Intervention de Louis Schweitzer

Commission des affaires économiques — Réunion du 28 octobre 2015 à 9h30
Contenu des différentes actions du programme d'investissements d'avenir et leur avancement — Audition de M. Louis Schweitzer commissaire général à l'investissement

Louis Schweitzer, Commissaire général à l'investissement :

Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de m'accueillir devant votre commission. Quelquefois, on a pu entendre que les PIA n'étaient pas assez soumis au contrôle parlementaire, et je pense qu'il est très important que le Parlement soit pleinement informé de notre activité. Celle-ci fait d'ailleurs l'objet d'un jaune budgétaire, document très complet, à la lecture quelque peu austère, qui est joint au projet de loi de finances.

Monsieur le Président, vous avez bien voulu m'adresser un grand nombre de questions. Je ne sais si je parviendrai à répondre à toutes dans mon exposé introductif, compte tenu de leur richesse.

Je formulerai une remarque liminaire. Je suis le troisième commissaire général à l'investissement, et je m'inscris à ce titre dans la continuité de mes prédécesseurs, MM. René Ricol et Louis Gallois. Le premier PIA a été mis en place à l'initiative de M. Nicolas Sarkozy par une commission co-présidée par deux anciens Premiers ministres, MM. Alain Juppé et Michel Rocard. Ceux-ci continuent d'ailleurs de présider le comité de surveillance qui suit activement la mise en oeuvre de nos projets et la réflexion sur le troisième programme, qui est l'un des sujets que vous avez évoqué.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? 47 milliards d'euros de crédits ont été ouverts sous différentes formes. Ce sont tous des crédits budgétaires, mais de nature différente. Ainsi, les avances remboursables, qui représentent 40 % de cette enveloppe, pèsent sur le déficit pris en compte par nos engagements maastrichtiens. 40 % des crédits sont par ailleurs constitués de dotations non consommables, qui disposent d'un statut un peu particulier puisqu'on les attribue mais on ne les verse pas : on alloue à l'attributaire l'intérêt au taux des obligations à dix ans du Trésor du capital mobilisé. Par exemple, si une université se voit attribuer un milliard d'euros, nous verserons, pour le premier PIA, 34 millions d'euros par an, et pour le second, 25 millions d'euros par an. Ainsi, le poids sur le budget n'est pas proportionné à l'importance du capital mobilisé. Enfin, notre programme comprend 20% de fonds propres et de prêts qui ne pèsent pas, quant à eux, sur le déficit maastrichtien. En effet, puisque ces fonds propres sont investis à la manière d'un investisseur avisé, ils ne sont pas considérés par la comptabilité nationale ni par les autorités européennes comme des dépenses budgétaires. De même pour les prêts qui sont consentis dans des conditions normales.

Sur ces 47 milliards d'euros, nous en avons engagé, au 30 septembre 2015, 35,8. La contractualisation désigne l'étape suivante, après la décision du Premier ministre d'affecter une somme à un projet ; elle consiste en la signature d'un accord destiné à sa mise oeuvre en rassemblant ses acteurs. C'est à ce moment-là que sont précisés les cofinancements nécessaires. Ils doivent respecter un ordre de grandeur de un pour un, et représentent 29,7 milliards d'euros. Nous n'avons en revanche décaissé - et ce décaissement pèse sur les déficits de l'État au sens communautaire - que 12,6 milliards d'euros car, d'une part, nous assurons en avancement le financement des projets et, d'autre part, de tels décaissements sont très lents et limités dans le temps. Notre programme assure ainsi le financement de quelque 2 500 projets. Après une année 2013 qui a été un peu creuse, nous retrouvons un rythme de l'ordre de 500 projets par an.

Sur le fond, j'ai parlé de la répartition de la nature des crédits. Retenez qu'en pourcentage, sur cette enveloppe engagée de près de 36 milliards d'euros, 52 % va à l'enseignement supérieur, à la valorisation de la recherche et à la formation, 20 % à l'innovation, 15 % au développement durable et 12 % au numérique. Le total de ces pourcentages n'est pas tout à fait égal à 100, puisque la part occupée par l'enseignement supérieur et la valorisation représente quelque 52 % des crédits, mais les ordres de grandeur demeurent.

Nos critères d'intervention sont au nombre de trois. L'excellence arrive au premier plan. Nous ne finançons que les projets pouvant constituer des pôles d'excellence comme dans les universités et dans les laboratoires de recherche. Les projets sont ainsi choisis par un jury international ou sur la base d'avis d'experts extérieurs. Leur sélection n'est nullement opérée par un choix arbitraire de l'administration, pas plus d'ailleurs que de l'excellente équipe qui m'entoure. Je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir rendu hommage à celle-ci, composée de trente-cinq personnes très diverses, chargées de mettre en oeuvre les programmes. L'innovation est notre second critère. Nous octroyons les crédits à ce qui est innovant, comme la création d'entreprises nouvelles ou de start-ups, ou la mise en valeur des innovations universitaires. Cette démarche est essentielle, car la compétitivité de la France dans le monde dépend de notre capacité d'innovation.

La coopération est enfin notre troisième élément. Notre mission consiste à faire travailler ensemble, sur des projets communs, des acteurs qui ne le font pas naturellement. Prenons un exemple. On dit beaucoup, et c'est vrai, qu'en France, la coopération entre l'université, la recherche publique, l'industrie et la recherche privée est moins forte qu'en Allemagne. Les organismes que nous mettons en place, à l'instar des instituts de recherche technologique (IRT), associent des structures pour moitié issues de la recherche privée et pour moitié de la recherche publique. Dans l'industrie, nous privilégions ainsi le concept de filières entre les grandes entreprises et les petites et moyennes (PME). J'étais hier à Saint-Nazaire pour soutenir une opération très innovante visant à réduire la consommation énergétique des grands paquebots de croisière qui y sont construits. Ce projet associait à STX, grande entreprise, trois PME qui apportaient leur concours et requéraient notre financement.

Je voudrais souligner qu'il existe des marges de progrès. La première difficulté que nous rencontrons réside dans la lenteur et la complexité de notre processus. De telles difficultés fragilisent les PME ; aussi nous nous efforçons d'accélérer et de simplifier nos procédures. Une telle démarche s'inscrit dans la continuité de mes deux prédécesseurs. Aussi avons-nous divisé le délai entre le dépôt d'un projet et sa contractualisation par plus de trois depuis 2011. Une telle réduction est sensible. En outre, nous avons lancé des projets spéciaux pour les petites entreprises, comme le concours mondial de l'innovation et l'initiative PME. Les dossiers de candidature à ces processus de sélection ne doivent pas dépasser cinq pages. Nous sommes certes sujet à critique dans certains domaines et la Cour des comptes, dans le rapport qu'elle est en train d'élaborer, ne manque pas de le faire. En effet, subsistent dans les PIA des actions qui auraient pu être financées par les missions du budget de l'État, à l'instar du soutien d'Airbus par des avances remboursables, qui se trouvent en dehors de la logique des investissements d'avenir. La Cour des comptes dénonce l'inscription de ces actions dans notre budget ordinaire, mais il faut noter que le montant de ces dérives, pour significatif qu'il soit, ne représente qu'environ 10 % des 47 milliards d'euros des deux PIA.

Si nous continuons d'avancer au même rythme dans cette voie, nos programmes de consommation prévisionnelle des crédits indiquent que la quasi-totalité des crédits des deux programmes sera engagée à la mi-2017. Ceci m'a conduit à proposer au Gouvernement un troisième PIA, étant entendu qu'il doit faire l'objet d'un vote en loi de finances initiale ou rectificative. Le Président de la République a repris cette proposition en annonçant qu'en 2016, serait présentée au Parlement une loi de finances relative à un troisième programme de ce type, d'un montant de 10 milliards d'euros. Nous proposions d'ailleurs ce même montant.

Nous nous attachons à évaluer tout ce que nous faisons. Cette évaluation ne sera complète qu'après 2025 puisque, par exemple, le développement de la recherche universitaire française se fait au long cours, tout comme la traduction de certaines innovations dans des entreprises de grande taille. Cependant, on ne pouvait s'assurer de la nécessité d'engager un troisième programme sans avoir conduit un examen intérimaire de l'état d'exécution des deux premiers. Choisir les experts habilités pour ce faire ne nous incombait pas. Aussi avons-nous demandé à France stratégie de désigner une commission de six à sept experts présidée par une personnalité, M. Philippe Maystadt, qui a été ministre en Belgique et président de la Banque européenne d'investissement (BEI). Cette commission a d'ailleurs débuté son examen des PIA 1 et 2 avec beaucoup de rigueur et de sérieux, et devrait rendre ses conclusions en mars prochain, avant que ne débute l'examen du troisième PIA.

Pourquoi un nouveau programme de ce type ? Pour une raison simple : il nous paraît que le besoin qui avait initialement justifié sa première version, c'est-à-dire la préservation de l'investissement et des dépenses d'avenir en période de crise économique, dans une situation qu'on pensait alors temporaire, n'a pas fondamentalement changé. Dans les périodes où les déficits publics s'accroissent, on a ainsi tendance à privilégier le présent au détriment de l'investissement futur. Un tel contexte justifiait qu'on continuât d'assurer le potentiel de croissance à venir de la France. Soutenir une entreprise en difficulté permet, sur le moment, de sauver un nombre donné d'emplois. Soutenir la création d'entreprise, comme le fait l'association Initiative France, que j'ai l'honneur de présider, est d'une autre ampleur : cela a facilité la création de 44 000 emplois durant l'année 2014. Quand on innove pour l'avenir, on soutient les emplois de demain davantage que ceux d'aujourd'hui ! Lorsqu'il s'agit d'emplois de chercheurs, ceux-ci sont onéreux et leur effet économique n'est pas visible immédiatement.

L'effet de retour sur emploi de nos programmes demeure ainsi une question ouverte. Je ne pense pas toutefois qu'il s'agisse de l'objet central du PIA. En effet, celui-ci concerne avant tout le potentiel de croissance future.

Ce nouveau programme sera en continuité avec les deux précédents, mais avec quelques inflexions. Je vais à présent exposer nos propositions, qui viennent corroborer la récente annonce faite par le Président de la République d'un projet soumis au Parlement en 2016. Je vous mets en garde à cet égard, car ce ne sont là que des propositions émises par le CGI !

Le nouveau PIA que nous proposons présente à la fois des éléments de continuité et d'inflexion avec les précédents. Nous avions créé, avec le PIA1 et le PIA 2, un certain nombre d'institutions et d'organismes, comme les instituts d'excellence (IDEX), les initiatives «Science - Innovation -Territoires - Économie » (I-SITE), qui sont des universités d'excellence à champ réduit, les instituts de recherche technologique (IRT), ainsi que les instituts pour la transition énergétique (ITE). Nous ne proposons pas d'en accroître le nombre dans le PIA 3, car nous considérons que leurs domaines ont été assez largement couverts. Il faut à présent rendre plus lisible ce paysage.

Nous avons également créé des sociétés d'accélération du transfert technologique (SATT) et une région, la Haute et la Basse-Normandie, qui n'est actuellement pas couverte, souhaite en disposer.

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