Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 27 octobre 2015 à 14h45
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires — Rejet d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Une langue qui meurt, à mon sens, c’est une fenêtre qui se ferme sur l’être et sur le monde. La catastrophe qu’il faut craindre, c’est non pas Babel, mais l’inverse : la réduction du discours humain à quelque novlangue formatée a priori par l’uniformisation et la mondialisation culturelle, ainsi que par les nouvelles technologies de l’information.

À cette dimension universelle répond une dimension profondément singulière et, si vous me le permettez, française. La France, c’est l’histoire des Occitans, des Catalans, des Vendéens aussi ; c’est également l’histoire des Bretons, des Alsaciens et de tant d’autres.

La France est Giono ; elle est Mauriac. La France est Pierre-Jakez Hélias. La France est Théodore Botrel et, en même temps, Frédéric Mistral. Michelet ne disait-il pas que la France n’était autre qu’une réunion de provinces qui s’étaient jadis combattues avant de parvenir à s’aimer ?

Mona Ozouf, petite Bretonne, a quant à elle écrit un très beau livre – Composition française – que vousavez peut-être lu, madame la garde des sceaux, et dont je recommande en tout cas la lecture à chacun.

Nous venons donc de ce modèle français, de cette histoire et de cette tradition que nous portons en nous. En effet, comme vous aussi l’avez rappelé, madame la garde des sceaux, la France tire son identité de ce modèle unique, de ce pacte républicain, de cet effort constant d’unification qui a traversé toutes les générations et tous les régimes ; François Furet l’a d’ailleurs magistralement montré dans Penser la Révolution française.

Or cette unification s’est faite à partir de sa langue : le français, instrument à mes yeux incomparable. Vous avez convoqué l’Espagne à l’appui de votre démonstration, madame la garde des sceaux. Ce n’est pas un bon modèle, car ce pays est loin d’être celui qui ressemble le plus au nôtre. Ce n’est pas pour rien que le français a toujours été, historiquement, la langue de la diplomatie et, officiellement, celle de l’olympisme.

Vous voyez donc, mes chers collègues, que la question n’est certainement pas manichéenne. Il s’agit non pas de se prononcer pour ou contre les langues régionales, mais de savoir si la ratification de cette charte est le meilleur moyen d’aider la diversité linguistique, tout en épargnant notre modèle républicain, auquel nous sommes bien sûr profondément attachés sur toutes les travées de notre assemblée.

Or la réponse que j’apporte à cette question est négative, et ce pour trois raisons : une raison de droit, une raison de principe et une raison pratique.

La raison de droit a été magistralement expliquée par Philippe Bas. Je n’y reviendrai donc que brièvement, pour réaffirmer que la déclaration interprétative n’est autre que du bricolage juridique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion