Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la ruralité est une richesse pour notre pays.
Elle représente une part significative du territoire national, constitue un cadre de vie pour des millions de concitoyens, et dispose de nombreux atouts de développement. Sans une ruralité vivante, la France ne saurait conserver la diversité territoriale essentielle à son patrimoine culturel et naturel.
Pourtant, le monde rural est en crise. L’avenir de nombreux territoires est mis en danger par des problèmes structurels : mutation agricole, désindustrialisation, déclin démographique, appauvrissement de la population… La conjoncture économique et sociale amplifie ces difficultés et en crée de nouvelles. Ainsi, les disparités territoriales se sont accrues, interrompant les phénomènes de convergence qui avaient pu être observés voilà quelques années dans certaines zones. En matière de revenu par habitant et d’emploi, la situation de nombreux territoires ruraux s’est aggravée depuis 2008, comme le souligne le dernier rapport de l’Observatoire des territoires.
À ces problématiques socio-économiques s’ajoutent de nombreuses difficultés pratiques qui compromettent le maintien de la population dans certains territoires : desserte incomplète par les réseaux de transport collectif, disparition des services publics, fermeture des établissements de santé, exclusion des réseaux de communications électroniques fixes et mobiles… Ces problèmes quotidiens créent une nouvelle forme de précarité et alimentent chez nos concitoyens un vrai sentiment d’abandon. L’addition de ces difficultés risque d’amplifier une déprise dangereuse pour nos territoires.
Les différents dispositifs consacrés au développement rural, qu’il s’agisse de zonages, d’appels à projets, de fonds d’aide ou de dotations, n’offrent que des solutions dispersées, ciblées sur certaines portions du territoire, et accordées au cas par cas. Nous connaissons les inconvénients d’une telle approche : saupoudrage des crédits, absence de vision transversale des enjeux locaux, insuffisante projection dans le temps, manque de synergie entre les différents acteurs concernés…
Les réponses apportées par l’État ne sont clairement pas à la hauteur de la situation dans les territoires ruraux les plus en difficulté. Les dotations de l’État aux collectivités territoriales diminuent chaque année, nous le savons. Le Gouvernement multiplie les annonces afin de persuader les élus et les citoyens des territoires ruraux qu’ils demeurent une priorité de l’action publique, mais il n’en est rien.
À l’issue des comités interministériels de mars et septembre 2015, le Gouvernement s’est félicité d’avoir élaboré près de soixante-dix mesures différentes pour nos ruralités. Toutefois, cette liste d’actions, qui reprend en partie des dispositifs existants, témoigne à elle seule de la dispersion des interventions à destination des territoires ruraux. Cette fragmentation des mesures d’aide fait obstacle à toute vision stratégique du développement rural, pourtant indispensable à une politique de cohésion territoriale efficace.
De nombreuses mesures de soutien prennent désormais la forme d’appels à projets. Une telle approche suppose que les collectivités disposent des ressources nécessaires pour élaborer des dossiers de candidature susceptibles d’être retenus. Or les territoires ruraux en difficulté ont des moyens limités, notamment en matière d’ingénierie. La disparition progressive de l’expertise apportée par l’État aux collectivités rurales compromet fortement leur participation à de tels appels à projets. En mettant en concurrence les collectivités territoriales, ces procédures sélectives tendent à exclure les territoires qui ont le plus besoin d’en bénéficier, et risquent, à terme, d’amplifier les disparités existantes.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, déposée par notre ancien collègue Pierre Jarlier, part de ce constat et présente une approche différente, à la fois plus intégrée et partenariale.
Elle instaure en effet des contrats territoriaux de développement rural, signés entre l’État et les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux. Ces groupements ont été créés sur l’initiative de la commission de l’aménagement du territoire dans la loi de de 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, pour recréer une dynamique de coopération territoriale, à partir de l’expérience des anciens pays.
Ce type de contractualisation a déjà fait ses preuves dans certains territoires, notamment dans le cadre des volets territoriaux des contrats de plan État-région. À partir de ces expériences, le texte vise à inscrire dans la loi le principe d’une contractualisation pluriannuelle entre l’État et les acteurs locaux, publics et privés, des territoires en difficulté. Il s’agit également de doter les pôles d’équilibre d’un outil opérationnel pour mettre en œuvre leur projet de territoire.
Ce texte a donc pour objet d’apporter une réponse globale aux difficultés des territoires ruraux, dans un cadre pluriannuel, avec l’ensemble des parties prenantes. La forme contractuelle doit permettre d’adapter les actions et les moyens aux difficultés et aux atouts spécifiques de chaque territoire. L’approche partenariale vise à mutualiser les ressources, afin d’atteindre une taille critique suffisante pour gérer les problématiques communes de développement. Dans un contexte de raréfaction des ressources publiques, le recours aux fonds structurels européens doit être maximal.
En commission, nous nous sommes employés à réécrire une partie du texte, afin d’en simplifier le dispositif. Nous avons souhaité assouplir cet outil, pour faciliter son appropriation par les élus locaux et son adaptation aux besoins des territoires. Plusieurs articles qui précisaient le contenu et la procédure d’élaboration du contrat ont été supprimés dès lors qu’il revient aux différents signataires de définir ces modalités, sans être contraints par un cadre légal excessivement détaillé et incompatible avec l’esprit d’une approche contractuelle.
La commission a également tenu compte des dernières évolutions législatives, en particulier de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. En l’absence d’un pôle d’équilibre, la signature du contrat a été étendue aux EPCI à fiscalité propre afin de tenir compte du changement d’échelle de l’intercommunalité. La disposition prévoyant la signature d’un contrat à titre principal par un syndicat chargé de l’élaboration d’un schéma de cohérence territoriale a été supprimée, dès lors que ces structures d’étude ne sont pas adaptées à la mise en œuvre d’un projet de développement transversal.
Enfin, nous avons souhaité ajuster le dispositif, initialement très proche de celui qui avait été conçu pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux difficultés et aux besoins spécifiques du développement rural.
Afin de tenir compte des discussions et des propositions qui ont été émises lors de l’examen du texte en commission, je vous proposerai tout à l’heure un amendement visant à établir des critères simples, mais efficaces d’identification des territoires ruraux en difficulté, qui pourront encore être précisés par voie réglementaire.
En conclusion, le texte adopté par la commission qui est soumis à votre vote, mes chers collègues, est un texte resserré, plus cohérent et opérationnel, qui simplifie certains éléments de la proposition de loi initiale, afin de laisser davantage de souplesse aux territoires pour définir, de façon partenariale, les objectifs, les actions et les moyens à mobiliser. Notre préoccupation a été de mettre à disposition des élus locaux un outil simple d’utilisation, au service d’une véritable égalité entre les territoires et d’un soutien à la ruralité qui en a bien besoin.