Intervention de Emmanuel Macron

Commission spéciale croissance, activité et égalité des chances économiques — Réunion du 4 mars 2015 à 17h15
Audition de M. Emmanuel Macron ministre de l'économie de l'industrie et du numérique

Emmanuel Macron, ministre :

Le texte initial prévoyait d'accélérer la procédure prud'homale en autorisant les parties à saisir directement le juge départiteur. Dans le texte actuel, la décision de recourir au juge départiteur appartient au bureau de jugement du conseil de prud'hommes, ce qui exclut un échevinage rampant. L'équilibre actuel répond à la critique tirée du manque de magistrats. Le bureau de jugement pourra accélérer la procédure en saisissant le juge départiteur et nous créons des mesures pour éviter d'aller jusqu'à ce stade : mise en état obligatoire au stade du bureau de conciliation, modes alternatifs de règlement des litiges, établissement d'un référentiel pour trouver un accord. Il s'agit d'une réforme d'organisation et non de moyens, fidèle à l'esprit d'une justice paritaire. Les dispositions sur la déontologie des conseillers prud'homaux ont été préparées par la Chancellerie. Elles ont été intégrées dans la loi pour gagner du temps.

Je voudrais lever tout malentendu au sujet des tribunaux de commerce : il ne s'agit ni d'en fermer, ni de mener une réforme systémique mais de réaliser des aménagements dictés par la conjoncture économique. Lorsqu'une entreprise est implantée sur plusieurs sites, l'intervention de plusieurs tribunaux complique la situation. Au-delà d'un certain nombre de salariés concernés, il est préférable de prévoir une petite dizaine de tribunaux spécialisés. Nous pouvons débattre du seuil, au-delà duquel ces tribunaux seront compétents mais celui de 400 salariés, comme pour l'intervention du comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), est trop élevé.

La réforme des tarifs réglementés concerne uniquement les actes supérieurs à certains seuils : les transactions moyennes ne sont pas touchées. Le fonds de péréquation interprofessionnel a été introduit par voie d'amendement parlementaire. Il poursuit deux objectifs : créer une péréquation entre professionnels afin d'aider les plus jeunes des territoires les plus difficiles à s'installer et financer l'ouverture de maisons du droit et de la justice. L'idée que tous les professionnels du droit, qui ont défendu la création d'une grande profession du droit, participent au financement de l'accès au droit ne me paraît pas d'une bizarrerie insoutenable.

L'intégration dans le projet de loi du travail de grande qualité effectué par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le secret des affaires a suscité l'émotion, parfois exprimée de manière violente, des lanceurs d'alerte, des journalistes et des ONG. Sans que cela ne me trouble, je précise qu'en raison de l'absence de concertation préalable d'une part et compte tenu de l'engagement du Premier ministre et du Gouvernement de réaliser une réforme du secret des sources, le rapporteur de la commission spéciale a décidé de retirer le texte afin de mener une démarche plus structurée sur ces deux sujets en parallèle. Nous ne pourrons sans doute pas trouver par voie d'amendement un équilibre entre les intérêts des entreprises et ceux des journalistes.

Le Copiesas a proposé une réforme de l'épargne salariale l'an dernier : diminution du forfait social, pour un coût de l'ordre de 60 à 80 millions d'euros, et élargissement de l'éligibilité aux exonérations sociales et fiscales. Aucun accord n'a été formellement signé depuis. Nous ne pourrons aller très au-delà de ces propositions pour des raisons budgétaires.

S'il n'est pas raisonnable que des grandes enseignes ne puissent définir des accords de compensation, vous avez raison d'évoquer la question des petites entreprises en zone touristique dans lesquelles les compensations au travail dominical n'existent pas. Nous prévoyons un délai d'adaptation raisonnable de deux ans ; il faut que les branches travaillent cette question des compensations. Notre souhait est de dynamiser le dialogue social. Après avoir envisagé la possibilité de référendum pour les entreprises de moins de onze salariés, par souci de cohérence nous nous orientons vers l'idée d'accords qui pourraient être signés avec des salariés mandatés, de manière à couvrir toutes les entreprises et toutes les activités. Peut-être faut-il prévoir une évaluation formelle de ce dispositif avant l'expiration du délai d'adaptation.

Les accords de maintien de l'emploi défensifs prévus par la loi de sécurisation de l'emploi sont peu satisfaisants parce que les conditions sont restrictives. Seuls 6 accords ont été signés. Les partenaires sociaux le reconnaissent. Le travail d'évaluation que leur a demandé le Premier ministre pourra constituer la base d'aménagements futurs. Des accords offensifs ne correspondraient pas à l'équilibre de la loi de 2013. Nous ne souhaitons pas aller en ce sens sans accord préalable des partenaires sociaux.

Il est paradoxal de reprocher simultanément à mon texte d'être trop long et d'être une loi d'affichage. J'assume l'expression de loi fourre-tout, si elle renvoie au nombre de dispositions : il s'agit d'un texte ambitieux qui cherche à apporter une réponse concrète et efficace sur chaque sujet ouvert.

La moitié des dispositions qui devaient être prises par voie d'ordonnances ont été introduites par voie d'amendement.... ce qui explique que le nombre d'articles ait augmenté. Certaines ordonnances, par exemple celles portant sur l'ouverture du capital des structures mono-exercice des professions du droit, la transposition de la directive « Concessions », la carte d'identité virtuelle des entreprises donneront lieu à concertation de même que la réforme du droit de l'environnement.

En ce qui concerne cet article 28, une mission a été demandée par le Premier ministre. Le Parlement sera associé à tous les stades de la procédure : Ségolène Royal, Sylvia Pinel et moi-même nous y sommes engagés. Nous aurons un débat sur l'habilitation, nous serons transparents dans l'élaboration de l'ordonnance, nous aurons un second débat au moment de la ratification. Notre objectif est d'aller vers la simplification sans renier nos ambitions environnementales et démocratiques, de sortir d'un immobilisme subi néfaste pour l'activité économique comme pour la vie démocratique. Parfois l'administration procrastine, parfois les débats démocratiques sont menés trop en aval ; l'organisation actuelle n'est pas satisfaisante. L'objectif de l'article 28 est d'y remédier en collaboration avec les parlementaires.

D'autres ordonnances portent sur des sujets purement techniques, par exemple la coordination des références à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) dans le code des transports, le concours des greffiers des tribunaux de commerce. Enfin, des ordonnances ont été supprimées, par exemple sur les ventes judiciaires. Je vous ferai parvenir un tableau actualisé de l'ensemble de ces ordonnances ; je comprends la sensibilité qui peut exister sur ce point.

J'ai demandé à mes services de vous transmettre les études d'impact réalisées sur les mesures ajoutées au cours des débats, ainsi du contrat de franchise dont la durée a été régulée dans le secteur du commerce de détail à l'initiative du président Brottes. Je vous encourage à auditionner les acteurs du secteur dont les éclairages sont différents : Système U n'a pas la même vision que Leclerc. Certains professionnels ont des contrats de vingt-cinq ans, d'autres de deux ans. Il convient de prendre en compte l'organisation actionnariale de la coopération. Nous avons cherché à éviter que les franchisés soient captifs et à favoriser la mobilité de ceux qui le souhaitent. Le texte actuel est peut-être imparfait, nous pouvons sans doute l'améliorer grâce à un travail collectif.

L'Autorité de la concurrence a nourri le texte de ses propositions. Nous aurons à son endroit les mêmes exigences que vis-à-vis des sociétés d'autoroutes. Il n'y a pas de responsabilité nouvelle sans les ennuis qui vont avec... Je n'ai aucunement la volonté de faire de l'Autorité de la concurrence un organe totipotent : le Secrétariat général du Gouvernement nous a simplement incités à ne pas créer une nouvelle autorité administrative indépendante.

Nous avons prévu que les épreuves du permis de conduire puissent être conduites par d'autres acteurs que les inspecteurs. La réforme portée par le ministère de l'intérieur comportait déjà des possibilités d'externalisation. Nous allons les étendre à des collaborateurs du service public et à des agents de la Poste. Il y a vingt ans, on pouvait passer le permis en France sous l'autorité d'un sous-officier ; bientôt on pourra le faire sous l'autorité d'un postier qui aura été formé. Je n'ai pas la volonté d'être baroque : la Poste fait face au défi du maintien de ses implantations dans les territoires compte tenu de la raréfaction du courrier. La polyvalence des agents constitue une réponse. Sur l'ensemble du territoire, seuls 1 200 inspecteurs font passer les épreuves. C'est insuffisant. Un délai d'attente de deux cent jours n'est pas satisfaisant.

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