Intervention de Bernadette Laclais

Commission mixte paritaire — Réunion du 27 octobre 2015 à 9h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la santé

Bernadette Laclais, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

Madame la présidente, monsieur le président, madame la rapporteure pour le Sénat, mes chers collègues.

Très attendu, le projet de loi relatif à la modernisation de notre système de santé a pour ambition de définir les contours de la politique de santé pour les années à venir. La réduction des inégalités sociales et territoriales de santé en matière d'accès à la prévention et aux soins, comme l'adéquation aux besoins des patients, en constitue l'épine dorsale. Il reprend les trois axes prioritaires définis dans le rapport remis par M. Alain Cordier au nom du Comité des « sages » en juin 2013 : la prévention, la révolution du premier recours et le renforcement des droits des patients.

Sur les 262 articles composant le texte en navette - à comparer aux 58 articles du projet de loi initialement déposé - 182 restent encore en discussion. Un tiers d'entre eux correspond à des articles additionnels adoptés par le Sénat et qui n'ont donc pas été examinés par l'Assemblée nationale. Surtout, plusieurs des articles en discussion ont été supprimés voire profondément remaniés. La modification de ces articles clés constitue, à notre sens, un empêchement dirimant à la formulation d'un compromis.

Sur trois articles décisifs, le Sénat a choisi de s'écarter de la voie tracée par l'Assemblée nationale.

Je pense tout d'abord à l'article 5 decies relatif à la suppression du paquet neutre. Cette mesure figure parmi les mesures phares annoncées au titre du programme national de réduction du tabagisme. Elle est à nos yeux une disposition incontournable dans ce projet de loi santé.

Je regrette par ailleurs que le Sénat ne se soit pas inscrit dans la volonté d'une majorité des députés de favoriser l'égalité d'accès aux soins en approuvant l'article 18 relatif à la généralisation du tiers payant en ville. Cette mesure permet tout de même de lever une contrainte de trésorerie pour les patients et de faire régresser les situations de renoncement aux soins utiles ! Elle présente par ailleurs pour les médecins des garanties fortes sur les modalités d'application, de simplicité d'exécution et de paiement dans des délais réduits.

Sur l'hôpital, le Sénat a préféré rétablir le texte issu de la loi HPST, avec la liste des 14 missions de service public non exhaustives, et en contradiction avec l'esprit du projet de loi. Aujourd'hui, 80 % des missions des activités de soins actuellement assumées par les établissements de santé, particulièrement les établissements publics, ne sont pas inclus dans le champ de l'actuel article L. 6112-1 du code de la santé publique. Pour cette raison, la rédaction de l'article 26, telle qu'issue du Sénat, ne nous paraît pas appropriée.

Pour d'autres articles, la rédaction adoptée par le Sénat remet en question des équilibres qui nous apparaissent mériter d'être confortés.

Le Gouvernement avait profondément remanié l'organisation territoriale de la santé en centrant le projet sur la coordination à l'initiative des acteurs libéraux d'une part et en transcrivant les orientations du Pacte Territoire Santé d'autre part. Le Sénat a revu le dispositif des communautés professionnelles territoriales de santé et a introduit un article sur le conventionnement sélectif. L'intention de notre majorité était plutôt cohérente en ce qu'elle impliquait des mécanismes incitatifs et laissait le soin aux acteurs s'organiser librement. Il nous semble donc que la rédaction des articles 12 bis et 12 quater A ne va pas de soi.

La suppression des structures locales de concertation, telles que les conseils territoriaux de santé prévus par l'article 38, nous semble vraiment regrettable et aller à l'encontre de la nécessaire concertation que les professionnels appellent de leurs voeux. La commission des affaires sociales avait travaillé à renforcer cet organisme et à le rendre opérationnel.

Je pense également à l'article 47 relatif à l'ouverture des données de santé. Les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat partagent un objectif identique d'équilibre entre l'ouverture des données et la protection de la vie privée. Néanmoins, cet équilibre a été fragilisé par l'adoption de dispositions vidant l'open data de son contenu ou créant de nouvelles rigidités, par exemple en substituant au régime de déclaration préalable en cas d'urgence sanitaire pour accéder aux données du SNDS un régime d'autorisation.

En conclusion, mes chers collègues, nous sommes face à un texte qui, bien que considérablement enrichi par le travail parlementaire, demeure litigieux sur nombre de sujets.

C'est pourquoi je vous invite à constater dès à présent que notre commission est dans l'incapacité d'aboutir à une rédaction commune.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion