J'ai lu avec attention votre rapport d'orientation et suis heureux d'entendre vos analyses et vos propositions, quelques mois après votre prise de fonctions effective. Je me reconnais dans nombre de vos orientations, même s'il me semble nécessaire de nuancer certaines affirmations. Concernant les audiences, par exemple, le rapport explique que « toutes les chaînes rencontrent un important succès ». Or si l'on compare les audiences du mois d'octobre 2015 avec celles de 2010, le groupe France Télévisions a perdu, en cinq ans, 3,6 % d'audience à 28 %. Jamais France 2 avec 13,6 % et France 3 avec 8,6 % d'audience n'ont eu des niveaux d'audience aussi faibles. Bien entendu, cette baisse s'explique pour partie par l'arrivée de six nouvelles chaînes de la TNT en 2012, mais pour partie seulement, car les audiences ont commencé à baisser avant 2012 et cette baisse s'accélère jusqu'à aujourd'hui. Il s'agit donc d'une baisse véritablement « structurelle ».
Au-delà de l'augmentation du nombre des chaînes de la TNT, France Télévisions doit également se poser la question de la qualité et de l'attractivité de ses contenus. Si l'offre de documentaires de France Télévisions est sans équivalent, et il faut s'en féliciter, la place du sport ne cesse de se réduire compte tenu des contraintes de financement et les journaux d'information de France 2 n'ont jamais été aussi semblables à ceux de TF1. En matière de fiction, force est de reconnaître que les productions de France Télévisions sont trop rarement innovantes ou audacieuses et qu'elles ne sont pas exportées, ce qui prive le groupe de ressources propres. La fiction de France Télévisions n'a pas pour seul but de représenter la société de la manière la plus juste possible, comme le dit le rapport, elle doit également s'inscrire dans une démarche artistique qui donne la priorité à l'écriture, aux scénarios audacieux, au talent des dialoguistes et aux nouveaux acteurs. Une remise à plat est nécessaire qui ne doit pas exclure un nouvel élan pour le service public.
Concernant le modèle économique et la gouvernance de France Télévisions, vous savez que j'ai récemment formulé des propositions avec mon collègue André Gattolin qui visent à faire émerger d'ici 2020 - c'est-à-dire à l'issue de votre mandat - un groupe audiovisuel puissant et véritablement indépendant dans le cadre d'une holding commune (pas forcément d'une fusion) qui respecterait l'identité de ses filiales. Ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui. Mais nous devons dès maintenant avoir à l'esprit que des réformes sont nécessaires et que les mutualisations sont devenues indispensables.
Ma première question porte sur les ressources de France Télévisions. Le gouvernement a prévu de supprimer, dans le PLF 2016, la dotation budgétaire de France Télévisions mais celle-ci a été remplacée par l'affectation du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) à hauteur de 140,5 millions d'euros. Même si cette ressource affectée peut-être remise en cause dans une prochaine loi de finances, elle est présentée comme une ressource pérenne. Pensez-vous dans ces conditions qu'elle clôt le débat sur la réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) ? Que pensez-vous, par ailleurs, de l'idée que j'ai émise dès l'année dernière - et réaffirmée il y a quelques semaines avec notre collègue André Gattolin - de s'inspirer de la réforme conduite en Allemagne afin de faire évoluer la CAP vers une taxe universelle à l'horizon de 2018 ?
Ma deuxième question porte sur la place de la publicité sur France Télévisions. La faible place de la publicité sur Radio France constitue un élément primordial de l'identité de la radio publique. Estimez-vous qu'une réduction de la place de la publicité sur France Télévisions - à condition d'être strictement compensée à travers de nouvelles ressources comme le permettrait la réforme de la CAP - pourrait permettre de renforcer l'identité de France Télévisions ? Une publicité éthique et raisonnée pourrait-elle constituer une voie viable ?
Ma troisième question porte sur le régime de la production. Le rapport d'orientation évoque la nécessité de « protéger l'ensemble du secteur en cessant d'opposer les diffuseurs et les producteurs ». Or l'annonce du possible rachat de Newen par TF1, comme d'autres rapprochements entre Canal + et le nouvel ensemble Banijay-Zodiak montrent bien la limite du régime actuel qui ne laisse pas d'autres solutions aux diffuseurs que de monter au capital des producteurs pour dépasser le clivage producteur/diffuseur et s'assurer un retour sur investissement. Il faut rouvrir ce débat pour trouver une solution apaisée. Quelle est votre position ?
Ma quatrième question porte sur votre projet de chaîne d'information en continu. Dès lors que vous semblez exclure la création d'une structure commune pour rassembler certains moyens dédiés à l'information de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l'INA - ce qui aurait pourtant le mérite d'établir une gouvernance claire et de favoriser l'identification de ce média - comment pourrait s'organiser la gouvernance de cette chaîne d'information, sachant qu'à la fois France Télévisions, Radio France et France Médias Monde revendiquent chacune un rôle de coordonnateur ? La chaîne pourrait-elle être partagée par tranches horaires entre les différents acteurs ou bien les autres sociétés de l'audiovisuel public sont-elles vouées à devenir de simples filiales de France Télévisions ?