Je suis heureux de pouvoir participer au débat de votre commission spéciale.
Tout d'abord, je me réjouis de votre vote sur le projet Kant qui permettra de construire l'Airbus de l'armement terrestre. Nos discussions avec nos partenaires allemands se déroulent dans de bonnes conditions et se poursuivront lundi. Cette alliance est rassurante pour l'entreprise Nexter. Nous pourrons ainsi mettre en oeuvre le programme Scorpion.
J'en arrive à l'article 50 A : la loi de programmation militaire (LPM) prévoit de mobiliser 31,4 milliards d'euros, pour la mission « Défense » en 2015, comme en 2012, 2013 et 2014. Les ressources de la mission « Défense » ont été sanctuarisées à plusieurs reprises par le Président de la République. Sur ce total, 2,4 milliards d'euros sont constitués de ressources exceptionnelles, dont 200 millions d'euros de ressources immobilières. La question est donc simple : comment mobiliser 2,2 milliards d'euros pour aboutir aux 31,4 milliards d'euros prévus ? On peut regretter d'avoir recours à ces ressources exceptionnelles, ce qui était d'ailleurs déjà le cas auparavant. Des ressources budgétaires auraient été plus simples, mais le fait est là.
L'article 3 de la LPM et le paragraphe 5-1 de son annexe précisent la nature de ces ressources exceptionnelles : il s'agit du programme d'investissements d'avenir, que nous avons mobilisé en 2014 à hauteur de 2 milliards d'euros, des ressources immobilières qui nous rapporteront cette année 200 millions d'euros, de la mise aux enchères des fréquences et, enfin, du produit des cessions de participation des entreprises publiques, donc des cessions d'actifs.
Pour 2015, nous comptions sur la vente de la bande des fréquences des 700 mégahertz, mais il est apparu qu'elle n'aurait sans doute pas lieu cette année. En conséquence, il me faut donc procéder à une cession d'actifs à hauteur de 2,2 milliards d'euros pour atteindre les 31,4 milliards d'euros prévus. Or, en vertu de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ces cessions ne peuvent être utilisées que pour des opérations d'investissement en capital. Nous avons donc été contraints de rechercher une solution pour atteindre les objectifs que le Président de la République nous avait fixés. Comme ces 2,2 milliards d'euros sont destinés à des acquisitions de matériel, et non pas à des dépenses en fonctionnement, il nous a paru que la création de sociétés de projet était la solution la plus satisfaisante. Ainsi, sur financement de l'Agence des participations de l'État (APE), l'État pourrait créer des sociétés dédiées à l'acquisition et à la location d'équipements déjà commandés ou acquis par l'armée. L'État cèderait donc à ces sociétés la propriété des équipements, qui seraient immédiatement loués au ministère de la défense. Enfin, ce dernier pourrait acquérir à tout moment ces équipements durant la durée de la location.
Cette solution permet de régler l'absence provisoire de recettes issues de la mise aux enchères de la bande des 700 mégahertz. Lors de ses voeux aux armées, le Président de la République a validé ce dispositif et le ministre de l'économie a déposé un amendement non pas pour créer des sociétés de projets mais pour lever les obstacles juridiques préalables à leur mise en oeuvre.
Le schéma est simple : avec un capital de 2,2 milliards d'euros issus de cessions de participations de l'État, réalisées par l'APE, seront créées deux sociétés entièrement publiques. La première, dotée de 1,680 milliard d'euros, achètera trois frégates multi-missions (FREMM) devant être livrées à la marine nationale dans les années 2015-2017 et la seconde, dotée de 560 millions d'euros, quatre A400M, livrés à l'armée de l'air en 2016-2017. Ces matériels seraient immédiatement loués à l'armée. L'ensemble des services associés, notamment le maintien en condition opérationnelle, la formation et les assurances, resteront du ressort du ministère de la défense - qui est d'ailleurs son propre assureur - et des industriels sous contrat avec le ministère. Ce schéma sera rapidement mis en place, avant l'été.
À la demande du député Jean-François Lamour, le Gouvernement remettra un rapport au Parlement avant la création de ces sociétés de projet et je m'engage à le déposer à l'occasion de l'examen de l'actualisation de la LPM, c'est-à-dire un peu avant ce qui m'a été demandé puisque le projet de loi d'actualisation de la LPM sera présenté début mai au conseil des ministres, le débat ayant lieu au Parlement avant l'été.
Ces dépenses auront un impact sur le déficit public maastrichtien au moment de la livraison de ces matériels militaires. Cet impact sera donc étalé dans le temps et ne sera que temporaire puisqu'il sera effacé lors de la vente des fréquences hertziennes. En outre, ce schéma est largement neutre pour la dette publique puisqu'il est financé par des cessions d'actifs même si on ne peut exclure que ces sociétés aient, pour une petite part, recours à l'emprunt.
De plus, ce schéma est neutre pour l'actif de l'État puisque les sociétés de projet reconstitueront leur fonds propres au moyen des remboursements versés par la défense. Ces sociétés seront totalement contrôlées par l'État et ne prennent aucun risque dans l'opération, ce qui limite les coûts financiers associés. Lors de la vente des fréquences, ces sociétés seront supprimées, l'une après l'autre.
Enfin, je n'exclus pas que ce dispositif perdure d'une autre manière afin d'aider nos exportations. À deux ou trois reprises, j'ai en effet été contacté par des pays, y compris européens, qui souhaitaient louer du matériel français. Comme nous n'avions pas de solution à leur proposer, ces pays se sont adressés à nos concurrents.