Intervention de Yves Détraigne

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 28 octobre 2015 à 9h05
Application des mesures relatives à la justice du xxième siècle — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur :

Ce projet de loi est présenté en procédure accélérée. Les travaux que j'ai menés se sont appuyés sur les réflexions de ces dernières années au sein de notre commission, avec le rapport de Mme Tasca et de M. Mercier sur la justice aux affaires familiales et celui que j'avais rédigé avec Mme Klès sur la justice de première instance.

Ce texte se tient en deçà des propositions les plus marquantes de ces rapports : il ne propose pas la création du greffier juridictionnel qui aurait pu prendre certaines décisions de justice, ni la création d'un tribunal de première instance qui se serait substitué à toutes les autres juridictions de première instance. Les moyens nécessaires à cette grande réforme ne sont pas encore réunis, notamment la chaîne civile informatique Portalis qui est loin d'être au point.

Premier axe, ce texte facilite l'accès du justiciable à la justice en créant le service d'accès unique du justiciable (SAUJ) qui amorce le futur guichet unique du greffe, évoqué lors des entretiens de l'Unesco. Il privilégie les modes alternatifs de traitement des litiges, grâce à des conciliations avant la saisine du juge de proximité ou du juge d'instance pour les litiges qui ne dépassent pas 4 000 euros. Il propose d'étendre au contentieux administratif national le régime de la médiation et il permet aux avocats d'organiser la mise en état d'une affaire dans le cadre d'une convention de procédure participative.

En deuxième lieu, ce projet amorce une simplification de l'organisation judiciaire et des procédures juridictionnelles. Il crée un pôle social au tribunal de grande instance qui regrouperait les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux de contentieux de l'incapacité (TCI), il intègre le tribunal de police au TGI plutôt qu'au tribunal d'instance, il recentre les juridictions sur leurs missions premières en les déchargeant d'autres tâches, d'où le transfert des enregistrements des Pacs aux mairies, qui serait compensé par la fin de l'obligation de tenir le registre d'état civil en double. L'article 15 prévoit de contraventionnaliser certains délits routiers commis pour la première fois, mais le Gouvernement déposera un amendement pour supprimer cette mesure.

Le troisième axe crée un socle procédural commun pour toutes les actions de groupe et les étend à la lutte contre les discriminations. Il ne modifie toutefois pas le régime des actions de groupe telles qu'elles existent aujourd'hui dans le domaine de la consommation et de la santé.

Ce nouveau dispositif restreint la réparation des dommages à ceux qui sont dus à un manquement intervenant après l'entrée en vigueur de la loi.

Le quatrième volet du texte accroît les exigences déontologiques auxquelles sont soumis les juges consulaires, renforce leur formation et crée une protection fonctionnelle. D'autres évolutions statutaires sont prévues pour les administrateurs et les mandataires judiciaires.

Je vous proposerai d'aller plus loin dans le rapprochement des juridictions de première instance, en instaurant la mutualisation des effectifs des greffes. Je vous proposerai également de renforcer la déjudiciarisation de certaines procédures, en autorisant les notaires à recevoir concurremment avec les greffes les renonciations à succession et les déclarations d'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession. Je vous proposerai de simplifier le socle commun de l'action de groupe pour lui apporter plus de garanties, en supprimant la compétence donnée au ministère public pour engager une action de groupe, ainsi que l'interdiction de saisine, par la victime, du juge pénal pour les mêmes faits que ceux qui donnent lieu, par ailleurs, à une action de groupe, et la négociation imposée sous peine d'amende dans le cadre de la procédure collective de réparation d'un préjudice.

Je vous proposerai de lever les restrictions apportées à l'action de groupe en matière de discrimination, et de reconnaître la qualité à agir à d'autres associations que celles qui sont spécialisées dans ce domaine ; d'étendre le périmètre des discriminations susceptibles d'être combattues par cette procédure ; de supprimer la disposition qui interdirait la réparation des préjudices moraux résultant de la discrimination. Lorsque la discrimination concerne l'emploi, je vous proposerai de remplacer l'indemnisation collective par voie d'action de groupe par une réparation individuelle des préjudices et de créer une action en reconnaissance de droit en matière administrative pour accélérer le traitement de certains contentieux sériels.

En matière de juridiction sociale, il est préférable de procéder par étapes, avec d'abord la fusion des TASS et des TCI en y rattachant les commissions départementales d'aide sociale, sans les intégrer au TGI. On créerait ainsi une juridiction sociale unifiée et échevinée qui serait présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire. Je vous proposerai enfin de relever les exigences déontologiques pesant sur les juges consulaires.

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