Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme le rappelle l’article 75-1 de la Constitution, nos langues régionales « appartiennent au patrimoine de la France ». Ce débat est l’occasion de réaffirmer notre attachement à la diversité culturelle et aux langues régionales, qui constituent une part essentielle de ce que l’on appelle communément notre patrimoine immatériel et notre culture et qui participent de leur côté exceptionnel.
Si nous rejetons ce projet de loi constitutionnelle, c’est parce que celui-ci, tout en se plaçant sur le terrain du symbole, pose de graves problèmes juridiques, ainsi que l’ont très clairement exposé notre collègue Philppe Bas et d’autres orateurs, en particulier Hugues Portelli il y a quelques instants. Au contraire, et sans mettre en péril des principes aussi fondamentaux que l’unicité du peuple français et l’indivisibilité de la République, nous voulons faire vivre les langues régionales, et cela grâce à des mesures tangibles et concrètes.
Il serait inexact de prétendre que les langues régionales sont aujourd’hui marginalisées ou méprisées, comme je l’ai entendu dire tout à l’heure. Au contraire, soyons objectifs et regardons le verre à demi-plein. Depuis plusieurs années, même si les choses restent perfectibles bien sûr, de nombreux progrès ont été réalisés en matière de diversité culturelle et linguistique.
Ainsi, la loi du 30 septembre 1986 charge les composantes du service public audiovisuel d’assurer la promotion de la langue française et des langues régionales, ainsi que de mettre en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, a autorisé plus de soixante stations de radio diffusant des émissions en langues régionales.
France Télévisions joue également un rôle essentiel dans la diffusion de programmes en langues régionales. En 2013, près de 585 heures de programmes en langues régionales ont été diffusées sur les antennes de France 3, ainsi que plus de 1 100 heures sur la chaîne France 3 Corse ViaStella. La semaine dernière, lors du conseil d’administration de France Télévisions, un projet de contrat d’objectifs et de moyens entre la région Bretagne et France 3 nous a été soumis. Il s’agit d’un projet éditorial contribuant à la reconnaissance à égalité des langues et des cultures bretonnes et à l’exercice des droits culturels des Bretons.
En matière éducative, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a été l’occasion d’avancées décisives. Je rappelle que la loi reconnaît désormais officiellement l’enseignement bilingue, en langue française et en langue régionale. Elle permet aux enseignants de « recourir aux langues régionales, dès lors qu’ils en tirent profit pour leur enseignement », comme elle autorise les collectivités à consacrer les activités complémentaires qu’elles organisent dans les établissements scolaires à « la connaissance des langues et des cultures régionales ».
Sur le terrain, l’enseignement des langues régionales connaît une forte progression, mes chers collègues. En 2012, pas moins de 272 000 élèves apprenaient une langue régionale, mobilisant près de trois mille enseignants.
Ce bilan, dont on n’a pas toujours connaissance, notre collègue Colette Mélot, qui s’exprimera tout à l’heure à la tribune, avait eu l’occasion de le dresser dès 2011, dans un excellent rapport auquel je vous renvoie.
Cependant, il est vrai que nous pouvons avoir une plus grande ambition encore pour les langues et les cultures régionales. C’est pourquoi mon collègue Philippe Bas et moi-même avons déposé une proposition de loi qui consolide le socle déjà existant en faveur des langues régionales dans la vie quotidienne, dans l’enseignement et dans les médias.
Voilà de quoi agir concrètement, mais, de grâce, évitons la gesticulation juridique et l’inscription dans la Constitution d’un droit-créance opposable, d’ailleurs inadapté, je le souligne, à la diversité des langues régionales et à leurs situations. Vous conviendrez en effet que l’on ne peut pas mettre sur le même plan le créole, langue vivante, et le cauchois, qui n’est plus guère utilisé dans ma Normandie natale. Ce n’est pas M. Bas qui me contredira à cet égard !