Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, mes chers collègues, le 13 décembre 1962, le Premier ministre de l’époque, Georges Pompidou, élu du Cantal, s’adressant aux députés à l’Assemblée nationale, évoquait « l’inégalité entre les régions » et « la nécessité d’une action de justice redistributive dans la répartition des activités entre elles ». Vingt ans plus tard, Gaston Defferre défendait les grandes lois de décentralisation, qui donnaient aux collectivités, donc aux territoires, l’autonomie et la force d’intervention nécessaires pour porter leur propre développement.
Qu’en est-il aujourd’hui, cinquante ans après la déclaration de Georges Pompidou sur les inégalités entre les territoires, trente ans après les premières lois de décentralisation ? Qu’en est-il aujourd’hui de nos territoires et de leurs perspectives d’avenir ? Qu’en est-il des équilibres territoriaux ?
Nous le voyons bien, malgré les efforts des uns et des autres, les inégalités territoriales perdurent. Parfois, même, elles se sont accrues et, aujourd’hui, certains territoires ruraux, particulièrement en zone de moyenne montagne, se trouvent plus fragilisés que jamais.
Ils sont, tout d’abord, fragilisés par une chute démographique qui se poursuit inexorablement depuis des décennies. Entre 2007 et 2014, seize départements ont continué à perdre des habitants, alors que, dans la même période, la population de la France augmentait de plus de deux millions d’habitants.
Ils sont, ensuite, fragilisés par la faiblesse de leurs richesses. Nous le savons, d’un département à un autre, le revenu moyen par habitant varie du simple au double, et davantage encore.
Ils sont, enfin, fragilisés par la dégradation continue de l’accès aux services, notamment aux services essentiels à la vie quotidienne comme l’accès aux soins.
Pour prendre l’exemple du secteur où je suis élu, sur onze bassins de santé de proximité, tels qu’ils ont été définis par l’agence régionale de santé, l’ARS, neuf sont classés comme étant très fragiles, fragiles ou potentiellement fragiles.
Madame la ministre, mes chers collègues, peut-on laisser cette situation se dégrader encore ? Peut-on laisser ces inégalités territoriales se creuser ? Veut-on continuer à laisser se désertifier des pans entiers de notre territoire national alors que la France gagne chaque année des habitants ?
Ce serait, à mon sens, une grave erreur, contraire à l’intérêt de notre pays, dangereuse pour nos équilibres territoriaux, pour nos équilibres sociaux et, à terme, pour notre cohésion nationale.
Madame la ministre, je sais que le Gouvernement est attentif à cette situation. Vous avez décidé de prendre une série de mesures importantes lors des comités interministériels aux ruralités des 13 mars et 14 septembre 2015.
Toutefois, l’État doit aussi accompagner ces territoires ruraux, aujourd’hui fragilisés, pour leur permettre de s’organiser et de saisir les opportunités de développement qui s’offrent à eux. Je pense notamment à l’arrivée du numérique, qui ouvre de nouveaux champs du possible pour la ruralité.
Il ne s’agit pas de placer ces territoires ruraux fragiles sous perfusion. Vous le savez, les élus locaux, les acteurs du monde rural ne demandent pas l’assistanat. Ils ne veulent pas non plus de territoires arc-boutés sur les schémas du passé.
Élu d’un département rural de moyenne montagne particulièrement confronté à ces difficultés, je connais très bien l’engagement des élus locaux pour adapter leurs territoires aux évolutions de notre temps, aux enjeux de la société d’aujourd’hui, pour répondre aux attentes nouvelles des populations, mais aussi pour optimiser les financements publics, dans une période de réduction des dotations de l’État.
Cependant, ces élus ont besoin de visibilité : nous devons leur donner cette visibilité afin qu’ils disposent des meilleures chances pour réussir le redressement rural.
C’est précisément l’objet de cette proposition de loi initiée par Pierre Jarlier, qui vise à créer des contrats territoriaux de développement rural.
Madame la ministre, il ne s’agit pas nécessairement d’allouer à ces territoires des crédits supplémentaires, il s’agit de mettre à leur disposition un outil de contractualisation avec l’État.
Tous les autres partenaires financiers contractualisent aujourd’hui avec ces territoires : les régions, les départements et l’Europe, à travers les programmes territoriaux LEADER – Liaison entre actions de développement de l’économie rurale.
L’État, me semble-t-il, doit aussi s’engager dans cette voie de la contractualisation pour accompagner ces dynamiques territoriales. D’ailleurs, cette possibilité a bien été ouverte aux quartiers urbains sensibles et défavorisés, notamment avec la rénovation de la politique de la ville en 2014. À l’inverse, et de manière assez surprenante, aucun dispositif de contractualisation n’a été envisagé pour accompagner les dynamiques territoriales des secteurs ruraux en difficulté. Autrement dit, nous nous sommes arrêtés au milieu du gué.
Les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR, ont été instaurés, mais l’outil opérationnel de contractualisation pour les accompagner n’a pas été mis en place.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a d’ailleurs reconnu la nécessité de mettre en place une stratégie globale de développement rural au travers de la contractualisation.
À cet égard, je veux saluer le travail important qui a été réalisé par notre collègue rapporteur Annick Billon, qui nous présente aujourd’hui un dispositif simplifié et sans doute plus opérationnel.
Madame la ministre, mes chers collègues, je suis convaincu que nos territoires ruraux, hier délaissés, peuvent devenir, demain, des territoires d’opportunité et d’innovation, des territoires attractifs pour nos concitoyens, notamment pour notre jeunesse.
Je suis persuadé que les mutations actuelles de notre société marquent un tournant dans la ruralité, mais elles ne doivent pas marquer sa disparition. Au contraire, elles peuvent être une chance à saisir, une carte à jouer pour les territoires les plus fragiles, une carte à jouer, aussi, pour rétablir les équilibres territoriaux dont notre pays a besoin.
Alors, aidons les élus de ces territoires à réussir ces rendez-vous, à bâtir la ruralité de demain, la ruralité dont les métropoles ont besoin, la ruralité dont notre pays a besoin, comme l’a d’ailleurs très bien démontré notre collègue Alain Bertrand dans son rapport sur l’hyper-ruralité, remis en 2014 au Premier ministre.
Adressons à ces territoires un message positif, un message d’encouragement et de soutien, en adoptant cette proposition de loi, qui, je le rappelle, ne nécessite pas forcément l’allocation de moyens financiers supplémentaires. Il s’agit, avant tout, de pouvoir contractualiser en utilisant les dispositifs financiers existants.