Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 3 novembre 2015 à 15h00
Indépendance et impartialité des magistrats ; justice du xxie siècle — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, extrêmement attendus par l’ensemble de la profession judiciaire, les deux textes soumis à notre examen sont issus de plusieurs missions de réflexion et d’un grand débat national sur la justice, qui ont abouti à 268 recommandations à la garde des sceaux et à plus de 2 000 contributions.

Au regard de cette large concertation et de l’ambition initiale affichée, je pense, mes chers collègues, que nous pouvons nous accorder à dire que le résultat n’est pas à la hauteur de nos espérances. Si vous me permettez cette expression utilisée par d’autres : la montagne a accouché d’une souris. Justice du XXI e siècle : trop peu, trop tard ?, tel sera l’intitulé du prochain colloque de l’Union syndicale des magistrats !

Pourtant, il existe un droit fondamental à réformer, celui du citoyen à saisir le juge et à en obtenir un jugement. Ce droit doit être garanti par l’État, dépositaire d’une organisation satisfaisante du service public de la justice auquel nous sommes attachés. Or c’est là que le bât blesse.

Un récent rapport du Sénat rappelle que, en 1991, déjà, la commission « Justice pénale et droits de l’homme » présidée par Mme Mireille Delmas-Marty observait que « le malaise actuel de la justice pénale tient moins à l’indifférence du législateur qu’à l’accumulation de réformes ponctuelles, partielles, ajoutant toujours de nouvelles formalités, de nouvelles règles techniques qui ne s’accompagnent ni des moyens matériels adéquats ni d’une réflexion d’ensemble sur la cohérence du système pénal. C’est ce rapiéçage, parfois même ce bégaiement législatif, qui paraît irréaliste et néfaste ».

Las, cette observation conserve toute son acuité et peut être transposée au service public de la justice dans son ensemble. Les mots sont durs, mais ils sont le reflet des attentes de la profession et des justiciables. Le projet de loi n’a-t-il pas pour ambition d’apporter des réponses satisfaisantes en matière de justice pour les quatre-vingt-cinq prochaines années ? Certes, comme l’a souligné le rapporteur Yves Détraigne, nous ne doutons pas qu’il y aura bien évidemment d’autres réformes dans les prochaines années. Mais l’idée était bien ici de jeter les bases d’une véritable réforme pour le siècle.

Il va sans dire que nous en sommes loin, avec un texte ne prévoyant substantiellement que des dispositions concernant la généralisation de l’action de groupe et quelques ajustements en matière d’organisation judiciaire. En cela, nous ne pouvons que souscrire à la volonté du rapporteur de modifier le titre du projet de loi, en le ramenant à la réalité de son contenu.

En outre, madame la garde des sceaux, nous sommes toujours dans l’attente d’une réforme pénale et de l’administration pénitentiaire, ainsi que de la réforme prévue de la protection judiciaire des mineurs. Si des annonces ont été faites, le calendrier ne nous laisse augurer rien de bon quant à la concrétisation définitive du dispositif. Attendons-nous que la droite finisse de mettre en œuvre la politique sarkozyste aberrante en la matière ? §Nous en avons encore eu la parfaite illustration ce matin, avec l’annonce visant à faire comparaître les plus de seize ans en comparution immédiate à l’issue de la garde à vue !

Ceux qui partagent les valeurs du progrès doivent avoir le courage de réaffirmer que la prison n’est pas la seule solution.

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