Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 27 octobre 2015 à 14h45
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires — Rejet d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Qui peut prétendre ici que le dogme de la réduction des dépenses publiques, malheureusement largement partagé sur les travées de cet hémicycle, est conciliable avec un effort important, nécessaire et urgent de promotion de langues régionales ? Qui peut prétendre ici, mes chers collègues, qu’il va aider les élèves à affronter les grandes difficultés d’apprentissage du français ?

Les deux vont de pair, car si l’enseignement d’une langue régionale est privilégié pour un jeune enfant, les conditions d’acquisition du français devront être garanties, et cela dans un contexte d’apprentissage particulier, nécessitant une formation spécifique pour les enseignants.

Ne pas débattre des moyens quelque peu colossaux qui sont nécessaires – je ne parle pas des obligations comprises dans la charte elle-même – placerait inévitablement notre discussion dans la stratosphère.

Sur les travées du groupe CRC, bien loin de scander : « Pas de moyens, pas de sauvetage des langues régionales », nous affirmons notre volonté de placer cet objectif culturel au premier rang des choix budgétaires à venir. En la matière, madame la garde des sceaux, il faut de l’ambition, beaucoup d’ambition !

L’essor du français a nécessité, à travers les siècles, un effort considérable. Qui est prêt ici à engager aujourd’hui l’effort de la nation dans la promotion et la préservation des langues régionales ?

Des lois existent pour la promotion des langues régionales, depuis la loi Deixonne, la première en son genre, jusqu’aux dispositions relatives à l’enseignement contenues dans la récente loi relative à la refondation de l’école, ou, plus proche de nous encore, l’inscription de la promotion de ces langues dans les compétences régionales par l’article 1er de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », qui comprend ces mots : « Pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales ».

Nous l’affirmons sans hésitation : la diversité des langues régionales et des cultures est une richesse à l’échelle de la planète, comme à l’intérieur de chaque nation.

Pour nous, la valorisation de la richesse linguistique en France et dans le monde participe de la défense de la langue française, langue de la République et de la résistance au rouleau compresseur d’une monoculture liée à un impérialisme économique, culturel et consumériste.

Le Gouvernement a d’ailleurs envisagé 39 engagements puisés dans les 98 proposés par la troisième partie de la charte, qui, elle, à la différence de la deuxième partie, ne s’impose pas dans son intégralité.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois à l’Assemblée nationale et rapporteur de la proposition de loi constitutionnelle n° 1618 visant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, faisait cette confession étonnante dans son rapport, que je vous invite à lire, mes chers collègues. Je cite la page 41 : « Les 39 engagements pris, ou plus exactement ″envisagés″, par la France lors de la signature de la charte, ce qui n’est pas la ratification, je le rappelle, peuvent donc, en dépit de l’absence de ratification, être mis en œuvre sans aucunement heurter notre loi fondamentale ».

Ce n’est pas moi qui le dis ! Je le répète, c’est écrit dans le rapport de M. Urvoas.

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