Intervention de Jérôme Bignon

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 3 novembre 2015 à 13h50

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon, rapporteur :

Après cette récréation filmée, je crains que mon exposé vous paraisse bien terne. Le président du Sénat a souhaité, dans la perspective de la COP 21, que toutes les commissions et délégations se mobilisent pour que le Sénat, institution ancrée dans les territoires, montre l'exemple et fasse essaimer les initiatives. Le groupe de travail sur les négociations climatiques internationales se réunira demain pour travailler sur le projet de résolution qui sera déposé sur le Bureau du Sénat et discuté en séance le 16 novembre. En raison de leur positionnement particulier et des richesses biologiques qu'ils recèlent, les outre-mer sont des acteurs essentiels dans la préparation de la conférence.

En matière énergétique, nos outre-mer font face à des problèmes particuliers liés à leur insularité qui les prive d'énergie nucléaire et les rend dépendants de ressources fossiles, tout en posant des problèmes d'interconnexion. Des technologies intéressantes commencent à être développées. Nous nous sommes rendus sur le site de Bouillante, en Guadeloupe, où l'on convertit en électricité la chaleur du sous-sol. L'exploitation est assurée par le BRGM. Le sous-sol volcanique dans nos îles des Caraïbes, mais aussi sur les îles voisines, pourrait être exploité pour constituer de véritables réseaux dans le cadre d'une coopération régionale.

En Polynésie française, le projet SWAC (Sea Water Air Conditioning) consiste à utiliser l'eau de mer naturellement froide pour la climatisation, aujourd'hui d'un hôtel, demain, d'un centre hospitalier. En Martinique, le projet Nemo met à profit le différentiel de température entre les eaux de surface et les eaux profondes pour récupérer des calories qui sont ensuite transformées en électricité.

La Martinique et la Guadeloupe ont opté pour l'habilitation leur permettant d'adapter la réglementation énergétique dans un objectif d'autonomie, comme la Constitution leur en offrait la possibilité : c'est un signal fort.

Cinquième sujet abordé par notre rapport, la prévention des risques. Les événements climatiques prennent toujours une tournure plus aiguë dans les outre-mer. Les cyclones peuvent entraîner des crues, une submersion des zones basses ou encore des pics d'érosion côtière et des glissements de terrain. La forte littoralisation des populations est un facteur de risque aggravant.

Pour y répondre, les territoires ont mis en place des politiques adaptées. La Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Guyane a créé un observatoire de la dynamique côtière pour étudier l'impact des marées qui pénètrent à l'intérieur des terres et détruisent la mangrove. Il travaille en lien avec la mission confiée par Mme Ségolène Royal à Mme Chantal Berthelot, députée de Guyane, sur l'observation des littoraux. Autres exemples, le projet Littofort à Wallis-et-Futuna, ou encore l'initiative conjointe du conseil régional et de l'Ademe en Guadeloupe pour créer un outil d'accompagnement des collectivités dans la définition de stratégies d'adaptation, objet de deux appels d'offres en 2014. Je participe à un groupe de travail présidé par la députée Pascale Got sur l'évolution du trait de côte. Des sites pilotes ont été identifiés pour une réflexion sur l'adaptation au retrait de celui-ci et la recherche de solutions de substitution. Les outre-mer sont concernés au premier chef.

Enfin, nous avons travaillé sur la sensibilisation du public et le développement des connaissances. « La biodiversité est notre assurance vie, il est donc très important de bien la connaître », dit Hubert Reeves. Pour agir, il faut d'abord savoir et communiquer, or nos efforts dans ce domaine restent insuffisants. À ce jour, seulement 250 000 espèces marines sont répertoriées avec un champ de valorisation potentielle largement sous-évalué. Dans son laboratoire, le docteur Henry Joseph ne travaille que sur une cinquantaine de variétés ! Lors du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, nous avons adopté le mécanisme d'accès et de partage des avantages (APA), qui présente un intérêt tout particulier pour les outre-mer.

Le 6 juin 2015, un débat citoyen sur l'énergie et le climat a été organisé par le conseil régional de Guyane pour faire émerger des pistes stratégiques et des engagements locaux en matière de limitation des gaz à effet de serre et d'adaptation au changement climatique. Les orientations ambitieuses adoptées montrent qu'associer le public est toujours payant. Autre illustration, les aires maritimes éducatives en Polynésie lancées dans l'école primaire de Tahuata, qui contribuent à sensibiliser et responsabiliser les futures générations au changement climatique. Six aires maritimes éducatives sont en place et le dispositif pourrait essaimer. Ces initiatives sont la première condition pour que les actions d'adaptation au changement climatique soient mises en oeuvre et partagées par l'ensemble de nos concitoyens.

À travers ces exemples, nous avons voulu coller à la dynamique de négociation de la COP 21, dont la crédibilité repose sur l'Agenda des solutions locales. Les accords internationaux issus de la conférence resteront lettre morte sans les efforts quotidiens des élus, des organisations non gouvernementales (ONG), des entreprises et des citoyens pour la mise en oeuvre des objectifs qui seront définis à cette occasion.

Merci à nos collègues ultramarins pour leur hospitalité.

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