Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 3 novembre 2015 à 15h00
Indépendance et impartialité des magistrats ; justice du xxie siècle — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Christiane Taubira :

Je veux saluer tout particulièrement les oratrices et orateurs qui ont indiqué ce qu’il y avait de substantiellement nouveau dans ce texte. Ce n’est pas par fantaisie que nous l’avons nommé « projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle » !

Nous introduisons en effet de véritables nouveautés dans le rapport entre le citoyen et l’autorité judiciaire. Nous réorganisons le rapport à une institution, en tenant compte à la fois de la nécessité de la proximité physique et géographique, mais aussi de l’évolution de notre société, évoquée par M. Jacques Bigot. Car nous vivons à l’heure du numérique, et nos compatriotes sont aujourd'hui des nomades, qui bougent beaucoup. Il est donc important que l’information soit partout à leur disposition.

Oui, cette réforme introduit des changements de fond, qu’ils soient culturels, relationnels ou fonctionnels. Nous avons envisagé d’aller plus loin. Toutefois, je le répète, j’ai souhaité une réforme irriguée, nourrie et portée collectivement. C’est ce que j’ai appelé l’intelligence collective, qui s’est construite au cours des différentes étapes que nous avons mises en œuvre. Car s’il existe une institution qui peut nous rassembler, en tout cas nous permettre de dépasser des clivages, des rivalités et des divergences secondaires, c’est bien l’institution judiciaire, parce qu’elle est essentielle à l’État de droit.

Je répondrai donc transversalement, pour ne pas abuser de votre temps, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en sachant que je pourrai revenir sur un certain nombre de points lors de l’examen des amendements.

J’évoquerai prioritairement quelques sujets sur lesquels nous ne reviendrons pas au cours de la discussion des articles. Je le sais bien, M. Yves Détraigne et Mme Virginie Klès, dans leur rapport d’information, proposaient la création d’un tribunal de première instance. Nous l’avions également envisagé, conformément à l’un des engagements du Président de la République. Toutefois, au terme de la consultation à laquelle nous avons procédé auprès des juridictions – 2 000 contributions sont remontées –, l’opposition au tribunal de première instance a été générale et unanime.

J’ai voulu connaître les causes de ce blocage, car le tribunal de première instance est non pas une fantaisie, mais la reprise d’une réflexion conduite pendant plusieurs années par des personnes éminentes, plus que respectables, savantes et compétentes. En fait, le blocage s’expliquait par la crainte de voir fermer certains sites judiciaires, ce qui aurait appauvri l’institution.

Or nous faisons très exactement le contraire. En effet, depuis que nous sommes aux responsabilités, nous avons rouvert des juridictions, créé des chambres détachées, armé les maisons de la justice et du droit de greffiers, et complété le maillage territorial avec des CDAD.

Toute notre action a donc consisté à réimplanter des juridictions et des sites judiciaires, et non pas à en fermer. Néanmoins, compte tenu du traumatisme vécu lors de la réforme de la carte judiciaire de 2008 et des déménagements de personnels qui se sont ensuivis, j’ai eu beau multiplier les explications, ce blocage est là.

À mes yeux, passer en force n’aurait eu aucun sens : si les personnes qui mettront en œuvre la réforme n’y adhèrent pas, ne se l’approprient pas, le projet est voué à l’échec. Nous avons œuvré sur la base de votre rapport, monsieur Détraigne, et des propositions que vous faites, notamment concernant les finalités de ce tribunal de première instance. Pour autant, il ne convenait pas de s’obstiner à créer un tribunal de première instance, même si cela pouvait selon moi favoriser la simplification du fonctionnement des juridictions et améliorer la lisibilité de l’institution.

Nous avons donc décidé de servir autrement ces finalités de proximité, d’efficacité, de lisibilité, d’intelligibilité et de relation responsable entre le citoyen et l’autorité judiciaire.

Du coup, nous en revenons au tribunal d’instance. Je vous rappelle que les juridictions de proximité seront supprimées – sauf si vous en décidez autrement – en janvier 2017. Elles devaient l’être en janvier 2013 ; cette suppression a été une première fois reportée, sur l’initiative du Sénat, à janvier 2015, puis, une seconde fois, à janvier 2017. Mesdames, messieurs les sénateurs, il est conforme au bon fonctionnement de nos institutions, et, en l’occurrence, de bonne justice que les lois votées soient appliquées, et que leur mise en œuvre ne soit pas constamment différée.

Dans cette perspective, les juridictions de proximité vont donc disparaître en janvier 2017 et il est important que l’identité de juridiction de proximité des tribunaux d’instance soit confortée et renforcée. C’est pourquoi ces tribunaux ont vocation, par exemple, à continuer de traiter des litiges du quotidien ou du contentieux des tutelles.

S’agissant des TGI, nous les organisons en pôles de façon à rationaliser leur activité.

Le volet relatif à l’action de groupe pose quelques problèmes à certains d’entre vous. Je suis désolée, madame Gruny, mais c’est votre portrait de l’entreprise, celui que vous avez dressé à cette tribune, qui serait susceptible d’inquiéter le monde économique, et non le nôtre !

D’abord parce que nous avons travaillé, pour élaborer ce texte, avec les représentants du monde économique, comme nous le faisons pour de très nombreux textes. Et ces représentants ne tiennent pas les propos inquiétants que vous leur prêtez !

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