Je souhaiterais évoquer devant vous à la fois l'aide au développement et la lutte contre le changement climatique. Les orientations politiques et budgétaires sur ce sujet revêtent une importance particulière à un mois de l'accueil par la France de la 21ème Conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre prochain. Cette échéance mobilise les équipes du ministère des affaires étrangères et de la direction générale du Trésor.
D'importantes annonces ont été faites qui réaffirment notre implication en matière de développement et de lutte contre les dérèglements climatiques, car nous considérons que les deux sujets sont intimement liés.
Le Président de la République a annoncé, lors du Sommet de l'ONU fin septembre, que nous allons augmenter progressivement de 4 milliards d'euros les financements pour le développement durable à horizon 2020. Au sein de ces 4 milliards, 2 milliards seront consacrés à la lutte contre le changement climatique. En 2020, la France consacrera ainsi plus de 5 milliards d'euros par an à la lutte contre le changement climatique.
Il y a quelques jours, le 9 octobre, s'est tenue à Lima la réunion ministérielle sur la finance climat, qui a réuni plusieurs dizaines de ministres des finances et pour laquelle la direction générale du Trésor a été particulièrement mobilisée. Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur ce point très important.
Depuis l'inscription, dans l'accord de Copenhague, de l'objectif de 100 milliards de dollars de flux publics et privés à partir de 2020 en faveur de la lutte contre le changement climatique, il était impératif de crédibiliser l'engagement financier des pays développés. En effet, on ne savait pas très bien jusqu'alors en quoi consistaient ces 100 milliards.
Conjointement avec son collègue péruvien, le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, a demandé à l'OCDE et à l'organisme CPI (Climate Policy Initiative) de faire un état des lieux de la mobilisation par rapport à l'objectif de Copenhague. Il s'agit d'une question délicate : par exemple, il ne convient pas de prendre en compte les financements privés qui ne sont pas directement suscités par les initiatives publiques. Au total, nous en serions ainsi à 52 milliards en 2013 et à 62 milliards en 2014 sur 100 milliards de dollars. Nous avons maintenant une méthodologie qui peut être discutée mais qui est entièrement transparente.
Le premier acquis de Lima est ainsi d'avoir reçu et analysé le rapport de l'OCDE qui semble faire l'objet d'un relatif consensus. La réunion a aussi permis de faire le point sur les annonces des pays et des banques multilatérales de développement. S'agissant de ces banques, c'est environ une quinzaine de milliards de plus en faveur du climat à horizon 2020 qui ont été annoncés. C'est pour moi un exemple clair d'une articulation efficace des efforts bilatéraux et multilatéraux. Ne nous leurrons pas : ces banques ont naturellement à coeur d'agir contre le dérèglement climatique, mais c'est aussi plus prosaïquement le poids de la France et ses importantes contributions budgétaires, portées par le programme 110, qui ont permis de susciter une telle mobilisation.
Je reviens à notre annonce de 4 milliards d'euros de plus à horizon 2020 dont 2 milliards pour le climat. C'est une cible très ambitieuse qui a des conséquences concrètes, à très court terme, sur le budget 2016 que nous discutons ce jour. En effet, les 4 milliards d'euros de financements supplémentaires se feront sous la forme de prêts de l'Agence française de développement et de Proparco. En outre, le Gouvernement s'engage, je tiens particulièrement à le souligner, à augmenter de façon parallèle son soutien au développement sous la forme de subventions. L'augmentation de l'aide se fera donc non seulement sous forme de prêts mais aussi de subventions : le niveau des dons progressera dans les années à venir afin d'être en 2020 supérieur de 370 millions d'euros à ce qu'il est aujourd'hui. Ce chiffre permettra de préserver l'équilibre actuel entre les prêts et les dons.
Après avoir participé activement aux négociations et réunions internationales sur le développement de l'année 2015 - conférence d'Addis-Abeba en juillet et Sommet de l'ONU adoptant les nouveaux objectifs de développement durable en septembre dernier - la France prend ainsi pleinement en compte les besoins des pays en voie de développement.
Ainsi, des amendements proposés par le Gouvernement sont prévus pour rehausser les moyens en faveur du développement de 150 millions d'euros dans le cadre de la loi de finances par rapport au PLF 2016 initial. Ces moyens supplémentaires concerneront pour 50 millions d'euros des subventions pour répondre à la crise des réfugiés et pour soutenir les organismes internationaux en la matière, au premier rang desquels on trouve le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) et le Programme alimentaire mondial (PAM). Pour les autres 100 millions d'euros, cette hausse conséquente, en termes relatifs, sera consacrée à des dons en faveur des actions d'adaptation des pays les plus vulnérables au changement climatique.
Pour la suite des discussions, je souhaite vous indiquer plus concrètement le contenu de ces amendements.
Un amendement du Gouvernement a été déposé et adopté lors de la séance publique à l'Assemblée nationale le vendredi 16 octobre. Il permet de rehausser le montant de la taxe sur les transactions financières française actuelle (TTF) affectée au développement, pour porter le montant actuellement prévu de 160 millions d'euros à 260 millions d'euros. Cette hausse de 100 millions d'euros via la TTF, qui elle-même abonde le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), servira à financer les subventions en faveur de l'adaptation au changement climatique. On passe ainsi de 140 millions d'euros de TTF affectée au développement en 2015 à 260 millions d'euros en 2016, il y a donc une augmentation de 120 millions d'euros de l'affectation du produit de la TTF au développement.
Un autre amendement qui sera discuté prochainement permettra d'abonder de 50 millions d'euros supplémentaires le programme 209 pour contribuer à la réponse à l'importante crise migratoire liée notamment au conflit en Syrie.
Pour tenir compte des annonces du Président de la République en termes d'augmentation de l'activité de prêts de l'AFD, un amendement sera également nécessaire pour augmenter les moyens de l'Agence française de développement dès 2016 (bonification des prêts). Pour réaliser 500 millions d'euros d'engagements de plus dès 2016, première étape vers les 4 milliards d'euros supplémentaires en 2020, des autorisations d'engagement budgétaires supplémentaires seront nécessaires sur les programmes 110 et 853.
Le niveau total de la mission budgétaire « APD », des programmes 110 et 209 et du Fonds de solidarité pour le développement devrait donc s'élever, hors dépenses de personnel, à 2 945 millions d'euros pour 2016 et ainsi être stabilisé par rapport à l'année dernière. C'est, compte tenu de l'équation budgétaire que vous connaissez très bien, un effort considérable.
Je veux maintenant rappeler la décision de la France de participer, sous l'impulsion de Laurent Fabius, à la nouvelle Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (AIIB). La France est membre fondateur depuis le 2 avril dernier. Cette nouvelle banque sera essentielle pour soutenir le développement de l'Asie par le biais de projets d'infrastructures. Notre implication a notamment permis que le caractère durable du développement soit inscrit dans les statuts de la Banque. Le Royaume-Uni a également adhéré à cette banque, ainsi que l'Allemagne et l'Italie. Pour le moment, les États-Unis et le Japon n'ont pas adhéré.
Enfin, je tenais à vous fournir plus d'information sur un grand chantier lancé fin août sur impulsion du Président de la République : il s'agit de donner à l'Agence Française de développement (AFD), qui est notre opérateur phare en termes de développement, les moyens de mettre en oeuvre le plan ambitieux de hausse de nos financements pour le développement durable que nous prévoyons d'ici 2020.
Pour cela, le Président de la République a décidé de rapprocher l'AFD de la CDC. Cette réforme a pour but de faire bénéficier l'AFD de la puissance financière de la CDC et de lui donner un ancrage local et économique.
Un préfigurateur, le Secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, a été nommé : il travaille avec une task force à laquelle contribue la direction générale du Trésor et est chargé de proposer un schéma de rapprochement d'ici la fin de l'année. Des décisions seront prises en janvier pour une mise en oeuvre dès avril à l'occasion du bicentenaire de la CDC. C'est un gros travail auquel sont associés tous les « corps de métier » de l'administration : le social, le prudentiel (l'augmentation conséquente de l'activité de l'AFD d'ici 2020 nécessitera des apports de fonds propres additionnels), la gouvernance, etc. En termes de gouvernance notamment, un des points importants est de faire en sorte que l'Etat conserve son rôle de définition et de contrôle sur la politique de développement.
Sur le plan technique, plusieurs options existent : une filialisation de l'AFD, une entrée de l'AFD dans le groupe Caisse des dépôts, etc. Il convient d'étudier ces différents schémas techniques qui ont tous leurs avantages et leurs inconvénients. Nous sommes mobilisés sur ce travail avec l'AFD et les équipes du MAEDI et du Trésor.
Vous le voyez, l'année 2015 a été très riche du point de vue du développement : nouveau cadre de financement, nouveaux objectifs, nouveaux acteurs, et demain je l'espère, un accord ambitieux sur le climat. Nous nous efforçons de répondre à ces enjeux malgré le cadre budgétaire contraint.