Intervention de Jean-Louis Touraine

Commission mixte paritaire — Réunion du 27 octobre 2015 à 9h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la santé

Jean-Louis Touraine, député :

Madame la présidente, mes chers collègues, j'adhère aux améliorations apportées dans le texte et la confirmation de certaines dispositions, telles les salles de consommation à moindre risque. J'entends également les divergences de points de vue, à la fois entre sénateurs et entre députés. Je souhaite néanmoins rappeler plusieurs éléments sur lesquels nous pourrions nous accorder. Le taux de non recours aux soins pour des raisons financières demeure élevé dans notre pays. L'inégalité d'accès aux soins n'est donc pas uniquement territoriale aujourd'hui : elle demeure encore également financière. Bien que des mesures adoptées ces dernières années aient permis de réduire le taux de refus de 20 à 15 %, près d'un citoyen sur six refuse donc aujourd'hui encore des soins essentiels et ne consulte qu'à un stade avancé de la maladie. Le reste à charge, également, bien qu'il ait progressivement diminué, demeure encore trop important pour certains de nos concitoyens. Le cumul du reste à charge et de l'avance des frais constitue dès lors un obstacle à l'accès à la santé. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si tous les pays européens qui nous entourent ont déjà avancé sur cette question du tiers payant. Il serait dès lors difficile de considérer que la France, qui a été pionnière dans le domaine de la solidarité sociale, soit le dernier de tous les pays européens à adopter une mesure que les autres professionnels de santé, notamment les pharmaciens, ont déjà adoptée.

S'agissant de l'hôpital public et des établissements privés, nous nous accordons tous sur la nécessité de procéder à une clarification des missions de chacun et des conditions de leur exercice. Rappeler dans la loi les missions de l'hôpital public ne revient ni à injurier ni à menacer l'hospitalisation privée.

J'appelle ceux qui craignent l'étatisation de notre système de santé à le comparer avec celui de nos voisins, espagnols par exemple.

S'agissant du tiers-payant généralisé, je pense que nous pourrions tous convenir de son utilité sur le fond. Mais ses modalités doivent encore être travaillées, et des concertations seront nécessaires dans les prochaines années.

S'agissant de la prévention, si nous semblons tous d'accord sur la nécessité de poursuivre les efforts, il faut saisir les opportunités lorsqu'elles se présentent, en matière de lutte contre le tabagisme notamment ! La France détient le triste record du nombre de femmes enceintes qui fument. Emboîtons sans traîner le pas des pays qui ont instauré le paquet neutre ou s'apprêtent à le faire, en Australie ou en Europe, notamment en Irlande. Je partage bien sûr l'idée qu'il faut accompagner les buralistes dans ce contexte, afin qu'ils développent d'autres activités. Car, disons-le clairement, l'objectif à long terme assigné par l'Organisation mondiale de la santé, c'est bien la disparition de la vente de tabac.

S'agissant du prélèvement d'organes, nous devons prendre garde à ne pas prêter une oreille trop attentive au lobby de quelques sous-spécialités qui représentent au plus quelques douzaines de personnes. Ce sont environ 600 patients sur liste d'attente qui décèdent chaque année faute d'organes disponibles, et 600 autres qui ne sont plus opérables du fait de la dégradation de leur état de santé, dans l'attente d'un organe. Nous pouvons certes discuter des modalités permettant de faciliter le consentement au don, mais nous devons avancer vers cet objectif. Il est humiliant que la France, autrefois pionnière en la matière, soit désormais derrière la Belgique ou l'Espagne. Je rappelle que contrairement à ce qui se pratique en Grande-Bretagne ou en Israël, les personnes qui manifesteraient expressément leur refus de donner leurs organes ne seraient aucunement sanctionnées. Ce que nous souhaitons, c'est qu'à compter du 1er janvier 2017, tous les Français qui le souhaitent aient pu signaler leur refus de donner leurs organes au moment de leur décès. L'avis de la personne concernée compte à mes yeux bien plus que l'avis de sa famille, car il suffit qu'un seul membre du cercle des proches - même s'il n'est en réalité pas un proche - émette un avis négatif pour que le don soit empêché. Le taux de refus est actuellement de 40 % environ ; s'il diminuait de moitié, la pénurie d'organes disparaîtrait.

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