Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la modernisation de l’action publique par la mise en place de zonages et le recours au contrat pour coordonner les politiques sectorielles masque souvent l’incapacité des gouvernements successifs à simplifier et à penser les réformes de manière globale, ce qui nuit fortement à l’efficacité. Cela est particulièrement vrai pour la réduction des inégalités territoriales et en matière de services publics et d’équipements, de transports, d’emploi, de logement, de santé ou d’éducation.
Le texte crée des contrats territoriaux de développement rural, à caractère facultatif, signés entre, d’une part, l’État et, d’autre part, les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR – issus de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM » –, ou, à défaut, les établissements publics de coopération intercommunale, afin de contribuer à la politique de cohésion territoriale et rurale dont les objectifs figurent à l’article 1er.
Ces contrats pourraient également être signés par le département, la région ou toute autre personne publique ou privée, à l’image des contrats de la politique de la ville.
Mes chers collègues, nous partageons incontestablement le diagnostic et donc la description des difficultés rencontrées par nos territoires ruraux figurant dans l’exposé des motifs. Toutefois, la réponse apportée par le présent texte ne nous semble pas régler la diversité des situations rencontrées par nos territoires ruraux, et notamment par l’hyper-ruralité, chère à mon collègue Alain Bertrand, laquelle cumule un grand nombre de handicaps.
Comme l’a souligné M. Alain Bertrand dans le rapport qu’il a vous remis, madame la ministre, en juillet 2014, la notion de « ruralité », susceptible de concerner 80 % du territoire, n’a plus grand sens. Il n’y a pas une ruralité mais des ruralités. La proposition de loi définit à l’article 2 les critères d’identification des territoires ruraux en difficulté, à savoir « un déclin de la population auquel s’ajoute un déclin de la population active » et « une forte proportion d’emplois agricoles à laquelle s’ajoute un déclin du nombre d’emplois agricoles ».
Comme l’a très bien exposé Mme la rapporteur, ces critères ne permettent pas de refléter la diversité des situations locales. Qu’en est-il de l’enclavement, de la faiblesse des ressources financières, du manque de perspectives ou encore de la faible présence d’équipements ou de services publics ?
Or il s’agit d’un véritable sujet qui mériterait d’être traité dans le cadre d’un projet de loi pour étudier leur impact, les moyens du Parlement en matière d’expertise étant malheureusement limités. Nous savons d’ailleurs, madame la ministre, que vous travaillez très activement sur la question et que vous préparez plusieurs mesures fortes.
En ce qui concerne la contractualisation, celle-ci n’a d’intérêt que si elle s’accompagne d’une volonté forte de l’État et de financements. Force est de constater que les contrats de la politique de la ville ne sont pas parvenus à enrayer ces inégalités.
Il est vrai que les réponses ponctuelles et sectorielles conduisent trop souvent, hélas ! au saupoudrage des aides et à l’inefficacité de la politique de la ville, comme de la politique en faveur de la ruralité. Si le programme de rénovation urbaine est considéré comme un succès, grâce à la mobilisation de l’État et de l’ensemble des acteurs publics – ce qui a permis de lever des financements considérables –, les inégalités en matière de services et d’équipements, de revenus, d’emploi, d’éducation ou de transports persistent.
Nous avons constaté lors de l’examen du projet de loi sur la politique de la ville que ces instruments contractuels n’ont pas réussi à coordonner les initiatives locales et que les moyens spécifiques se sont substitués aux moyens de droit commun. La transposition de cet outil à la politique de cohésion territoriale et de solidarité ne constituerait, à mon sens, qu’une réponse incomplète.
À ce titre, nous considérons que la solidarité entre les territoires en difficulté doit être nationale et non uniquement locale, puisqu’il est impossible de redistribuer des moyens inexistants. C’est ce que nous attendons de la réforme de la péréquation, qui doit devenir équitable, condition sine qua non pour contribuer à la réduction effective des inégalités territoriales.
Plutôt que d’une politique de cohésion territoriale et rurale, la France a besoin d’une politique d’aménagement du territoire. Nous considérons que cette proposition de loi ne constituerait qu’une réponse partielle là où les élus locaux espèrent une stratégie nationale, une politique menée par l’État – un État protecteur et « péréquateur » –, seul garant de l’égalité républicaine, tout en préservant, bien sûr, les libertés des collectivités territoriales.
C’est le manque de visibilité et de stabilité en matière de normes et de moyens et, plus encore, leur trop grande dispersion qui mettent à mal ces territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.
Nous saluons, bien évidemment, l’ensemble des soixante-sept mesures prises par le Gouvernement dans le cadre des comités interministériels aux ruralités, même si nous aurions préféré, vous l’aurez compris, l’élaboration d’un projet de loi sur l’aménagement du territoire ; il viendra peut-être…
Ainsi, en dépit des efforts réels de Mme la rapporteur, Annick Billon, et de la commission pour améliorer la rédaction de la présente proposition de loi et de l’importance que nous accordons au combat contre les fractures territoriales, le groupe du RDSE n’est pas convaincu par cette initiative très timide, trop timide, et ne pourra donc pas lui apporter son soutien.