Intervention de Didier Mandelli

Réunion du 26 octobre 2015 à 16h00
Prévention des risques — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen des projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne relève le plus souvent de la formalité.

S’agissant d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques, l’enjeu politique, apparemment modéré, ne doit pourtant pas nous conduire à relâcher notre attention.

Pour cette raison, et d’autres, je souhaite débuter mon intervention en félicitant chaleureusement notre collègue rapporteur Michel Raison, grand spécialiste de ces questions, qui, je le sais, a souhaité jouer pleinement son rôle en multipliant les auditions, et ce quels que soient les thèmes abordés.

Pour en revenir au texte, je n’ignore pas que certains de nos collègues souhaitent légitimement débattre du nouveau mécanisme en deux phases d’autorisation de mise sur le marché et de mise en culture des organismes génétiquement modifiés. Pourtant, je vais tâcher, comme les autres orateurs avant moi, d’ouvrir le débat aux cinq autres titres de ce projet de loi, qui ne concernent pas les organismes génétiquement modifiés.

Pour respecter la chronologie du texte, j’évoquerai d’abord son titre Ier et ses dispositions relatives à la sécurité des opérations pétrolières et gazières.

La sécurisation de ces installations, notamment lorsqu’elles sont situées en mer, et la protection des écosystèmes environnants posent inévitablement un problème de limite de juridiction et de souveraineté, pour ce qui concerne l’octroi des autorisations, mais aussi bien davantage s’agissant de la responsabilité du professionnel et le droit d’ester des justices nationales.

Dans ce contexte, l’initiative communautaire apparaît comme un préalable indispensable à l’élaboration d’une politique publique digne de ce nom.

Tel fut le cas dès 1994, avec la directive 94/22/CE sur les conditions d’octroi et d’exercice des autorisations de prospecter, d’exploiter et d’extraire des hydrocarbures.

Mais la responsabilité environnementale des professionnels ne fut appréhendée qu’avec la directive 2004/35/CE relative à la prévention et la réparation des dommages environnementaux.

Toutefois, il revint au législateur européen de produire une réglementation plus exigeante, qui n’éluderait aucune question liée à la prévention des accidents. C’est donc dans cet esprit que fut adoptée la directive 2013/30/UE relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer.

Cette directive prévoit notamment, en son article 4, que « les décisions relatives à l’octroi ou au transfert d’une autorisation d’effectuer des opérations pétrolières et gazières en mer tiennent compte de la capacité du demandeur […] à satisfaire aux exigences liées aux opérations prévues dans le cadre de l’autorisation précitée ». Notons immédiatement que ces dispositions sont transposées par les articles 1er et 2 du projet de loi aujourd’hui soumis à notre examen.

Par suite, les articles 11 à 13 recentrent les documents nécessaires à l’octroi des autorisations d’opérations autour du rapport sur les dangers majeurs, que nous retrouvons dans notre texte, à l’article 3.

La directive renforce ensuite l’objectivité de la vérification indépendante, en définissant précisément celle-ci. Il s’agit de « la confirmation de la validité d’une déclaration écrite déterminée donnée par une entité ou une structure organisationnelle de l’exploitant ou du propriétaire qui n’est pas soumise au contrôle ou à l’influence de l’entité ou de la structure organisationnelle qui utilise ladite déclaration ».

Là encore, l’article 4 du texte aujourd’hui soumis à notre examen est conforme aux exigences de la directive.

Je ne m’attarderai donc pas davantage sur ce titre Ier, lequel, chacun a pu le constater, reste fidèle à l’esprit de la directive qu’il transpose.

En ce qui concerne le titre II portant diverses dispositions relatives aux produits et équipements à risques, qui transpose la directive 2014/68/UE relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché des équipements sous pression, je me limiterai à un unique commentaire.

Nécessairement, la codification de certains éléments de la directive conduit à un certain « équilibrisme légistique ». Je pense notamment à la densification, à l’article L. 557-58 du code de l’environnement, des mesures et sanctions administratives pour non-respect des obligations en matière de produits et équipements à risques. Pourtant, dans le même temps, nous devons noter une plus grande souplesse dans la rédaction des dispositions afférentes aux mesures correctives que peuvent prendre les professionnels à la suite d’une évaluation de conformité défavorable.

Il n’y a, là encore, aucune raison de s’opposer aux dispositions du titre II.

S’agissant du titre III et de ses dispositions relatives aux produits chimiques, un examen plus approfondi se révèle nécessaire.

Lors de la discussion de ce texte à l’Assemblée nationale, ce titre, et plus particulièrement l’article 14, a fait l’objet de vives interrogations, notamment en ce qui concerne le transfert à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, des missions relatives « à la délivrance, à la modification et au retrait des autorisations préalables à la mise sur le marché et à l’expérimentation » des produits biocides.

Sur le principe, de légitimes réticences peuvent émerger. Ce n’est jamais chose aisée que de déposséder, en quelque sorte, le pouvoir politique de ses prérogatives. Cependant, je crois que nous pouvons souscrire à cette disposition, du fait de son caractère opérationnel. En effet, cela a été dit par les orateurs qui se sont exprimés avant moi, l’ANSES donne aujourd’hui un avis que le ministère entérine sans sourciller.

Dans ces conditions, il n’est pas anachronique de donner formellement le pouvoir de décision à l’ANSES, le ministre conservant un droit de veto. Il pourra en effet s’opposer aux décisions du directeur général de l’ANSES s’agissant notamment de la délivrance des autorisations de mise sur le marché.

L’article 15 est, à ce titre, tout à fait explicite : malgré les nouvelles compétences de l’ANSES, le ministre chargé de l’environnement peut prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention d’un produit.

Venons-en ensuite à ce qui constitue pour certains un point d’achoppement : le titre IV et ses dispositions relatives à l’encadrement de la mise en culture d’organismes génétiquement modifiés.

En vérité, les griefs à l’encontre de l’article 18 du projet de loi, qui transpose le nouveau mécanisme européen d’autorisation de mise sur le marché et de mise en culture des OGM, sont peu nombreux.

La directive 2015/412 modifiant la directive 2001/18/CE en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d’interdire la culture d’organismes génétiquement modifiés sur leur territoire a été parfaitement respectée.

Nous retrouvons ainsi notre mécanisme en deux phases. Certes, il est loisible de s’interroger sur la pertinence ou, plutôt, sur l’efficacité de la première phase. En effet, si l’autorité administrative, française, en l’occurrence, peut requérir la modification de la portée géographique de l’autorisation afin d’exclure tout ou partie du territoire national, le pétitionnaire pourra de toute façon obtenir une demande européenne d’autorisation de mise sur le marché d’un OGM incluant le territoire national français.

Autre disposition essentielle de cet article, le nouveau mécanisme de participation du public aux décisions d’autorisation ou non de mise en culture d’OGM : il était également prévu par les directives antérieures, et donc pas seulement par celle de 2015.

De fait, la principale difficulté que nous allons rencontrer à l’article 18 tient à l’émergence d’un nouveau débat, sur l’obligation d’étiquetage des denrées alimentaires issues d’animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés.

Si la volonté de transparence est louable, souhaitable, voire indispensable, cette disposition pose d’abord un problème technique quant à la fiabilité des mesures, lorsque les quantités sont infinitésimales, ensuite un problème économique pour des filières entières, des disséminations fortuites étant malheureusement toujours possibles.

Enfin, j’évoquerai rapidement l’amendement de notre collègue Rémy Pointereau, qui vise à supprimer le rapport sur les risques de contamination accidentelle de cultures conventionnelles ou biologiques par des organismes génétiquement modifiés, notamment dans les zones frontalières. Je souscris pleinement à la position de notre collègue, qui estime cette démarche inutile dans la mesure où il est déjà prévu qu’un rapport soit remis par le Haut Conseil des biotechnologies.

Pour conclure, et sans m’attarder sur les dispositions des titres V et VI, auxquelles nous souscrivons, je dirai simplement que ce projet de loi, qu’il s’agisse de sa version initiale ou de celle que nous avons adoptée en commission de l’aménagement du territoire le 14 octobre dernier, satisfait à l’exigence de ne pas surtransposer les directives et règlements européens.

Pour cette raison, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi.

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