Intervention de Nelly Tocqueville

Réunion du 26 octobre 2015 à 16h00
Prévention des risques — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Nelly TocquevilleNelly Tocqueville :

Alors que Paris s’apprête à accueillir la plus grande conférence internationale sur le climat, la COP 21, la France doit être un modèle et un moteur en matière de prévention des risques et de protection environnementale, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État. Le présent texte, me semble-t-il, nous en donne l’occasion.

Nous sommes effectivement aujourd’hui appelés à examiner le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques.

Notre assemblée peut s’honorer de débattre de ces questions et de légiférer dans un tel domaine, car il y va non seulement de la préservation de l’environnement, mais également de la sécurité des citoyens.

Ce projet de loi, communément appelé « DDADUE risques », traite de plusieurs thématiques, puisqu’il revient en effet à traduire dans notre droit interne cinq directives et trois règlements européens.

Je consacrerai d’abord mes propos au titre IV relatif aux organismes génétiquement modifiés, fruit d’un travail dans lequel la France a joué un rôle de premier plan. J’évoquerai ensuite en quelques mots les biocides.

Ce texte de transposition, qui n’a pas eu beaucoup d’échos, il faut l’avouer, traite pourtant de sujets majeurs et sensibles. Les OGM ont fait l’objet d’intenses débats au niveau européen, notamment au sein du Parlement européen. Mais je tiens à rappeler qu’il s’agit aujourd'hui de transposer une directive dans l’ordre juridique français. Par conséquent, je ne rentrerai pas dans le débat pro-OGM ou anti-OGM : il n’a pas lieu d’être, puisque la transposition en droit français de ces dispositions résulte d’une exigence constitutionnelle.

Je tiens également à préciser que cette directive prend en compte les demandes diverses formulées par les différents États membres de l’Union européenne en matière d’OGM.

Les dispositions introduites dans ce titre IV transposent une directive du 11 mars 2015, qui donne la possibilité aux États membres de restreindre ou d’interdire sur leur territoire la culture d’organismes génétiquement modifiés.

Auparavant, il revenait en pratique à la Commission européenne d’autoriser ou non les OGM, du fait de l’absence systématique de majorité qualifiée au Conseil, une majorité qualifiée d’ailleurs jamais obtenue depuis l’entrée en vigueur d’une directive remontant à 2001. « La prise de décision par la Commission seule est devenue ″la règle″, et la décision des États, ″l’exception″», pour reprendre les termes de Mme Viviane Le Dissez, dans le rapport qu’elle a remis à l’Assemblée nationale.

En effet, cette directive de 2001 ne permet à la France de déroger à ces autorisations que dans le cadre des mesures d’urgence ou clauses de sauvegarde, pour des raisons de risques graves, mettant en danger de façon manifeste la santé ou l’environnement. Or ces procédures, temporaires par nature et trop fragiles juridiquement, sont source de contentieux avec les multinationales qui produisent des OGM, notamment Monsanto.

Cette situation ne pouvait plus durer. Il devenait nécessaire de renforcer la protection non seulement des États membres, dont la France, mais également des consommateurs et des agriculteurs, et ce conformément au principe de précaution.

Car oui, le texte que nous examinons transpose une directive qui apporte davantage de sécurité aux États membres opposés aux OGM.

Tout en laissant le pouvoir de décision au niveau européen, ce nouveau dispositif permet dorénavant à la France, lors d’une demande d’autorisation du pétitionnaire à la Commission européenne, de solliciter de celui-ci l’exclusion de tout ou partie de son territoire s’agissant de la mise en culture d’un OGM. En cas de refus du pétitionnaire ou si la France n’a pas formulé de demande avant la délivrance d’une autorisation, elle pourra restreindre ou interdire la mise en culture d’OGM pour des motifs autres que sanitaires et environnementaux, tels que, notamment, les objectifs de la politique agricole ou des incidences socio-économiques. Ces dispositions permettent de prendre en considération le contexte national, étant à noter que cette possibilité pourra donc s’appliquer aux OGM déjà autorisés.

Je me félicite d’ailleurs de la décision prise par le Gouvernement, le 15 septembre dernier, de mettre en pratique par anticipation ladite « phase 1 », qui prévoit de demander à la Commission européenne l’exclusion du territoire national pour la mise en culture des neuf maïs OGM déjà autorisés ou en cours d’autorisation au niveau européen.

Il faut le rappeler, la France avait insisté, dans le cadre des débats menés au niveau européen sur ce dossier, pour que les possibilités offertes par la nouvelle procédure puissent aussi être applicables aux décisions d’autorisation prises avant l’adoption de la nouvelle directive.

Que l’on ne nous accuse pas d’ouvrir la voie aux OGM en France ! Dois-je le rappeler, actuellement seul le maïs MON 810 de Monsanto est autorisé dans l’Union européenne et il n’est cultivé que dans cinq pays, essentiellement en Espagne, au Portugal et en République tchèque.

C’est pourquoi les sénateurs et sénatrices du groupe socialiste et républicain réaffirment être opposés à l’extension des cultures OGM sur le territoire français.

Ces dispositions offrent aux États membres, et donc à la France, un socle juridique plus solide, un droit plus lisible, plus cohérent et plus intelligible.

Ce texte ne pose donc pas de problème majeur, puisqu’il s’agit d’un texte de transposition. Je m’interroge cependant sur le risque de contamination transfrontalière que peuvent représenter les cultures d’OGM autorisées par un État membre, par exemple l’Espagne, pour un autre État voisin, par exemple la France, qui les refuse. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-nous nous apporter des éclaircissements sur ce point ?

Le texte que nous examinons traite également, en son titre III, des produits biocides.

Il prévoit une réforme de la procédure qui confie les autorisations de mise sur le marché de ces produits à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.

Ces dispositions rapprochent donc le régime applicable aux biocides de celui qui, issu de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, est en vigueur pour les produits phytosanitaires. L’objectif est d’optimiser le système en le simplifiant et en le rendant plus lisible aux yeux des acteurs économiques.

Le Gouvernement conserve néanmoins la possibilité de s’opposer aux décisions de l’ANSES, l’État assumant pleinement ses responsabilités dans un certain nombre de cas identifiés.

C’est pourquoi, par souci de cohérence législative, de simplification et d’harmonisation, nous soutenons ce nouveau dispositif, qui est en vigueur dans de nombreux pays de l’Union européenne.

Notre devoir étant de transposer les textes européens dans l’ordre juridique français d’une manière rigoureuse et précise, et non de procéder à une surtransposition, le groupe socialiste et républicain a décidé de ne pas déposer d’amendements. Le texte adopté par l’Assemblée nationale et par notre commission nous paraît en effet respecter pleinement l’esprit des directives et règlements.

Le présent projet de loi répondant parfaitement à la nécessité de clarifier et de simplifier les procédures de prévention des risques, nous voterons pour.

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