Replaçons les articles sensibles du code du travail dans le cadre qui est le leur. Le dispositif de sécurisation de l'emploi, réformé en 2013, a démontré son efficacité : la négociation collective aboutit dans plus de 60 % des cas à des accords collectifs majoritaires qui déconflictualisent les licenciements collectifs. Des ambiguïtés ou des erreurs de plume devaient néanmoins être corrigées. Elles ont fait l'objet d'un travail technique puis d'une concertation. Ainsi le périmètre d'ordre des licenciements à l'article 98 : les salariés licenciés n'occupent pas forcément les postes supprimés, en raison des critères qui fixent l'ordre des licenciements comme les charges de famille. Les entreprises peuvent fixer un ordre à un niveau inférieur à l'entreprise, comme l'établissement, par document unilatéral soumis au comité d'entreprise à défaut d'accord collectif. Notre texte prévoit que ce périmètre, qui fait l'objet de controverses jurisprudentielles, soit élargi au niveau de la zone d'emploi où sont situés un ou plusieurs établissements. Si l'entreprise n'a qu'un site, l'employeur ne pourra pas, en l'absence d'accord, établir l'ordre des licenciements sur un périmètre inférieur.
L'article 99 rétablit le droit préexistant en supprimant le contrôle a priori des licenciements de 2 à 9 salariés dans les entreprises de moins de 50 salariés, surajouté par erreur au contrôle a posteriori maintenu.
Le réalisme exige là encore de voir que l'obligation de reclassement à l'international est souvent vécue comme une provocation par les salariés ; proposer à un employé de Goodyear à Amiens un poste en Pologne ou en Roumanie ne fait pas beaucoup avancer les droits sociaux dans notre pays ; un formalisme excessif fait également peser un risque juridique sur les entreprises. L'article 100 inverse la démarche en ouvrant droit aux salariés intéressés d'en faire la demande ; dans le cas contraire, ils recevront une proposition de reclassement en France.
L'article 101 concerne les moyens suffisants des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), aujourd'hui mesurés au niveau de la société mère, car la notion de groupe n'est pas connue en droit social : l'administrateur ou le mandataire n'a aucun moyen de contraindre le groupe à financer le plan. Cela entraîne souvent un refus d'homologation du plan qui place les salariés dans une situation impossible : ils ne peuvent ni être licenciés et indemnisés par Pôle Emploi, ni percevoir les indemnités AGS 21 jours après le jugement de liquidation. L'article 101 mesure le caractère suffisant et proportionné des mesures du PSE au regard de la seule entreprise. Si l'administration homologue le PSE, l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur a l'obligation de rechercher les moyens du groupe. Ce n'est plus un critère d'homologation du plan, mais une obligation de moyens qui sera efficace. Il y a eu beaucoup de confusions, voire de manipulations sur cette disposition. Au lieu de continuer à « ripoliner » l'existant, en donnant des droits formels, inopérants parce qu'on ne sait pas les vérifier, nous clarifions la situation, sans rien enlever à la protection des salariés.
Vous me demandez de m'exprimer sur la transition énergétique : la démarche est un moteur de croissance, car elle soutient des secteurs comme la rénovation thermique, vrai levier d'activité pour le bâtiment. Les études parlent de 0,5 à 0,6 point de PIB d'impact, ce qui n'est pas mineur. Une discussion est en cours sur la fermeture de certains réacteurs ; le Gouvernement veut tenir les engagements du Président de la République, mais rappelle que le nucléaire reste une filière d'avenir à l'export et en France. Ségolène Royal l'a dit : de nouvelles centrales seront construites pour faire face à nos besoins. Les électro-intensifs ont à subir une concurrence intense d'entreprises naguère allemandes, et maintenant d'Asie et des États-Unis qui attirent grâce au gaz de schiste les secteurs de la chimie, du papier et du ciment. Le projet de loi prévoit ainsi des mesures concrètes sur l'interruptibilité et l'effacement.
L'Autorité de la concurrence, ensuite. Je partage votre appréciation des analyses de marchés pertinents : les fondamentaux du droit de la concurrence doivent être revus. Le Président de la République a demandé un rapport à deux grands industriels français et allemand, MM. Beffa et Cromme, qui concluent dans ce sens. Concernant des grandes concentrations ou des rapprochements dans des secteurs compétitifs ou en fragilité, les marchés pertinents ne sont pas regardés à la lumière de la concurrence internationale. C'est vrai pour l'agroalimentaire, mais aussi pour le ciment ou la grande distribution. Les débats sur le rapprochement entre Alstom et General Electric pour les turbines, dans une situation de contraction de la demande, doivent être éclairés par le fait que les grands concurrents sont les Chinois. Nous, exécutif et législateur, contrôlons l'Autorité de la concurrence, pouvons changer ses compétences par la loi, et lui demander régulièrement des comptes, ce que je ne manque pas de faire.
Les compétences qui lui sont confiées dans ce texte n'ont toutefois rien de commun avec ce que vous signalez : nous lui demandons d'apporter de l'objectivité sur des secteurs domestiques non soumis à la concurrence internationale, et où le marché pertinent est local ou national. Elle donnera des avis, établira une cartographie objective pour fixer des critères d'installation. Mais dans toutes les zones qui ne sont pas des déserts, la régulation reste à la main de la garde des Sceaux. L'Autorité de la concurrence ne prendra en aucun cas des décisions. Trop souvent, ces professions pratiquent une auto-régulation malthusienne : elles n'ont pas créé les 2 000 à 3 000 emplois prévus en 2009.
L'Autorité de la concurrence vient aussi apporter de la transparence dans les relations entre fournisseurs et distributeurs. Son seul pouvoir en ce domaine est l'injonction structurelle. La grande distribution a, dans une situation d'oligopole relativement organisée, une multitude de fournisseurs et de clients. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l'Autorité de la concurrence exercent des contrôles, que nous avons accrus ; les procédures iront au bout. Certaines enseignes deviennent dominantes sur des zones de chalandise. Pour animer le marché, soit nous étendons les surfaces commerciales, soit nous demandons aux entreprises qui détiennent plus de 50 % des parts de marché de justifier des marges anormalement élevées. Des marges trop élevées sont la trace soit de prix excessifs ou d'achats trop peu cher payés.
Ce projet de loi n'ouvre pas le secteur public de transport par autocar ; ne pensez pas pour autant qu'il ne pourrait exister un secteur privé. Aujourd'hui, pour ouvrir une ligne, il faut demander une autorisation à la Direction générale des infrastructures des transports et de la mer (DGITM), qui se concerte avec les collectivités locales, dans une procédure très longue. Des lignes ont été ouvertes ainsi, mais très peu. L'autorisation générale mettra fin à la situation baroque, qui n'autorise les lignes que dans le cadre d'un cabotage sur une ligne internationale : un autocar circulant entre Paris et Varsovie peut s'arrêter à Strasbourg si moins de 50 % des passagers y descendent. Tous les acteurs de ce secteur m'ont dit qu'ils ouvriraient des lignes. Des liaisons n'existent pas en train : de Bordeaux à Lyon, il faut prendre deux TGV et passer par Paris ; c'est cher et long.
Il n'y a pas lieu de craindre de déstabilisation de lignes compensées sur nos territoires, grâce à l'avis préalable des autorités organisatrices de transport sur des trajets de moins de 100 kilomètres glissants. De toute manière, un acteur privé n'a pas intérêt à concurrencer une ligne compensée dans laquelle quatre personnes prennent un TER...
La Poste est engagée depuis longtemps dans une diversification de ses activités. Elle a su requalifier des postiers en agents d'accueil.
Sans remettre en question la compétence des tribunaux de commerce existants, le seuil que nous retiendrons assurera une homogénéité de jugement et une certaine spécialisation. Nous envisageons - cela relève du réglementaire - que le président du tribunal de commerce local soit membre du collège, de manière à concilier spécialisation et cette proximité qui n'est pas la moindre des qualités de ces juges, qui exercent de surcroît à titre gracieux.
J'ai demandé, comme votre assemblée, un avis à l'Autorité de la concurrence sur les centrales d'achat, qui ne constituent pas une alliance capitalistique, mais appellent pourtant une régulation. Nous avons conduit des réunions avec Stéphane Le Foll et Carole Delga sur ce sujet avec la filière. Je rendrai public l'avis dès que j'en aurai connaissance.
Franchement, sincèrement, ardemment, je crois que ce texte contribue à rétablir la confiance, avec des réformes débattues, expliquées et durables dans des domaines qui n'avaient pas été touchés depuis longtemps : professions réglementées, prud'hommes... La recherche de solutions pragmatiques sans grand soir ni reniement des droits des plus fragiles dans le cadre d'une politique macroéconomique stable (le pacte de responsabilité et de solidarité), voilà ce qui rétablit la confiance.
La compensation du travail du dimanche est fixée, mais nous pouvons aller plus loin sur les sanctions. Le texte les alourdit sur le recours au travail illégal et dissimulé. Ce qu'il fait sur les travailleurs détachés illégalement est important pour la confiance des salariés et des employeurs.
Ce texte contient la réforme la plus ambitieuse sur les banques depuis longtemps : pour la première fois, il bat en brèche le monopole bancaire du financement des entreprises à travers les bons de caisse et les financements interentreprises, en parallèle de l'action de la banque publique d'investissement (BPI). La vraie problématique du financement de notre économie, c'est la régulation - réforme bancaire ou surtout Bâle III - qui fait peser une pression sur nos banques universelles. Grâce à la présence de la BPI, la France se porte pourtant mieux que ses voisins, à l'exception notable du financement à court terme des TPE et PME. Une entreprise qui veut accorder un prêt à une autre, le pourra demain. A la stigmatisation des banques, je préfère une réforme efficace du secteur. Notre économie est financée à 75 % par des banques, tandis que les économies anglo-saxonnes le sont à 80 % par les marchés. On peut continuer à dire que notre ennemi, c'est la banque...