Il faut également souligner la situation spécifique des langues régionales dans les outre-mer. L’article L. 321–4 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la loi de refondation de l’école, prévoit que « dans les académies d’outre-mer, des approches pédagogiques spécifiques sont prévues dans l’enseignement de l’expression orale ou écrite et de la lecture au profit des élèves issus de milieux principalement créolophone ou amérindien. » Compte tenu du caractère vernaculaire de ces langues, le « schéma d’accompagnement à la valorisation de l’enseignement des langues d’origine dans les outre-mer », élaboré en 2012, encourage les enseignants à s’appuyer sur la langue d’origine des élèves pour favoriser l’apprentissage du français.
Mes chers collègues, si les engagements auxquels la France a souscrit sont en grande partie réalisés, une éventuelle ratification de la Charte européenne des langues régionales n’irait pas sans poser certaines difficultés. Au-delà du coût de ces mesures, les dispositions de la Charte pourraient empêcher, par exemple, la réduction du nombre d’options dans l’enseignement secondaire, prônée de longue date par la Cour des comptes et qui est envisagée comme un des leviers d’une réorientation des crédits vers l’enseignement primaire.
Je dirai également quelques mots sur la promotion des langues et cultures régionales dans les médias, déjà largement prévue par la loi relative à la liberté de communication, qui trouve de nombreuses applications. J’appelle votre attention sur des pistes d’amélioration possibles : il faudrait par exemple élargir les compétences du Conseil supérieur de l’audiovisuel ; Radio France pourrait favoriser l’expression régionale sur ses antennes décentralisées sur l’ensemble du territoire ; il paraît important de favoriser davantage la diffusion audiovisuelle des langues régionales dans les médias et la création cinématographique ; un travail pourrait être mené par l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, pour la conservation et la diffusion d’archives en langue régionale.
Enfin, dernier volet de mon intervention, je voudrais évoquer la signalétique des noms des communes ou autres lieux publics. Là encore, le texte de l’article unique de la proposition de loi adoptée par le Sénat en février 2011, dont j’avais été le rapporteur et que M. Courteau a évoqué voilà quelques instants, n’a pas été inscrit depuis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il pourrait être repris, car cette pratique mérite d’être consolidée. Il est intéressant de relever que la Charte européenne des langues régionales, dans l’une de ses dispositions, préconise l’adoption des formes traditionnelles et correctes de la toponymie, conjointement à la dénomination dans la langue nationale. Cette disposition figure d’ailleurs parmi les 39 mesures retenues par la France dans la Charte, et qui ont été jugées constitutionnelles, contrairement au préambule qui en interdit la ratification.
Je tiens à rappeler, pour conclure, que la politique française est exemplaire concernant l’enseignement des langues régionales. J’estime que la difficulté majeure reste le manque chronique d’enseignants spécialisés, et non la ratification de la Charte européenne. Notre groupe, lors du quinquennat précédent, a donné des preuves de son profond attachement à la défense des langues régionales et nous allons poursuivre notre action par le dépôt d’une proposition de loi. Nul besoin, par conséquent, d’une ratification de la Charte européenne, alors que celle-ci soulève les sérieuses difficultés d’ordre juridique et constitutionnel qui viennent d’être exposées.
Je voterai la motion tendant à opposer la question préalable au présent texte et j’espère que les partisans de son adoption, prompts à défendre les langues régionales à la veille d’élections concernant les régions, mettront prochainement la même ferveur à voter nos propositions, qui constituent selon moi un moyen plus sûr pour préserver nos traditions.