France 3 représente un sujet très important. D'un point de vue structurel, il s'agit d'abord d'une entreprise qui regroupe 3.500 personnes avec 116 implantations sur le territoire ! Dans le nouveau contexte administratif, la chaîne va être soumise à une double tension : faire vivre les nouvelles régions tout en conservant la proximité avec les téléspectateurs. Avant d'envisager les modifications inévitables de l'organisation du réseau France 3 dans les régions, notre enjeu principal est d'imaginer ce que les téléspectateurs verront à l'antenne, de leur proposer des programmes modernes et de qualité. Nous devons apporter une réponse qui fasse sens pour les habitants de ces nouvelles régions, taillée « sur-mesure » en fonction des particularités de chaque territoire. Le projet de France 3 dans la région Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine qui connaît des spécificités fortes ne sera pas le même que dans la nouvelle région qui réunit la Haute-Normandie et la Basse-Normandie. Sur toutes ces questions, nous sommes encore en phase de réflexion, mais nous avançons !
Le rapport d'Anne Brucy a été une source d'inspiration importante pour le projet que j'ai présenté devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à l'appui de ma candidature. Il propose de trouver un nouvel équilibre en réinventant le modèle d'information de la chaîne qui s'appuierait davantage sur les sujets de proximité, dont nos téléspectateurs sont très demandeurs. Couplé aux possibilités que permet l'outil numérique qui sera source de rajeunissement, une telle ambition peut donner corps à un vrai projet fédérateur pour les équipes de France 3, qui ont été quelque peu chahutées ces dernières années. Par ailleurs, je veux souligner que France 3, de même que France Ô, ont toute leur place dans le projet de chaîne publique d'information en continu.
La moyenne d'âge du public de France Télévisions est de 58 ans, alors qu'elle est de 50 ans pour la télévision en général. Nous sommes fiers de ce public mais il est vrai que nous devons aussi trouver les moyens de toucher davantage les jeunes générations. Cela passe par une présence accrue dans le domaine du numérique car les jeunes ne regardent plus vraiment la télévision. La chaîne d'information peut aussi nous aider à capter cette audience. Rajeunir, cela veut dire également attirer des téléspectateurs de moins de 50 ans. Pour cela, il faut un sursaut créatif. La série « Dix pour cent » diffusée récemment sur France 2 en est une bonne illustration : la chaîne a considérablement rajeuni son audience à cette heure d'écoute. De même, la 500è de Taratata a constitué un événement qui a réuni un très large public, toutes générations confondues. C'est à travers de tels événements fédérateurs que la télévision publique remplit sa mission et peut aussi trouver le moyen d'attirer un public plus jeune, qui regarde la télévision mais pas forcément les chaînes du service public.
Madame Bouchoux, je suis d'accord avec vous, il n'y a pas assez d'émissions de culture scientifique sur nos antennes. Nous travaillons sur ce sujet, plusieurs projets sont actuellement à l'étude.
Je ne suis pas défavorable au tuilage pour les nouveaux dirigeants, encore faut-il l'organiser. En ce qui me concerne, je ne suis pas devenu salariée de France Télévisions dès ma nomination en tant que présidente du groupe. Il m'a donc fallu continuer à travailler pour mon ancienne entreprise, Orange, pour gagner ma vie tout en me préparant à ma nouvelle fonction. Si certains peuvent se permettre de prendre quatre mois de congé sans traitement pour se familiariser avec leur nouvelle structure et bénéficier d'un tuilage en toute sérénité, ça n'a pas été mon cas.
Vous avez évoqué, monsieur Laurent, la question de la production en interne chez France Télévisions. Notre filière de production pourrait être en effet mieux servie dans le cadre d'une augmentation de la « part dépendante » de production au sein du groupe. Cela étant dit, il convient de respecter une forme d'équilibre avec la production indépendante car c'est à cette condition que nous pouvons disposer d'une diversité de producteurs et de talents.
Vous avez parlé d'originalité de France Télévisions : France 2 est actuellement la seule chaîne généraliste à programmer un débat politique à une heure de grande écoute. Qu'est-ce qu'une émission politique aujourd'hui ? Comment raviver le débat ? Les médias n'ont pas pour rôle de changer la politique mais d'exposer les différents points de vue.
Sur la place du sport, France Télévisions doit persévérer dans la programmation de sports encore peu populaires, quitte à ce qu'ils lui échappent par la suite quand les droits de diffusion augmentent, comme c'est le cas aujourd'hui pour la retransmission de grands matchs de football féminin. Les magazines de sport à l'antenne permettent de parler de sport. Il existe une forte appétence.
En matière de diffusion des films en version originale, nous avons beaucoup progressé. Mais je pense que vous faites allusion à la télévision scandinave qui retransmet des dessins animés en anglais. C'est une réflexion très intéressante sur laquelle on se penche. Nous regardons aussi si c'est possible légalement.
Les antennes d'outre-mer sont des télévisions et des radios de plein exercice sur leur territoire. C'est très particulier. Ces territoires ont par ailleurs une longueur d'avance sur nous sur l'intégration des médias que sont la télévision, la radio et le web. Nous pourrions en tirer des expériences.
S'agissant de l'intermittence et de la « permittence », le taux de précarité est passé de 19,1 % à 14 % de 2011 à aujourd'hui, et le taux d'intermittence de 11 % à 8 %. Un gros effort a été fait et nous ne sommes pas au bout de cette démarche. Par ailleurs, certains souhaitent garder leur statut d'intermittent, aussi il faut trouver un juste équilibre.
Concernant les femmes et la diversité, vous noterez que j'ai constitué un comité exécutif de 13 membres dont six femmes et sept hommes. C'est une nouveauté et c'est symbolique ! Nous essayons de faire respecter la mixité à l'antenne et de lutter contre les stéréotypes dans les fictions que nous produisons. Il faut aussi être capable de mettre sur un plateau autant de femmes que d'hommes, alors que l'obligation inscrite dans notre COM est aujourd'hui de 30 %. C'est un enjeu important dans nos programmes et dans les personnalités invitées à l'antenne.
Sachez, madame la présidente, que j'ai demandé un audit du groupe. Parallèlement, la Cour des comptes est en train d'effectuer un contrôle. Cela devrait nous permettre d'avoir une vision exhaustive de l'entreprise dans un délai raisonnable, j'espère au début 2016.
Sur la question du bouquet de chaînes, cela renvoie à la question des marques. Qu'est ce qui prédomine : la chaîne ou le genre ? Faut-il s'orienter vers les marques de chaînes, ou bien vers l'information, le sport, la fiction, c'est-à-dire le genre ? Il existe des entrées multiples. Ce sont les chaînes qui prédominent actuellement. Nous allons engager une réflexion sérieuse sur le sujet.