Intervention de Michelle Demessine

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 novembre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Programme 178 « préparation et emploi des forces » - mission « défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine, rapporteur pour avis :

La préparation opérationnelle est le gage de notre réactivité et de notre efficacité ; c'est aussi l'assurance de la sécurité du personnel. Les problèmes de disponibilité des matériels expliquent largement le fait que l'activité opérationnelle reste inférieure aux objectifs fixés : de près de 10 % en deçà des normes reconnues par l'OTAN et des objectifs exprimés par la LPM pour 2014-2019.

Or, les précédentes lois de programmation militaire ont plutôt sacrifié ce poste de dépenses, ce qui a entraîné une crise de la disponibilité du matériel au début des années 2000. Dans le contexte stratégique post Guerre froide, les crédits affectés à la maintenance des équipements avaient fortement diminués. Certes, des réformes d'organisation et de structures ont été menées pour améliorer les choses et contrecarrer la baisse des crédits, mais les performances sont restées décevantes en termes de disponibilité. La dégradation a même repris dans la deuxième moitié des années 2000 et touchait les trois armées. Comme nous l'avait indiqué le Général Girier, Directeur de la structure de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), en 2014, il manquait une demi-annuité au MCO aéronautique sur la dernière LPM, soit un décrochage d'environ 1 milliard d'euros. Ainsi, la disponibilité des aéronefs, très variable selon le type d'appareil, atteignait 63 % du contrat opérationnel en 2005 mais plafonnait à 40 % en 2013.

C'est ce qui nous a décidés à nous rendre à Mérignac pour rencontrer les acteurs du MCO aéronautique, c'est-à-dire essentiellement le directeur de la SIMMAD et le directeur central du service industriel aéronautique (SIAé), Patrick Dufour. À l'issue de ce déplacement, le constat que je dresse est triple :

- l'actualisation de la LPM, ouvrant 500 millions d'euros supplémentaires en faveur de l'EPM, va dans le bon sens ;

- les efforts entrepris ont permis de redresser la disponibilité des matériels en OPEX, mais on atteint la limite des hommes, des machines et du modèle de contrat opérationnel ;

- enfin, les perspectives du SIAé me semblent obscurcies par les problèmes de recrutement de personnels.

Les personnes que nous avons auditionnées pour préparer ce rapport ont été rassurantes mais prudentes : selon elles, l'effort budgétaire consenti est satisfaisant, à condition de maintenir le même niveau d'autorisations d'engagement dans le PLF pour 2017 que dans le PLF pour 2016, soit 250 millions d'euros, et de veiller à ce que le niveau des crédits de paiement correspondant soit inscrit tout au long de la LPM. De plus, il faut accepter que les effets des efforts budgétaires fournis ne se produisent qu'à moyen terme. Le temps du maintien en condition opérationnelle est un temps industriel : une décision n'est suivie d'effet que 18 mois à deux ans et demi après avoir été mise en application.

J'en viens maintenant au MCO des matériels aéronautiques. La SIMMAD a fait face, en 2015, à une activité opérationnelle intense : 111 appareils ont été engagés, contre 89 en 2014. Pour faire face aux besoins de projection, tout en préservant l'activité en métropole, la SIMMAD a réorganisé la « logistique en retour des théâtres » afin de maîtriser les délais de réparation. Par exemple, les délais de retour des moteurs en panne sont passés de 70 jours en 2013 à 18 jours en 2015 pour le moteur Makila du Caracal. De même, l'organisation ad hoc d'un « plateau d'amélioration de la disponibilité rapportée aux hélicoptères », PADRHé, a permis d'améliorer les 130 actions menées en 2015 en soutien de l'ensemble des parcs d'hélicoptères. Le fait que la flotte soit dispersée en micro-parcs, âgés ou, au contraire, peu matures, très sensibles aux théâtres d'opérations, rendait indispensable cette adaptation de la SIMMAD. Les résultats sont excellents, puisqu'en 2015 le niveau de disponibilité des matériels aéronautiques des forces projetées a été maintenu à 79,2 % sur l'ensemble du périmètre de la SIMMAD. En revanche, l'objectif de disponibilité technique opérationnelle (DTO) plafonne, en 2016, à 57 % pour les hélicoptères de l'armée de terre et 55 % pour ceux de la marine.

Les limites sont atteintes : la SIMMAD tente de préserver les équipements en métropole, mais cela se fait au prix d'un déficit organique croissant : les personnels qualifiés sont obligés de repartir en OPEX à défaut d'avoir eu le temps de former les nouveaux pilotes. Les équipages d'aéronefs basés en métropole ne parviennent pas à se qualifier faute d'instructeurs mais aussi faute de parvenir à accumuler un nombre d'heures de vol suffisant. De plus, pour répondre aux besoins des OPEX, on oriente les formations à l'engagement, ce qui est le principe même de la différenciation, prévue par la LPM, mais ce principe est poussé à son maximum. Il me semble que la capacité de résistance des personnels navigants et non navigants projetés est mise à rude épreuve, sans parler de l'usure des matériels projetés dont mon co-rapporteur fera état. Notre commission aurait tout intérêt à réfléchir au format du contrat opérationnel et au nombre de théâtres qui peuvent être ouverts dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur le fait que ma position personnelle est qu'il faut soutenir la démarche du ministre de la défense visant à embaucher des ouvriers d'État dans quatre spécialités du MCO aéronautique. Le besoin d'embauche, au regard des caractéristiques démographiques du SIAé, est à mon sens de 160 ouvriers d'État (et non seulement 50 ouvriers d'État comme le prévoit la LPM). Si la réunion interministérielle de novembre ne donnait pas satisfaction de ce point de vue au ministère de la défense, le service du SIAé, fleuron du MCO, serait fragilisé. Cela serait d'autant plus regrettable que le SIAé a su se positionner sur les flottes nouvelles que sont le Rafale et l'A400M, dès le début de leur utilisation, et que l'on sait très bien que les industriels ne maintiennent pas les équipements aussi longtemps que notre armée les utilise. Il faut avoir conscience que ce secteur est extrêmement concurrentiel et que le recrutement, qui de toute façon se fait au prix du secteur privé, ne garantit pas la fidélisation des personnels. Le statut d'ouvrier d'État permet de fidéliser les personnels, ce qui me paraît personnellement indispensable au moment où le SIAé acquiert des compétences sur les nouvelles flottes, susceptibles d'intéresser le secteur privé.

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