Un mot encore sur notre coopération culturelle avec l'Iran, qui s'avère aujourd'hui modeste.
Il n'y a pas d'Institut français à Téhéran ; les autorités iraniennes ne l'ont pas permis. On ne trouve dans la ville qu'un « Centre de langue française ». L'activité de cet établissement est réelle, mais elle a été mise en sommeil, à la fin de l'année 2011, faute d'autorisation des autorités iraniennes ; le Centre n'a pu reprendre ses cours de langue qu'en juillet 2013. Cette activité pourrait connaître un vif essor, car la demande est croissante, mais cela supposerait l'aménagement de nouveaux locaux. Or, si l'implantation immobilière de l'établissement rend l'opération possible, celle-ci requiert des financements nouveaux. Par ailleurs, l'Institut français de recherche en Iran (IFRI), dont la mission est de promouvoir la recherche sur le « monde iranien », fonctionne au ralenti, ce qui est préjudiciable à notre faculté d'appréhension du pays.
En France, l'accueil d'étudiants iraniens est limité : ils sont au nombre de 1 800, bon an, mal an, actuellement. Un partenariat scientifique franco-iranien, de type « Hubert Curien », semble donner de bons résultats. Toutefois, les études iraniennes en France sont de moins en moins nombreuses, malgré l'activité de spécialistes de renom et d'une jeune génération talentueuse de chercheurs.
Nos capacités d'analyse de la société iranienne doivent dont être restaurées. D'une manière générale, je pense que notre politique d'influence envers l'Iran - et, à partir de l'Iran, dans la région - passe par la relance des différents pôles de notre coopération culturelle. Cette dimension est en effet partie intégrante de la vision que la France doit désormais construire de sa relation avec cette puissance régionale majeure, que notre groupe de travail appelle de ses voeux à la densité.
Il s'agit, non seulement d'offrir de nouveaux appuis au développement de nos entreprises, mais aussi de relayer nos positions au Proche et Moyen-Orient, au bénéfice en particulier de la résolution des crises, et d'y préserver nos intérêts en rééquilibrant nos alliances actuelles. En effet, la France n'a pas à prendre parti entre le monde sunnite et le monde chiite. Félicitons-nous de la qualité actuelle de la coopération politique et militaire française avec l'Égypte, l'Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, mais ne négligeons pas les leviers majeurs d'influence, dans la région, de la relation franco-iranienne, qui s'inscrit dans une longue histoire.
Il s'agit encore de favoriser la diffusion de notre culture et de nos valeurs. Car coopérer en faveur de la gestion des crises ou du redémarrage des investissements sur place n'implique en rien d'acquiescer aux principes défendus par la République islamique, ni de se rallier à sa vision du monde. Au contraire, l'enjeu pour la France est de faire rayonner ses valeurs, en poursuivant avec le régime de Téhéran un échange, le cas échéant, critique - que ce soit en matière de diplomatie ou sur les droits de l'Homme.
Les Présidents Hollande et Rohani sont tombés d'accord sur l'élaboration d'une « feuille de route » commune. Ce document devrait à nos yeux comporter un certain nombre de projets précis. Au plan politique, la lutte contre le terrorisme et la coopération en faveur du règlement des crises régionales doivent guider les termes de ce partenariat. C'est la mobilisation des savoir-faire et de l'excellence de notre pays qui doit permettre de déterminer les autres volets.
Pour ce qui concerne la coopération économique, la France pourrait apporter son soutien d'expertise à la restauration des circuits de financement bancaires des investissements en Iran et de l'Iran, un appui de conseil à l'amélioration par le pays de son environnement des affaires (droit, fiscalité, lutte contre la corruption), et l'accompagnement technique de la candidature iranienne, si elle se confirme, à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Des jumelages entre chambres de commerce et d'industrie iraniennes et françaises pourraient également figurer de façon opportune dans cette collaboration, ainsi qu'un projet de coopération entre les services français et iraniens chargés du développement touristique.
Pour ce qui concerne la coopération culturelle, il conviendrait d'assurer le soutien de l'Iran au ré-essor de nos établissements culturels à Téhéran, dont j'ai indiqué la situation actuelle. Il s'agirait de faciliter, notamment, la reprise des missions de chercheurs français, et de relancer les fouilles archéologiques menées en commun dans le pays - les fouilles archéologiques ont toujours constitué un excellent vecteur diplomatique ! L'extension des capacités d'accueil de l'école française devrait également figurer dans ce programme, dans la mesure où le redémarrage économique devrait donner lieu au retour, en Iran, d'une expatriation professionnelle française. La France, de son côté, devrait s'engager à augmenter le nombre d'étudiants iraniens qu'elle accueille. Eu égard au potentiel des grands musées français, à commencer par le Louvre, et des musées iraniens - ceux de Téhéran, d'Ispahan, de Chiraz, etc. -, une coopération spécifique pourrait être mise en oeuvre avec profit, au moyen de prêts d'oeuvres et d'expositions croisées.
En résumé, la France doit saisir l'opportunité que représente le nouveau contexte créé par l'accord de Vienne - elle y a contribué -, pour reprendre pied en Iran, parler avec les Iraniens, être aux côtés de la société civile sans se rallier au régime, et rétablir ainsi une relation dont l'histoire est au moins tricentenaire. Les projets que nous proposons seront autant de leviers de notre influence. Notre pays paraît en effet avoir un rôle à jouer, auquel il doit se préparer, dans l'accompagnement des mouvements plus ou moins lents qui se trouvent aujourd'hui en gestation en Iran - ouverture de l'économie, essor d'une société plus libre ; notre groupe de travail tient d'ailleurs à marquer sa confiance dans ces évolutions.