Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 30 septembre 2015 à 14h30
Modernisation de notre système de santé — Article 43 bis

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Madame la ministre, mes paroles vont sans doute sonner plus agréablement à vos oreilles que celles que j’ai prononcées hier.

Plusieurs articles de ce titre IV comportent de réelles avancées en matière de transparence, il convient de le dire. Mais, avant de les évoquer, je voudrais répondre aux propos de notre collègue Barbier hier après-midi. Je n’ai pu le faire sur-le-champ, parce que mon temps de parole était épuisé, mais il n’est pas question de laisser ses propos sans réponse.

Gilbert Barbier me reproche, pas moins, d’injurier les chercheurs français et d’insulter la recherche médicale française. Je vais donc préciser ma pensée, directement en lien avec le débat sur l’article 43 bis.

J’ai le plus grand respect pour la recherche française et pour les chercheurs français. Les vrais : ceux qui ne roulent en général pas sur l’or, travaillent sans faire de bruit dans leur laboratoire et font avancer la science. Ce n’est pas eux que j’ai pris à partie, et je regrette que notre collègue ait suggéré que je les aurais confondus avec les quelques chefs de service dont j’ai parlé : ceux qui signent quinze, vingt ou trente contrats par an avec l’industrie pharmaceutique.

Quand on sait qu’un essai clinique dure au minimum de six mois à un an, il n’est pas difficile de comprendre que ceux-là apposent leur signature sur des essais dont ils n’ont pas vu le commencement de l’ombre d’un patient. Ce sont eux que j’ai qualifiés de baudets à contrats et à conflits d’intérêts. Je maintiens très sereinement mes propos.

Ce sont les mêmes qui trustent les places dans les commissions, agences et hautes autorités, avec leur titre d’experts. À cet égard, je tiens à démonter l’argument souvent entendu, ici comme ailleurs, et que Gilbert Barbier a repris hier, un argument qui me met en colère : on ne pourrait se passer de ces experts, car c’est précisément parce qu’ils travaillent avec l’industrie pharmaceutique qu’ils seraient compétents en matière de médicaments.

À la vérité, deux mondes existent qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre : celui de la recherche fondamentale, qui découvre les molécules, et celui des essais cliniques, qui se borne à recevoir les produits des laboratoires et à les tester sur des patients. Ce travail-là, n’importe quel chef de service de n’importe quel hôpital peut le réaliser, et l’on fait injure à tous ces médecins en soutenant que des experts sans conflit d’intérêts seraient des experts sans intérêt.

C’est, bien entendu, le contraire qui est vrai : 90 % des chefs de service refusent de cosigner des essais qu’ils n’ont pas conduits ; ils signent seulement ceux qu’ils peuvent matériellement conduire, c’est-à-dire un ou deux par an, parfois aucun. Naturellement, ils sont dix fois moins cités dans la littérature que ceux qui en signent, de façon anormale, trente par an. Voilà comment l’industrie fabrique des « experts » !

Il est dramatique que les commissions, aveuglées par ce tour de passe-passe, recrutent en priorité ces prétendus experts, dont la notoriété est le fruit de conflits d’intérêts. Aussi bien, contrairement à ce qu’on répète, il n’y aurait aucune difficulté à trouver des experts qui n’ont pas de conflit d’intérêts : il suffirait de s’adresser aux centaines de chefs de service hospitalo-universitaire qui n’en ont pas, ou peu, et qui sont évidemment tout aussi experts que ceux qui en sont bardés.

Si toutes les agences et commissions faisaient le contraire de ce qu’elles font aujourd’hui et ne recrutaient plus aucun expert qui signe plus de deux contrats par an avec l’industrie, la santé publique française et le déficit de la sécurité sociale s’en porteraient beaucoup mieux !

Je remercie Gilbert Barbier de m’avoir donné l’occasion de préciser ma pensée.

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