Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de résolution qui tient à cœur à plusieurs d’entre nous, du fait de notre engagement de longue date sur tous les sujets qui touchent à la relation entre l’Afrique et la France.
Permettez-moi de saluer dès à présent, même s’il n’est pas encore là, Jean-Louis Borloo, qui sera dans les tribunes tout à l’heure et qui s’est beaucoup engagé pour l’électrification du continent africain. Il s’agit d’une démarche que nous sommes plusieurs à soutenir pleinement, comme M. le président vient de le rappeler en précisant que je n’étais pas le seul signataire de cette proposition de résolution. Je sais que d’autres sénateurs, qui ne l’ont pas cosignée, la soutiennent également.
Comme vous le savez, Jean-Louis Borloo a créé l’an dernier la fondation « Énergies pour l’Afrique », dont l’objectif est d’accélérer la construction d’infrastructures et de débloquer des financements grâce à une agence africaine d’électrification, organisme intergouvernemental géré par les Africains, pour les Africains.
Son initiative, appuyée en France tant par le Président de la République que par des responsables politiques de diverses sensibilités, a également d’ores et déjà reçu le soutien de nombreux dirigeants africains, de grandes entreprises, d’organisations internationales et, surtout, des États africains, via l’Union africaine. Cela s’est traduit, voilà deux semaines, par le vote à l’unanimité du Parlement panafricain d’une proposition commune posant un objectif simple : faire passer en dix ans l’électrification du continent subsaharien de 25 % à 80 %. Les États africains ont ainsi clairement affirmé leur volonté de pallier cette carence énergétique structurelle.
La fondation « Énergies pour l’Afrique » a, dans un premier temps, mis en lumière les enjeux actuels et à venir de cette question pour le continent. Aujourd’hui, c’est à nous d’agir et de nous engager, d’autant que l’intérêt de l’Afrique, c’est l’intérêt de l’Europe, donc l’intérêt de la France.
À l’heure actuelle, quelque 70 % de la population africaine n’ont toujours pas accès à l’énergie, tout particulièrement à l’électricité ; le manque est d’autant plus grave que cette population aura doublé en trente ans.
Ce constat est alarmant, dans la mesure où nous savons que l’électrification est une condition nécessaire aux autres enjeux de développement, notamment les accès à l’éducation et à la santé, qui sont fondamentaux, le développement économique et la réduction de la pauvreté.
Je tiens également à souligner l’impératif environnemental que représente l’électrification de l’Afrique. Cet enjeu nous concerne directement. L’Afrique émet très peu de CO2, et sa forêt est un véritable « puits de carbone », qu’il faut préserver, face à l’augmentation de 1 % à 2 % par an des émissions de C02. Or, chaque année, ce sont près de deux millions d’hectares de forêt qui disparaissent sur le continent africain. Si rien n’est fait rapidement, cette déforestation ne fera que croître sous l’effet de l’explosion démographique à venir.
Du fait de la faible densité de la plupart des pays africains, l’électrification de l’Afrique devra principalement se faire hors réseau, en privilégiant les énergies renouvelables – particulièrement, mais pas seulement, l’énergie solaire. Ce processus sera ainsi l’occasion pour l’Europe d’accompagner la transition énergétique de l’Afrique, tout en favorisant les énergies renouvelables.
La fondation « Énergies pour l’Afrique » repose au fond sur une idée simple et concrète : une subvention de cinq milliards de dollars par an sur dix ans, versée par les pays riches émetteurs de plus de huit tonnes de CO2 par habitant et par an, au prorata de leur population.
Ce mécanisme de contribution serait ensuite revu tous les trois ans, selon un principe de bonus-malus, bien connu des Français. Les « mauvais élèves » verraient alors leur contribution augmenter, ce qui serait pour eux une forme d’incitation, alors que les pays vertueux ayant réduit leurs émissions de carbone verraient leurs contributions diminuer. À cet égard, nous savons bien que, en Europe, nous sommes plus vertueux qu’ailleurs, même si nous avons encore des progrès à accomplir.
Concrètement, cela représenterait pour l’Europe quelque 1, 2 milliard de dollars la première année, montant porté à 2 milliards de dollars la troisième année. Cet engagement de 5 milliards de dollars représente bien sûr beaucoup d’argent, mais il faut bien se rendre compte qu’il s’agit d’un très vaste programme, d’un chantier colossal et d’enjeux considérables.
En même temps, cet engagement est deux fois moins important que celui qui a été pris lors de la conférence de Copenhague de 2009, un engagement, qui, malheureusement, comme tant d’autres, est resté lettre morte, faute d’une agence dédiée et d’une affectation précise. Or tel ne sera pas le cas en l’espèce.
Ce programme s’inscrit également dans la dynamique enclenchée avec la COP 21. À un peu plus d’un mois de l’ouverture de cette conférence, la France a, en la matière, un rôle de premier ordre à jouer sur le plan international, ce qu’elle s’emploie d’ailleurs à faire. S’offre à elle une occasion unique d’œuvrer à un consensus au sein des Nations unies et de l’Union européenne, d’autant que cette dernière occupe une place importante dans ces négociations.
Je vous avais dit tout à l’heure, au début de mon intervention, que Jean-Louis Borloo nous rejoindrait dans la tribune d’honneur de notre assemblée. Il vient d’arriver, et j’ai véritablement plaisir à le saluer.