Intervention de Michel Raison

Réunion du 26 octobre 2015 à 16h00
Prévention des risques — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Michel RaisonMichel Raison :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est – vous l’aurez compris – de nature quelque peu particulière. Cette spécificité, il la tire de deux causes, qu’elles soient intrinsèque ou contextuelle.

La première, positive, tient au fait qu’il s’agit du deuxième projet de loi « DDADUE » – c’est ainsi que l’on nomme désormais les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne – examiné par le Parlement dans le domaine de l’environnement.

Cela confirme que nous sommes entrés dans une ère nouvelle pour les politiques publiques environnementales : celles-ci constituent désormais un champ à part entière de transposition du droit européen et d’action pour les pouvoirs publics, ce dont nous pouvons nous réjouir.

La seconde cause de la spécificité de ce projet de loi tient à sa nature même de texte de transposition, dont l’examen au Parlement peut s’avérer un peu frustrant pour le législateur, étant donné le caractère souvent très technique des dispositions proposées et la faible marge de manœuvre qui lui est laissée.

J’ajoute simplement à ces remarques – cela ne vous surprendra pas, monsieur le secrétaire d'État – que le calendrier d’examen de ce texte, qui aborde un grand nombre de sujets, était contraint, ce que je déplore. Cependant, je sais qu’il y a urgence à transposer la plupart de ces directives.

Venons-en maintenant au fond.

À titre principal, ce projet de loi transpose deux directives européennes récentes visant à améliorer la prévention des risques : la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer, dite « directive offshore » ; et la directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2015 relative à la mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés.

Il adapte, en outre, notre droit national à la réglementation européenne en matière de produits et d’équipements à risques, de prévention et de gestion des déchets et de produits chimiques.

L’état d’esprit qui a présidé aux réunions de la commission a été de ne pas succomber à la tentation de la surtransposition. Nous avons aussi choisi la voie de la simplification et de l’allègement des contraintes pour les opérateurs économiques concernés.

Le titre Ier vise, pour l’essentiel, à transposer les dispositions de la directive offshore, du 12 juin 2013, relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer. Si l’accident du forage Macondo, survenu dans le golfe du Mexique au mois d’avril 2010, a conduit toutes les compagnies à des révisions systématiques des installations existantes, une modernisation du cadre législatif plutôt ancien de ces opérations est aujourd’hui nécessaire.

Le titre Ier apporte ainsi des garanties supplémentaires quant aux capacités techniques et financières que doivent posséder les entreprises pour faire face aux risques et aux conséquences de leurs projets, ou encore quant aux informations des autorités publiques sur les risques de dangers majeurs de tels ou tels travaux. La commission n’a apporté aucune modification à ce titre, qui assure une transposition fidèle de la directive.

Je m’arrêterai un instant cependant sur l’article 9, relatif aux stockages souterrains d’hydrocarbures et de gaz naturel qui a fait débat en commission. En effet, depuis la transposition en droit français de la directive Seveso III, ces stockages relèvent de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE, et non plus du code minier.

Après avoir entendu les représentants de l’industrie gazière en audition, j’ai considéré que les spécificités des activités de stockage souterrain justifiaient le maintien dans le champ du code minier des phases d’arrêt de l’exploitation et du suivi de l’après-mines. En effet, l’arrêt du stockage et l’après-mines posent des problèmes de gestion du sous-sol profond qui relèvent pleinement des activités minières et qui sont mieux encadrés par le code minier.

J’ajoute que cette option apporterait une plus grande sécurité aux exploitants : effectivement, avec la législation sur les ICPE, ces derniers pourraient théoriquement rester responsables ad vitam æternam des résidus de gaz, alors que le code minier, très exigeant concernant le cahier des charges des fermetures, ne le leur impose pas – cela reviendrait à obliger l’entreprise à garder à vie des réserves dans son bilan, ce qui affaiblirait la valeur de son action.

L’amendement que j’ai soutenu n’a pas été retenu par la commission, à cause de l’heure tardive à laquelle il a été examiné, mais Rémy Pointereau en a déposé un identique et nous vous en exposerons l’objet tout à l’heure. Nous serons attentifs à la réponse que vous nous apporterez sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.

Le titre II transpose des dispositions relatives aux produits et équipements à risques. La commission a adopté quatre amendements visant à corriger des erreurs rédactionnelles ou à introduire des mesures de coordination ; je vous en proposerai un cinquième à l’article 11.

J’en arrive au titre III, relatif aux produits chimiques, et je m’arrête un instant sur les articles 14 à 16, qui concernent les produits biocides. En France, aujourd’hui, c’est l’ANSES qui est chargée de l’évaluation de ces produits et, sur le fondement de ses avis, le ministère de l’écologie délivre ou non les autorisations. L’article 14 modifie les compétences de cette agence, afin que celle-ci procède non seulement aux évaluations de produits biocides, mais également à la délivrance, à la modification et au retrait des autorisations de mise sur le marché.

La commission n’a pas modifié cet article – bien que certains de ses membres, dont j’étais, aient pu être au départ un peu réticents –, car, après avoir bien étudié le dossier, elle a considéré qu’il permettait au pouvoir politique de garder la main : en effet, le ministre conserve un droit de veto. En outre, il semble que l’ANSES soit prête à exercer cette nouvelle mission concernant les biocides, comme elle l’a déjà fait pour les produits phytosanitaires ; on manque certes de recul à ce sujet, mais la réorganisation des services de l’Agence est déjà de nature à nous rassurer. Surtout, il s’agit d’une mesure de simplification pour les entreprises qui mettent ces produits sur le marché ; or on ne peut être que favorable à tout ce qui peut simplifier la vie des entreprises.

Le titre IV transpose la directive du 11 mars 2015 ouvrant la possibilité pour les États membres de restreindre ou d’interdire la culture sur leur territoire d’OGM, sur la base de critères d’intérêt général, à savoir la politique environnementale, des motifs de nature sociale, économique, agricole, ou encore l’ordre public. À cet égard, je trouve pour ma part que ce dernier critère est assez éloigné de l’objectivité scientifique. En effet, que l’on puisse interdire la culture d’un OGM par peur du trouble à l’ordre public me choque quelque peu, car cela peut encourager des hors-la-loi à continuer de détruire des supports de recherche sur notre propre territoire – et je parle de recherches menées non pas par des organismes étrangers, mais par l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA. Il me semble donc assez grave que l’on puisse recourir à cet argument.

Les articles 18 et 19 inscrivent donc dans notre droit la nouvelle procédure applicable, qui se décline en deux phases, que vous avez rappelées tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État. Premièrement, la France peut demander au pétitionnaire que sa demande d’autorisation d’un OGM n’inclue pas le territoire national – je suppose que la réponse des semenciers que vous avez évoquée, monsieur le secrétaire d'État, concerne un produit donné et non tous les produits à venir, de manière générale. Deuxièmement, en cas de refus du pétitionnaire ou si la France n’a pas formulé de demande en première phase, l’État peut restreindre ou interdire la mise en culture de l’OGM en question sur le territoire national, pour les motifs cités précédemment.

Si nous n’avons pas d’autre choix que de transposer cette directive, je regrette pour ma part, je l’ai dit lors des travaux de la commission, que ce texte marque d’une certaine manière un abandon du principe, pourtant fondamental en droit européen, de l’application uniforme et harmonisée des réglementations. De ce fait, certains États cultiveront des OGM, d’autres non, et la France continuera de perdre de la compétitivité ; et quid, je le répète, de la recherche, en particulier celle de l’INRA ? Si l’on ne cultive plus d’OGM dans notre pays, la recherche se fera forcément ailleurs…

Ce texte pose aussi la question cruciale du seuil d’OGM autorisé dans les semences et les produits. Avec une mise en œuvre différenciée entre les États membres des autorisations de mise sur le marché d’OGM et une circulation toujours plus grande des semences, cette question va retrouver toute son importance. J’ai proposé à la commission de supprimer la demande de rapport instaurée par l’article 19 ter sur les risques de contamination des cultures conventionnelles et biologiques, dans la mesure où un tel document devrait être remis par le Haut Conseil des biotechnologies, mais, sur ce point non plus, je n’ai pas été suivi.

Enfin, je ne m’étends pas sur les titres V et VI, qui n’ont appelé aucune modification ni aucun commentaire particulier de la part de la commission. Je m’arrête donc, en espérant avoir mis en relief les points les plus importants du présent projet de loi. Nous aurons l’occasion de revenir lors de la discussion des articles sur tous ces sujets.

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