Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 22 octobre 2015 à 14h30
Soutien au plan d'électrification du continent africain — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de la dernière décennie, l’Afrique a enregistré une croissance économique moyenne d’un peu plus de 5 %, un taux parmi les plus élevés au monde.

Longtemps regardée comme un continent brisé, l’Afrique est désormais considérée comme une terre d’avenir. Ainsi, pour reprendre les termes de l’économiste ivoirien Tchétché N’Guessan, pouvons-nous dire que, désormais, « c’est le temps de l’Afrique ».

En effet, nous devons laisser derrière nous la vision afropessimiste, qui a dominé la fin des années quatre-vingt-dix, pour nous concentrer aujourd’hui sur le potentiel de développement du continent et sur les occasions que pourrait offrir une population estimée à près de deux milliards d’habitants d’ici à 2030.

Cependant, avant de devenir un espace de progrès pour l’ensemble de sa population, mais aussi un moteur de la croissance mondiale, le continent africain a encore de nombreux défis à relever.

Ces défis sont plus ou moins aigus selon les pays, car je rappellerai qu’il n’y a pas une, mais des Afriques. En effet, plusieurs régions sont encore trop handicapées par la pauvreté, des problèmes de subsistance agroalimentaire, une démographie trop structurée par une forte natalité, ou encore des risques sécuritaires, comme en particulier au Sahel.

Enfin, il y a le défi énergétique, celui qui fait l’objet de la présente proposition de résolution pour le soutien au plan d’électrification du continent africain, que nous examinons cet après-midi. Comme l’a rappelé l’auteur de cette proposition, environ 70 % de la population africaine ne disposent pas d’accès à l’énergie électrique. C’est une injustice énergétique, qui en draine beaucoup d’autres. Véritable handicap pour le développement économique, l’absence d’énergie contrarie l’accès à l’éducation et aux soins des populations rurales.

C’est pourquoi le plan Électricité-Objectif 2025 est clairement une bonne initiative. Ambitieux – d’aucuns diraient trop ambitieux –, il invite à soutenir la transition énergétique du continent africain, sans laquelle il n’y aura pas de développement harmonieux et équitablement réparti. Cependant, pour qu’il réussisse, ce que nous souhaitons, cet accompagnement doit réunir plusieurs conditions.

Tout d’abord, M. Bockel l’a souligné, la révolution énergétique en Afrique doit donner la priorité aux énergies renouvelables. C’est une exigence forte, incontournable, que nous rappelle sans cesse la proximité de de la prochaine COP 21.

Les pays du continent africain disposent des ressources nécessaires pour y parvenir. Le solaire est possible sur tout le continent et l’éolien sur les trois quarts des façades maritimes, tandis que l’hydraulique est exploitable dans les régions centrales et méridionales et que la vallée du Grand Rift peut recourir à la géothermie.

Pourtant, alors que vingt et un pays seraient en mesure d’exploiter de façon rentable l’énergie hydraulique, seulement 7 % de ce potentiel sont exploités. Il est aussi regrettable que le Sénégal, ce pays baigné par le soleil et balayé par le vent, se tourne vers le charbon parce que c’est moins cher !

La réussite du plan d’électrification dépend aussi de sa capacité à fédérer les initiatives déjà existantes et à promouvoir l’intégration régionale. Du Power Africa lancé par le président Obama au Global Energy Efficiency and Renewable Energy, le GEEREF, ce fonds innovant adossé à la Banque européenne d’investissement, en passant, bien sûr, par le Fonds vert pour le climat des Nations unies, les instruments œuvrant en faveur du développement énergétique de l’Afrique sont nombreux.

Je n’oublie pas le PIDA, le Programme de développement des infrastructures en Afrique, géré par la Banque africaine de développement. L’Union africaine dispose d’une commission de l’énergie chargée de coordonner les projets à l’échelon intercontinental. Elle est, à mon sens, incontournable pour que la population africaine s’approprie le défi énergétique, afin de mieux l’appréhender.

Enfin, la dernière condition concerne le financement de ce vaste chantier d’électrification, qui est estimé à 200 milliards d’euros. La mobilisation des bailleurs risque d’être compliquée : il suffit d’observer comment, à quelques semaines de la COP 21, les négociations butent sur le financement de la lutte contre le changement climatique.

Quant à l’Europe, qui est supposée fournir un effort annuel de 5 milliards d’euros sur 10, est-elle en mesure de soutenir un tel engagement ? Je rappellerai que, parmi les pays membres du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, plusieurs pays européens traversés par la crise ont fortement réduit leur aide publique au développement, au premier rang desquels la France. Nous avons eu l’occasion de déplorer hier en commission des finances que l’aide soit tombée à 0, 36 % du revenu national brut en 2014, contre 0, 5 % en 2010.

En tant que président d’un syndicat départemental d’énergie, j’ouvre une parenthèse sur la capacité de la France à financer son propre réseau électrique. Nous souhaitons en effet rappeler au Gouvernement qu’il existe encore, dans quelques zones rurales, des habitations et quelques hameaux qui ne sont pas raccordés au réseau national ! Même si la formule est facile et bien connue, je la reprendrai et la compléterai pour vous dire, madame la secrétaire d'État, « la Corrèze avant le Zambèze ! Le Transvaal après le Cantal ! Nouakchott, oui, mais sans oublier le département du Lot ! »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion