Intervention de Jacques Legendre

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 novembre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Programme 185 « diplomatie culturelle et d'influence » - mission « action extérieure de l'etat » - examen du rapport pour avis

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre, rapporteur pour avis :

Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », le programme 185 regroupe les crédits consacrés à l'action culturelle extérieure, à la promotion de la langue française, à la coopération scientifique et universitaire, à l'enseignement français à l'étranger et au tourisme. Le programme 185 est mis en oeuvre par le réseau culturel et de coopération, avec l'appui de plusieurs opérateurs : l'Institut français pour l'action culturelle, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Campus France pour l'accueil des étudiants étrangers et Atout France, dernier venu, pour la promotion du tourisme.

À périmètre constant, c'est-à-dire hors crédits de la COP 21, et hors effet change, les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » dans leur ensemble s'élèvent à 3,1 milliards d'euros, en légère diminution (-0,4 %).

Au sein de cette mission, les crédits du programme 185 connaissent, eux, une baisse plus prononcée. D'un montant de 719 millions d'euros, ils diminuent de près de 4 %.

Les opérateurs du programme, et en particulier l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), voient tous leurs subventions se réduire. Seule l'agence Atout France devrait voir son budget augmenter en 2016, grâce à l'attribution de recettes issues de l'activité de délivrance des visas, comme l'a indiqué le ministre ici même le 14 octobre dernier.

Dans un premier temps, je commenterai les crédits destinés à l'action culturelle extérieure et à la promotion de la langue française. Puis mon collègue Gaëtan Gorce consacrera son propos au réseau français d'enseignement à l'étranger, à la politique d'attractivité de l'enseignement supérieur ainsi qu'au tourisme.

Environ 86 millions d'euros sont consacrés en 2016 à l'action culturelle extérieure, une enveloppe en légère diminution. Cette enveloppe comprend la dotation de fonctionnement aux instituts français (37 millions d'euros, en baisse de 2 %) et la subvention allouée à l'Institut français (29,6 millions d'euros, en baisse de 2 %). Elle comporte également des crédits d'intervention en matière culturelle, d'un montant de 13,8 millions d'euros (-3,1 %), destinés au financement d'une grande variété d'actions et de projets mis en oeuvre principalement par les instituts français.

On le voit, il s'agit de moyens limités et qui connaissent une diminution significative. Les instituts français, comme l'Institut français, doivent s'efforcer de trouver des partenariats et des cofinancements pour compléter ces crédits d'intervention qui jouent avant tout un rôle de levier. Nos auditions ont révélé une réelle préoccupation à cet égard. En effet, la subvention de l'Institut français a diminué de 22 % entre 2011 et 2016. Cette diminution est en partie la conséquence de l'abandon d'un projet auquel nous étions attachés et qui n'a malheureusement pas abouti, qui était le rattachement du réseau des instituts français à l'opérateur Institut français.

Malheureusement, l'expérimentation, qui a été conduite entre 2012 et 2013 sur une douzaine de postes, a été suspendue prématurément, après 18 mois, alors qu'elle était prévue sur 3 ans. Le coût de ce rattachement, ainsi que des difficultés pratiques, ont été mis en avant. La réforme a peut-être été mal comprise, générant la crainte d'une trop grande indépendance de l'action culturelle par rapport à l'action diplomatique, et posant la question de la place des alliances françaises, qui sont une composante essentielle du réseau culturel français.

Le résultat est que l'Institut français se retrouve aujourd'hui une structure lourde à gérer, et en manque de missions, même si le ministère lui a promis un nouveau positionnement. L'élaboration, que nous attendions déjà l'année dernière, et que nous attendons toujours, d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM), doit être l'occasion de redéfinir ces missions. L'Institut français doit devenir plus qu'une « interface » ou un « pivot », il doit conforter son rôle de stratège. De fait, l'Institut français s'est installé dans le paysage. Il s'est doté en 2015 d'un accord d'entreprise. Il bénéficie d'une marque mondialement connue, et se trouve en relation permanente avec le réseau culturel, dans sa double composante publique (instituts français) et associative (alliances françaises).

Les crédits de promotion de la langue française s'élèvent à 21,5 millions d'euros, également en légère diminution. Toutefois, et c'est notable dans ce budget dont presque toutes les composantes diminuent, les crédits destinés au réseau des alliances françaises et à la Fondation Alliances françaises sont préservés (7 millions d'euros, montant stable). 383 alliances françaises locales (sur un total de 800) sont conventionnées avec l'État et perçoivent à ce titre des subventions. L'essentiel de leurs ressources provient toutefois des cours de français qu'elles dispensent et dont la progression est heureusement dynamique. La langue française conserve une place prépondérante dans le monde, celle de cinquième langue la plus parlée avec 274 millions de locuteurs. C'est un vecteur d'influence absolument essentiel, aujourd'hui soumis à forte concurrence, qui repose également sur l'enseignement français à l'étranger, et sur des actions ponctuelles mais stratégiques, par exemple les bourses d'études en Français langue étrangère, pour de futurs enseignants de français.

Le réseau culturel est aujourd'hui confronté à trois enjeux.

Le premier est une réelle difficulté à mobiliser des ressources propres. Le taux d'autofinancement des instituts français est de 67 %. Mais ces instituts, tout comme l'Institut français, peinent à renouveler chaque année leurs opérations de mécénat. Une réflexion est en cours pour susciter des ressources plus pérennes, qui pourraient provenir de l'enseignement en ligne du français, en partenariat avec les alliances françaises. Il semble toutefois que l'on soit arrivé au bout de la logique de substitution de financements privés à des financements publics : on ne pourra pas aller plus loin dans la diminution des crédits budgétaires, sans remettre en cause les ambitions mêmes de notre politique culturelle d'influence.

Un deuxième enjeu est celui de la définition de priorités en termes de géographie et de public cible, afin d'éviter la dilution des moyens. À ce sujet, nous examinerons attentivement le projet de COM, qui devrait être transmis à la commission dans les prochaines semaines.

Enfin, une troisième source de préoccupation, qui découle indirectement de l'échec du rattachement, concerne le statut des instituts français. Depuis 1976, ils bénéficient d'une autonomie financière, sans avoir de personnalité juridique, ce qui n'est pas conforme aux principes de la LOLF. Le ministre nous l'a indiqué lors de sa récente audition : la régularisation du statut des établissements à autonomie financière nécessitera probablement une modification de la LOLF, que nous appelons de nos voeux rapidement, afin de conforter l'action de ces établissements, déjà fragilisés par un contexte budgétaire défavorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion