Intervention de Jean-Yves Roux

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 4 novembre 2015 à 9h30
Loi de finances pour 2016 — Crédits « transports routiers » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Yves RouxJean-Yves Roux, rapporteur pour avis :

J'aurai un discours beaucoup plus optimiste sur les crédits consacrés aux transports routiers que mon collègue sur les transports ferroviaires.

L'année 2015 a été marquée par de profondes évolutions, très positives, dans le secteur des transports routiers. Des avancées majeures ont été obtenues dans le domaine de la régulation du secteur autoroutier. Notre commission avait été l'une des premières à réagir, à l'automne dernier, à la publication de l'avis de l'Autorité de la concurrence qui dénonçait la rentabilité exceptionnelle des sociétés d'autoroutes dites « historiques ». La commission avait alors créé un groupe de travail, conduit par Jean-Jacques Filleul et Louis-Jean de Nicolaÿ, qui avait appelé à une transparence accrue dans ce domaine, et à une renégociation du plan de relance. C'est bien la direction qu'a prise le Gouvernement. Puisqu'il s'est attaché à renégocier le plan de relance qu'il s'apprêtait à signer avec ces sociétés, en s'appuyant sur un groupe de travail mis en place par le Premier ministre, auquel participaient nos deux collègues. Un protocole d'accord a ainsi été signé le 9 avril 2015 avec les sociétés d'autoroutes. Il permet la réalisation du plan de relance autoroutier, mais avec plusieurs garde-fous destinés à plafonner le bénéfice que pourraient en tirer ces sociétés. Par exemple, une fois un certain seuil de rentabilité dépassé, la durée de la concession autoroutière pourra être réduite.

Les sociétés d'autoroutes ont par ailleurs accepté de reverser une part de leurs profits au bénéfice du financement des infrastructures de transport, en versant 1 milliard d'euros à l'AFITF sur l'ensemble de la durée des concessions. Les premières années, cela se traduira par une recette supplémentaire de 100 millions d'euros pour l'AFITF. Elles donneront aussi collectivement 200 millions d'euros pour la création d'un fonds d'investissement durable, et ont mis en place des actions commerciales pour les jeunes, le covoiturage et les voitures écologiques.

Il faut se réjouir de l'équilibre qui a été trouvé sur ce dossier complexe. La réalisation de ce plan de relance autoroutier permettra en effet de mobiliser 3,27 milliards d'euros pour la relance des travaux publics, avec, à la clef, près de 10 000 emplois directs ou indirects. Les sociétés d'autoroutes se sont d'ailleurs engagées à ce que plus de la moitié des travaux réalisés le soient par des PME et des PMI non liées aux grands groupes autoroutiers.

L'autre réponse a été législative. La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a considérablement renforcé la régulation de ce secteur, en étendant les activités de l'autorité de régulation du secteur ferroviaire au domaine autoroutier. L'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières ou ARAFER émettra un avis sur les avenants aux contrats de concession et aura pour mission de collecter et rendre publiques les informations relatives au secteur autoroutier. La loi Macron fixe également de nouvelles règles, plus contraignantes, pour la passation des marchés des sociétés d'autoroutes, conformément au souhait du groupe de travail de notre commission. Enfin, elle introduit un dispositif de modération des péages ou de réduction de la durée des concessions en cas de profits supérieurs aux estimations, et interdit l'allongement de la durée des concessions sans accord du Parlement. Il s'agit là de progrès majeurs dans la régulation du secteur autoroutier, qui auront des répercussions budgétaires certaines pour les usagers.

L'autre bonne nouvelle, c'est le développement d'une nouvelle offre de transport collectif, qui répond à une demande aujourd'hui non satisfaite, à savoir la libéralisation du transport par autocar, autorisée par la même loi Macron. Cette offre permettra de répondre aux besoins de mobilité non satisfaits par le transport ferroviaire, soit pour des raisons de desserte, soit pour des raisons de coût, et de réduire le recours à la voiture individuelle. Là aussi, des créations d'emplois sont attendues. La note de France Stratégie évoquait le chiffre de 22 000 emplois. En un peu plus d'un mois, 700 emplois ont déjà été créés. Ces autocars doivent répondre à des normes d'émissions de polluants atmosphériques strictes - la norme Euro 5 jusqu'à la fin 2017, et la norme Euro 6 ensuite.

Pour ce qui est des transports conventionnés, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a unifié cette compétence à l'échelle des régions à partir de 2017, afin de favoriser l'intermodalité entre les modes ferroviaire et routier notamment.

Enfin, pour rester dans le domaine du verdissement des transports, nous pouvons nous féliciter des avancées permises par la loi de transition énergétique, qui pose des obligations en matière de renouvellement des parcs automobiles ou d'installation de bornes de recharge électriques et prévoit la mise en place d'une prime à la conversion octroyée en échange de la mise à la casse d'un véhicule polluant ancien. Nous savons bien que c'est le parc diesel en circulation le plus ancien qui est le plus nocif, même si le scandale Volkswagen nous invite à une certaine prudence sur les véhicules les plus récents.

Pour l'année 2016, le Gouvernement s'est attaché à résoudre la question de la compensation des recettes de l'écotaxe, à la suite de son abandon. Pour mémoire, nous avons augmenté l'année dernière de 2 centimes la TICPE sur le gazole pour les véhicules particuliers, et de 4 centimes celle applicable aux transporteurs routiers de marchandises. Cette solution avait alors été présentée comme provisoire, le temps qu'un groupe de travail créé à ce sujet rende ses conclusions. Celui-ci a d'ailleurs pu s'appuyer sur un rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable.

À l'issue de ces travaux, il apparaît que la solution d'une taxation supplémentaire sur le gazole, déjà mise en place pour 2015, est préférable à la création d'une vignette pour les transporteurs routiers. Outre qu'elle amorce le rapprochement tant attendu des fiscalités de l'essence et du gazole, cette mesure permet de collecter un montant considérable, sans générer de frais de collecte ou d'obligations déclaratives pour les entreprises, ce qui n'est pas le cas d'une vignette. L'augmentation de la fiscalité sur le diesel est en outre supportable, à l'heure où les prix des carburants sont très bas. Les entreprises de transport routier peuvent répercuter cette hausse sur leurs tarifs. Enfin, le risque d'un « effet d'éviction », suivant lequel cette augmentation du prix du gazole conduirait les poids lourds étrangers à faire leur plein à l'étranger, est dans les faits limité. L'augmentation de la fiscalité sur le gazole est donc maintenue pour 2016, et ne sera pas remplacée par la mise en place d'une vignette.

Le rapprochement entre les deux fiscalités se poursuit même, pour les véhicules légers, avec l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement qui augmente d'un centime la TICPE sur le gazole et diminue du même montant celle de l'essence. La part du produit de TICPE affectée à l'AFITF est moins importante que l'année dernière, mais son budget d'intervention, estimé à 1,9 milliard d'euros, reste non négligeable, et supérieur à celui de l'année dernière. Il faudra prévoir, à l'avenir, des moyens supplémentaires pour que l'agence puisse effectivement remplir ses engagements et rembourser ses dettes. Pour 2016, et dans le contexte actuel de maîtrise des dépenses, je ne serai pas aussi alarmiste que mon collègue.

Concernant les crédits consacrés au transport routier dans le projet de loi de finances pour 2016, ceux-ci se divisent entre les crédits inscrits au programme budgétaire 203 intitulé « Infrastructures et services de transport » et les crédits de l'AFITF.

Le développement des infrastructures routières a la particularité d'être exclusivement financé par des fonds de concours versés par l'AFITF et par les collectivités territoriales. Ils sont aujourd'hui évalués à 671 millions d'euros en crédits de paiement, dont 394 millions proviendront de l'AFITF. Cette somme servira notamment à financer les volets routiers des contrats de plan État-régions 2015-2020. Le financement des infrastructures routières a en effet été réintégré à ces contrats, contrairement à la génération précédente des contrats de projets. C'est un choix qui me semble pertinent, dans une perspective multimodale mais aussi parce que dans certains territoires, le transport routier est le seul mode de transport possible et ne doit donc pas être négligé.

Pour l'entretien et l'exploitation du réseau routier national, une enveloppe de 324 millions d'euros de crédits de l'État est prévue, soit un montant proche de celui adopté en loi de finances initiale pour 2015. Cette enveloppe devrait être complétée par 328 millions d'euros de fonds de concours provenant de l'AFITF, en hausse de 38 % par rapport à l'année dernière. C'est encore une bonne nouvelle, car les montants consacrés à l'entretien et l'exploitation du réseau routier national ne sauraient être inférieurs à ces montants, faute de quoi le réseau serait amené à se détériorer et deviendrait de plus en plus cher à entretenir.

Enfin, 48 millions d'euros sont prévus pour les actions de soutien et de régulation du secteur des transports terrestres, et 17 millions seront destinés aux dépenses de prospective et de logistique de la DGITM.

Concernant le compte d'affectation spéciale intitulé « aides à l'acquisition de véhicules propres », qui sert à financer le bonus automobile et la prime à la conversion, le barème du malus applicable depuis 2014 est maintenu pour 2016, et devrait rapporter 266 millions d'euros. Du côté des dépenses, le recentrage du bonus automobile sur les véhicules les plus propres, déjà entamé en 2015, devrait se poursuivre, avec la diminution au 1er janvier 2016 du bonus versé pour un véhicule full hybride de 2 000 euros à 750 euros, le bonus versé pour un hybride rechargeable étant quant à lui réduit de 4 000 à 1 000 euros. Le bonus accordé en faveur des véhicules électriques, de 6 300 euros, sera en revanche préservé. Au total, le bonus automobile devrait engendrer 236 millions d'euros de dépenses.

Le compte d'affectation spéciale finance également la prime à la conversion, accordée pour la mise au rebut d'un véhicule diesel immatriculé avant le 1er janvier 2001, soit avant l'entrée en vigueur de la norme Euro 3, pour l'achat d'un véhicule plus propre. Cette prime à la conversion, ou prime à la casse, est cumulable avec le bonus automobile, et s'élève aujourd'hui à 3 700 euros pour l'achat d'un véhicule électrique, ce qui porte à 10 000 euros la somme du bonus et de la prime à la conversion, et à 2 500 euros pour l'achat d'un véhicule hybride rechargeable.

Pour les ménages non imposables au titre de l'impôt sur le revenu, une prime à la conversion de 500 euros peut être obtenue pour l'achat d'un véhicule thermique neuf respectant la norme Euro 6 et émettant entre 61 et 110 grammes de CO2 par kilomètre, ou pour l'achat d'un véhicule d'occasion, qu'il soit de cette même catégorie, électrique ou hybride. Le Gouvernement envisage de renforcer ce dispositif, en augmentant son montant à 1 000 euros et en élargissant son assiette à la mise au rebut de tous les véhicules diesel de plus de dix ans. Cette mesure sera financée par une part du produit de la hausse de 1 centime de la fiscalité sur le gazole. Si le dispositif est en vigueur depuis le 1er avril 2015, il n'est pas encore possible d'en dresser un bilan solide, car il existe un délai de plusieurs mois entre la commande d'un véhicule et son immatriculation, qui ouvre droit à cette prime. Le fait d'agir sur le parc automobile existant, dont on sait qu'il est le plus polluant, et en prévoyant des mesures spécifiques en faveur des publics les plus défavorisés, me semble aller dans le bon sens.

Je ne suis donc pas aussi réservé que mon collègue sur les crédits consacrés aux transports routiers. Je ne doute pas que le secrétaire d'État aux transports répondra le 12 novembre à toutes les interrogations qui resteront à la suite de nos échanges d'aujourd'hui. Je vous proposerai ensuite, lorsque nous devrons nous prononcer à ce sujet, un avis favorable sur ces crédits.

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