Intervention de Louis Duvernois

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 4 novembre 2015 à 14h20
Loi de finances pour 2016 — Mission « action extérieure de l'état » - examen du rapport pour avis

Photo de Louis DuvernoisLouis Duvernois, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure :

La langue française est la sixième langue parlée dans le monde et la deuxième langue étrangère la plus enseignée après l'anglais. La France dispose aussi du troisième réseau diplomatique et consulaire dans le monde, derrière les États-Unis et la Chine et ce réseau est même le premier au regard de l'éventail des services offerts. Elle dispose également d'un réseau d'enseignement français à l'étranger unique au monde par son ampleur. Difficile d'imaginer plus beaux atouts pour mener une politique culturelle extérieure ambitieuse ! Alors même que notre population ne représente pas 1 % de la population mondiale ...

Et pourtant... Les moyens que nous sommes capables de consacrer à cette politique s'érodent d'année et année et, dans ces conditions, nos opérateurs sur le terrain ont de plus en plus de peine à porter une véritable diplomatie globale et ambitieuse d'influence et de rayonnement.

Et 2016 ne fera pas exception à la règle ! Les crédits du programme 185 relatif à notre diplomatie culturelle et d'influence seront, en 2016, en diminution de près de 4 % par rapport à 2015. Cette diminution va au-delà de la norme de réduction des dépenses publiques de 2 % prévue au budget triennal 2015-2017 car s'y est ajouté un effort supplémentaire sur les opérateurs du ministère demandé par la lettre de cadrage du Premier ministre.

Nos ambitions sont immenses et la question des moyens publics pour répondre à de telles ambitions, dans un contexte budgétaire durablement contraint, reste délicate à résoudre. Une chose est sûre : rien de grand ne se fera désormais sans le concours du privé, dans un périmètre d'action qui reste à déterminer.

En effet, la contrepartie de la réduction de l'implication de l'État dans le financement de ses opérateurs exerce une pression croissante sur les établissements concernés pour qu'ils fassent d'abord des économies (économies de gestion, développement des outils numériques) mais aussi pour qu'ils obtiennent des financements extérieurs.

Il serait cependant illusoire de penser que ces pistes pourront constituer à long terme un substitut viable à un financement minimal par l'État. Quel serait alors le « point d'étiage » d'une telle politique ? La politique de rayonnement culturel de notre pays est, encore aujourd'hui, une politique ambitieuse dont la soutenabilité à terme suppose un minimum de moyens budgétaires et humains et nous atteignons aujourd'hui le minimum.

Le réseau culturel français à l'étranger est très étoffé. Il est composé de 161 services de coopération et d'action culturelle des ambassades (SCAC) et 124 établissements à autonomie financière (essentiellement des « instituts français »). Il est complété dans son action « sur le terrain » par plus de 800 alliances françaises.

Notre réseau culturel à l'étranger est chapeauté par l'Institut français créé en 2010 pour en assurer le pilotage et être l'opérateur-pivot de l'action culturelle extérieure de la France. De ce point de vue, je rejoins très volontiers le ministre des affaires étrangères et du développement international qui plaide, chaque fois que cela est possible, pour l'instauration d'un opérateur unique.

Mais aujourd'hui l'Institut est pris en étau entre l'immense ambition de ses objectifs initiaux et la réduction des moyens qui lui sont alloués (- 1,3 % pour 2016, - 2,7 % pour 2017).

L'arrêt de l'expérimentation du rattachement du réseau à l'Institut, les restrictions budgétaires drastiques, les changements à la tête de l'établissement, l'attente d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens depuis un an et demi, la grève qu'a connue l'Institut, ... ont malheureusement cassé l'élan de la création en 2010 et généré une certaine amertume parmi les personnels.

À peine cinq ans après sa création, l'Institut français est déjà à la recherche d'un nouveau souffle, d'une nouvelle ambition, d'un positionnement plus clair et mieux établi.

Les moyens budgétaires consacrés au réseau des Alliances françaises se sont eux aussi contractés au cours des années. Pourtant, les crédits seront exceptionnellement abondés en 2016 afin de financer deux créations d'emplois réclamées par la Fondation.

Après une période marquée par des tensions fortes entre les deux réseaux, les relations entre l'Institut français et la Fondation Alliance française sont en cours d'apaisement et une meilleure coopération semble enfin se mettre en place autour d'objectifs partagés.

À l'heure où les moyens se font de plus en plus rares, cet objectif de coopération pourrait être entendu de façon encore plus extensive : une mutualisation de certaines de nos actions en faveur de l'apprentissage du français pourrait ainsi être engagée avec d'autres grands pays francophones du Nord (Canada, Belgique, Suisse).

Trois réseaux complémentaires permettent aujourd'hui d'enseigner le français aux élèves à l'étranger :

- le réseau de l'enseignement français à l'étranger (piloté par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger [AEFE] et auquel contribue également la Mission laïque française [MLF]) ;

- le réseau des écoles bilingues ;

- le programme FLAM (français langue maternelle).

À ces réseaux « physiques » s'ajoute également l'action du Centre national d'enseignement à distance (CNED).

Tous ces acteurs ne doivent pas être considérés comme concurrents mais complémentaires et permettant de répondre à un éventail large de besoins et de publics. Tous contribuent, à leur manière, à notre diplomatie d'influence dans le monde.

Malgré une évolution toujours très positive des effectifs en direction des établissements de l'AEFE, la subvention pour charges de service public qui lui est allouée diminuera en 2016 de près de 4 % par rapport à 2015.

Au-delà de la subvention accordée par l'AEFE aux établissements, ceux-ci sont financés par les droits de scolarité demandés aux familles. C'est donc, peut-être, dans cette direction que devront une fois de plus se tourner les établissements afin de compenser la diminution du soutien de l'État. Il semblerait également que l'AEFE envisage de prélever une partie des fonds de roulement des établissements dont elle assure directement la gestion.

Malheureusement, ces modes de financement (hausse des droits de scolarité, prélèvement sur fonds de roulement) ne sauraient constituer des solutions pérennes à un désengagement continu de l'État. Une réflexion sur le mode de financement de l'AEFE doit être conduite. À cet égard, le rapport remis par notre collègue Claudine Lepage en décembre dernier au ministre devrait y contribuer.

S'agissant des bourses accordées aux familles et qui relève du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », au cours de sa réunion de jeudi dernier, la commission des finances, a adopté un amendement augmentant de 5 millions d'euros les aides à la scolarité des élèves français du réseau d'enseignement français à l'étranger (programme 151) par le transfert de 5 millions d'euros en provenance de la subvention de l'État à Atout France (programme 185), qui devrait au demeurant voir ses ressources augmenter de cette même somme « en provenance de la recette de visas ». Je suis personnellement très favorable à cet amendement et vous proposerai de le soutenir.

Au-delà des seuls établissements homologués, permettez-moi de rappeler qu'un « LabelFrancEducation » a été créé en 2012 pour distinguer les établissements étrangers qui développent des sections bilingues francophones d'un très bon niveau. Je suis personnellement très favorable au développement de ce label, dans tous les pays où le besoin s'en fait sentir et où le système éducatif local est moteur. Ce réseau constitue un formidable outil d'influence à moindre coût et permet aux familles expatriées dont les frais de scolarité ne sont pas ou plus pris en charge par les entreprises ou qui n'entrent pas dans le barème des bourses sur critères sociaux, de pouvoir bénéficier néanmoins d'un enseignement en français de très grande qualité.

J'encourage aussi le soutien au réseau FLAM, qui repose bien trop souvent sur de bonnes volontés sans cadrage véritablement professionnel. Le programme FLAM a été créé en 2001 par le ministère des affaires étrangères. Il permet d'apporter un soutien à des initiatives extrascolaires visant à conserver et à favoriser la pratique de la langue française chez des enfants français et francophones scolarisés à l'étranger dans une autre langue, le plus souvent dans des écoles publiques locales.

Je ne m'attarderai pas sur cette dimension qui avait été fort bien exposée il y a quelques semaines par notre collègue Guy-Dominique Kennel dans son avis sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France.

L'opérateur-pivot de notre politique d'attractivité universitaire est l'Agence française pour la promotion de l'enseignement supérieur, l'accueil et la mobilité internationale, Campus France, créé par la même loi de 2010 qui avait donné naissance à l'Institut français ainsi qu'à Expertise France.

Comme pour les autres opérateurs, la subvention pour charges de service public accordée à Campus France prévue au présent programme sera en 2016 en baisse de 4 % par rapport à 2015. Pour 2017, une nouvelle baisse est prévue, de l'ordre de 2,6 %. Par ailleurs, le plafond d'emplois autorisé à Campus France devrait baisser de 2 ETP pour 2016.

Si l'une des conclusions du rapport du comité de la StraNES relative au doublement du nombre d'étudiants étrangers accueillis dans l'enseignement supérieur dans les dix prochaines années devait être adoptée, il conviendra de s'interroger sur le dimensionnement adéquat (y compris en termes de moyens budgétaires) à donner à Campus France.

En conclusion, malgré les réserves que j'ai émises sur l'érosion plus que préoccupante des crédits culturels sur la période 2009-2016, je vous recommande de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », sous réserve de l'adoption par le Sénat de l'amendement adopté par la commission des finances qui transfère cinq millions d'euros, en autorisation d'engagement et en crédits de paiement, du programme 185 (action 7) vers le programme 151 (action 2).

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