Intervention de Pierre Médevielle

Réunion du 26 octobre 2015 à 16h00
Prévention des risques — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi est le deuxième texte de transposition de directives et d’adaptation aux règlements européens dans le domaine du développement durable. Il a en effet été précédé par la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable.

Nous le constatons bien, avec le présent texte, les problématiques liées au développement durable deviennent prioritaires pour le législateur européen. Comme l’a souligné M. le rapporteur, les politiques publiques environnementales sont devenues un champ à part entière de transposition du droit européen.

Ce projet de loi se concentre sur la question de la prévention des risques et poursuit ainsi le travail entamé en 2013. Il vise essentiellement à transposer deux directives.

Il s’agit, d’une part, de la directive 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer, adoptée à la suite de l’accident survenu sur la plateforme mobile Deepwater Horizon le 20 avril 2010, dans le golfe du Mexique. Il s’agit d’améliorer la protection de l’environnement marin et des zones côtières et d’établir des conditions de sécurité minimale pour les installations d’exploration et d’exploitation du pétrole et du gaz en mer. Ce texte tend également à améliorer les mécanismes de participation et d’information du public en cas d’accident.

Il s’agit, d’autre part, de la directive 2015/412 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2015 modifiant la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement.

Les titres Il et III du projet de loi concernent les produits et équipements à risques, ainsi que les produits chimiques – notamment les exportations et importations de produits chimiques dangereux tels que les gaz à effet de serre fluorés. Ils précisent le dispositif mis en place pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché et d’utilisation des produits biocides régie par le règlement européen du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides.

La compétence en matière de délivrance de ces autorisations, sur le modèle des médicaments vétérinaires et des produits phytopharmaceutiques, va être transférée à l’ANSES, seulement chargée jusqu’alors de leur évaluation.

Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé de simplification. Or si je suis généralement favorable à la simplification, je crains que, en l’espèce, elle ne se révèle dangereuse, l’ANSES devenant du même coup juge et partie. Quand on sait que les crédits affectés à cette agence, comme la plupart des crédits « prévention des risques », connaissent une baisse régulière et que l’ANSES fait réaliser certaines de ses évaluations par des grands groupes, on peut craindre l’émergence d’un problème majeur d’éthique. Certains des organismes avec lesquels je travaille dans le cadre du comité économique, éthique et social du Haut Conseil des biotechnologies – notamment les services de médecine du travail – ont déjà tiré la sonnette d’alarme.

Le titre IV transpose la directive 2015/412 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2015 modifiant la directive 2001/18/CE en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d’interdire la culture d’organismes génétiquement modifiés sur leur territoire.

Certains États cultiveront donc des OGM et d’autres non. Ce dispositif n’empêchera pourtant pas un pays refusant la culture des OGM de voir ces mêmes plants cultivés tout autour de ses frontières.

À l’heure où l’on se pose de plus en plus de questions sur la diabolisation à outrance des OGM et sur l’opportunité de leur utilisation, ce titre laisse à chaque État membre la liberté de formuler une demande d’exclusion sur tout ou partie de son territoire, mais ne le protégera pas des contaminations venant de pays voisins.

Cette directive va fragmenter le marché unique européen en allant à l’encontre du principe, pourtant fondamental en droit européen, d’application uniforme des réglementations. Nous risquons de nous retrouver dans une situation de déséquilibre économique entre États membres, à l’origine d’inégalités en matière de recherche, de production, d’importations et d’exportations.

De plus, la multiplication des démarches et procédures d’autorisation en Europe, et donc des coûts liés à la culture des OGM, risque de conduire à l’exclusion des acteurs économiques les plus fragiles.

En raison de ce retour au choix national en matière d’OGM, les opposants vont ainsi trouver de nouveaux moyens pour contester et bloquer la recherche sur les OGM, ainsi que sur les biotechnologies vertes en France.

Nous ne pouvons que nous inquiéter face à cette situation qui pourrait retarder le développement d’une agriculture compétitive, à l’heure où cette dernière a justement besoin de davantage de moyens. Les récents événements survenus dans les filières bovines et porcines sont là pour nous le rappeler.

Par ailleurs, un nombre grandissant de variétés végétales est développé de par le monde grâce aux nouvelles techniques d’amélioration des plantes, dites new breeeding techniques, ou NBT, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

Ces techniques peuvent apporter plus rapidement des solutions aux enjeux agricoles en matière de résistance aux maladies ou de tolérance à la sécheresse. Considérer qu’elles aboutissent au développement de plantes OGM imposerait des procédures d’homologation et de surveillance disproportionnées et entraverait véritablement l’innovation. Nous devons donc avoir une approche beaucoup plus pragmatique, basée sur les critères actuels d’exclusion du champ de la directive sur les OGM.

Enfin, le titre V s’intéresse aux dispositions relatives aux droits acquis en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement et vise les entreprises dont le régime administratif change à la suite d’une modification de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement.

Globalement, ce projet de loi va dans le sens d’une harmonisation européenne des réglementations en vigueur dans le domaine de la prévention des risques – domaine qui concerne directement notre sécurité. On ne peut que se féliciter de cet alignement des pays membres de l’Union européenne sur une même législation, même s’il faudra certainement plus de temps pour arriver à une harmonisation totale.

On ne peut également que se féliciter de voir la France se montrer exemplaire en matière de transposition sur un sujet aussi essentiel que celui des dangers environnementaux.

Au regard de la croissance de la population mondiale, on sent bien – certains orateurs précédents l’ont évoqué – qu’il faudra revoir notre position sur certains produits génétiquement modifiés. Les OGM ont été totalement stigmatisés, souvent à tort, alors que l’on consomme et que l’on se soigne en France avec de nombreux produits à base d’OGM.

C'est la raison pour laquelle un étiquetage me semble impossible. Je crois qu’il faudra revoir la classification. Que dire des aliments importés pour notre bétail, à 80 % issus de cultures OGM, comme le soja ? Le Commingeois tient aussi à sa santé, monsieur Fortassin, mais quand il n’y a pas suffisamment d’herbe, il faut trouver des solutions alternatives.

Quoi qu’il en soit, une réflexion menée aujourd’hui par le Haut Conseil des biotechnologies et plusieurs observations en cours dans de nombreux pays européens ayant autorisé ces cultures devraient nous éclairer prochainement sur ce sujet et nous permettre de le traiter avec plus de sagesse et de sérénité.

Monsieur le secrétaire d’État, nous pensons que ce projet de loi va dans le bon sens, celui de l’harmonisation et de la sécurité. Nonobstant quelques inquiétudes, le groupe UDI-UC, pro-européen par essence, votera ce texte.

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