Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi vise à instaurer des contrats territoriaux de développement rural en transposant le mécanisme des contrats de ville aux territoires ruraux. Cet objectif est en soi louable, et personne ici ne niera la nécessité de soutenir certains territoires situés en zone rurale. Toutefois, ce texte suscite au sein du groupe socialiste un certain nombre d’interrogations.
Il faut d’abord constater que la version qui nous est proposée aujourd’hui comporte un nombre d’articles fortement réduit par rapport à la proposition de loi initiale, puisque nous sommes passés de dix à six articles, ce qui atteste la précipitation dans laquelle elle avait dû être rédigée. Le texte a sans doute été retravaillé et quelque peu amélioré, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il soit maintenant satisfaisant. Certains points, à nos yeux, posent encore problème.
L’ambition de ce texte est d’offrir aux territoires ruraux les mêmes outils qu’aux territoires urbains, ce qui peut en apparence paraître généreux et, en quelque sorte, équitable. Mais c’est oublier qu’à la diversité des territoires il faut apporter une diversité de réponses. L’hétérogénéité des territoires doit se traduire par des réponses adaptées. Le risque, à toujours vouloir comparer la ville et la campagne, est de finir par opposer deux mondes qui, souvent, se complètent.
Cette complémentarité ville-campagne se vérifie d’ailleurs dans bon nombre de territoires. Au moment où l’on redessine la carte des intercommunalités, certaines communes rurales font le choix de se tourner vers l’agglomération. Il s’avère qu’être une commune rurale dans une communauté d’agglomération est souvent un atout pour le développement de cette commune.
On l’a souvent dit et répété, il n’y a pas une, mais des ruralités, et il est peut-être plus important de mettre à disposition des territoires ruraux des outils et des moyens que de créer, en quelque sorte, un nouveau concept avec ces contrats territoriaux, uniquement pour faire un copier-coller de la politique de la ville et sédimenter un peu plus les niveaux de compétences, au point d’y perdre en cohérence et lisibilité.
La question des signataires du contrat nous interpelle également. Il s’agit, en effet, de savoir à quel échelon doit s’effectuer la contractualisation et de trouver le bon maître d’ouvrage pour mettre en œuvre le contrat. La contractualisation n’est pas en soi une idée novatrice et elle est déjà mise en pratique dans beaucoup de territoires. De nombreux départements sont liés aux EPCI par des contrats de développement durable et les régions ont signé des contrats de pays. Avec la loi NOTRe, que nous avons votée, les régions ont désormais un rôle fondamental en matière de planification et les départements ont des compétences renforcées dans le domaine des solidarités territoriales.
On peut donc se demander si ce n’est pas la région qui devrait prendre l’initiative et signer le contrat avec les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, ou PETR, en collaboration avec les départements et les EPCI. Cela n’empêcherait pas l’État d’abonder en utilisant ses moyens traditionnels comme les DETR, les dotations d’équipement des territoires ruraux, et le FNADT, le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire.
Il semble d’ailleurs d’autant plus pertinent de mettre la région au cœur du dispositif que, parmi les sources de financements reprises à l’article 3, il est fait mention des fonds européens, lesquels transitent par les régions. Dans le cadre de la régionalisation du second pilier de la politique agricole commune consacré au développement rural, il revient désormais aux régions de valider les projets et d’attribuer en conséquence les subventions.
Quand vous évoquez dans l’article 3 la faculté pour les régions de signer le contrat, vous commettez une erreur. C'est non pas une possibilité, mais une obligation, les compétences en matière de planification étant dévolues aux régions selon la loi NOTRe.
Nous nous interrogeons également sur la définition des territoires ruraux en difficulté figurant à l’article 2, définition qui reprend celle du rapport Calmette-Vigier pour le classement en zones de revitalisation rurale, ou ZRR. Il faut bien reconnaître que l’article 2 a connu bien des avatars en commission. Entre une définition très restrictive fondée sur des critères cumulatifs et un retrait pur et simple de l’article, la majorité de la commission nous propose maintenant d’adopter les critères préconisés par le rapport Calmette-Vigier sur la réforme des ZRR.
Mais alors la question qui se pose est la suivante : quand les ZRR seront redéfinies et, avec la mise en place d’un traitement différencié des territoires, quelle sera encore l’utilité de la loi ? De surcroît, vous renvoyez à un décret en Conseil d’État le soin d’établir les critères d’éligibilité. Comprenne qui pourra !
Enfin, on ne peut laisser affirmer, comme il est fait dans l’exposé des motifs, que les territoires ruraux seraient les grands oubliés, sous-entendu de l’action gouvernementale. Le Gouvernement s’engage dans ce domaine. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, les deux comités interministériels sur la ruralité qui ont eu lieu à Laon et à Vesoul en mars et septembre 2015, au cours desquels soixante-cinq mesures ont été mises en place, ont été perçus comme la preuve de la mobilisation du Gouvernement en faveur des territoires ruraux