Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est à vous qu’il revient de choisir de réviser ou non notre loi fondamentale selon les règles de la Constitution §c’est-à-dire à la majorité des trois cinquièmes !
Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, le constituant a le droit de considérer que certaines nécessités surviennent en raison d’évolutions auxquelles il consent. Dès lors qu’il y consent, il peut donc modifier la loi fondamentale.
Reste la question – et je peux l’entendre – de savoir si le constituant fragiliserait certains principes fondamentaux de la Constitution en adoptant ce texte. Autant la souveraineté du pouvoir constituant est incontestable – il dispose du droit de modifier la loi fondamentale –, autant il n’est pas question de mettre en péril les principes fondamentaux de la Constitution.
Qu’en est-il vraiment ? Il a été fait référence à plusieurs reprises au Conseil constitutionnel qui aurait alerté sur le risque pesant sur les principes essentiels auxquels nous sommes tous profondément attachés, à savoir l’indivisibilité de la République, l’unicité du peuple français et l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
Je vais vous donner lecture d’un passage de la décision dans laquelle le Conseil constitutionnel évoque ces principes, car vous savez parfaitement, monsieur le président de la commission des lois, qu’il existe, certes, les analyses des constitutionnalistes – nous leur sommes du reste reconnaissants d’accepter de se pencher sur nos interrogations et de nous éclairer –, mais qu’il ne faut pas mettre sur le même plan ces analyses et les avis rendus par les institutions que sont le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel.
Plutôt que de faire l’exégèse sans référence précise de la décision du Conseil constitutionnel relative à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, en voici l’un des considérants : « Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, en ce qu'elle confère des droits spécifiques à des “groupes” de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l'intérieur de “territoires” dans lesquels ces langues sont pratiquées, porte atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français ; »
Tout cela est cohérent, sauf que ces droits spécifiques n’existent pas ! §Certes, s’ils existaient, nous risquerions incontestablement de mettre en péril l’indivisibilité de la République. Cependant, le rapport explicatif de la Charte – indépendamment des analyses des constitutionnalistes, en particulier de celles de très grande qualité émises par feu Guy Carcassonne, qui me semblent avoir été entendues ici avec la plus grande considération – précise lui-même que « la Charte vise à protéger et à promouvoir les langues régionales ou minoritaires, non les minorités linguistiques », que « pour cette raison, l’accent est mis sur la dimension culturelle et l’emploi d’une langue régionale ou minoritaire dans tous les aspects de la vie de ses locuteurs » et, enfin, que « la Charte ne crée pas de droits individuels ou collectifs pour les locuteurs de langues régionales ou minoritaires ».