du réseau des instituts, qui a atteint 66 % en 2014. Les recettes assises sur les cours de langue, les certifications de diplômes et le mécénat ont atteint 130 millions d'euros. La tendance sera similaire en 2015. Ceci est permis par l'autonomie financière des instituts culturels, qui est vitale pour notre réseau culturel. Or, la Cour des comptes nous demande soit de mettre fin à cette autonomie financière, soit de modifier la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ce que nous devrons faire lorsque le moment se présentera. Il y a là un mécanisme innovant, souple et productif qu'il faut veiller à préserver.

Le Programme 341 « Conférence Paris Climat 2015 » a été créé, pour les années 2015 et 2016, pour couvrir les dépenses liées à la préparation et l'organisation de cet événement, dont la France sera présidente à compter de son ouverture puis au cours de l'année 2016. En complément des crédits ouverts en 2015 (43 millions d'euros de crédits de paiement), le programme 341 s'élève à 139 millions d'euros pour 2016.

Les crédits du programme 341 représentent non seulement l'aménagement du site du Bourget, mais aussi toutes les dépenses de préparation de la conférence, l'équipe de négociation et les frais engendrés par l'année entière de présidence française qui s'achèvera fin 2016.

Rapporté par jour et par participant, cette conférence coûtera dix fois moins cher d'un G8 ou un G20. J'ai voulu alléger les dépenses. Nous avons décidé de faire appel au mécénat, en acceptant des financements ou des apports en nature de la part d'entreprises que nous choisissons, ce qui devrait nous permettre de couvrir 15 % de la dépense. Les coûts seront tenus, alors que plusieurs facteurs sont venus compliquer l'atteinte de cet objectif : nous avons dû augmenter les surfaces à aménager par rapport aux prévisions initiales, suite à des demandes des Nations unies et à des exigences de sécurité ; nous organisons par ailleurs un sommet de Chefs d'État et de gouvernement le 30 novembre, qui n'avait pas été inclus dans la budgétisation initiale.

Telles sont les grandes lignes du budget de la mission « Action extérieure de l'État » pour 2016. Je suis à votre disposition pour répondre maintenant à vos questions.

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