Intervention de Jean-Claude Lenoir

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 novembre 2015 à 10h03
Questions diverses

Photo de Jean-Claude LenoirJean-Claude Lenoir, président :

Mes chers collègues, lors de notre réunion de mercredi dernier, je vous ai présenté ce que pourrait être la contribution de notre commission aux réflexions du groupe de travail relatif aux négociations internationales sur le climat et l'environnement qui doit adopter, cet après-midi même à 15 heures, une proposition de résolution dans la perspective de la 21e Conférence des parties (COP 21) sur les changements climatiques. Cette proposition sera ensuite débattue en séance publique le 16 novembre à 16 heures 30.

Pour mémoire, notre contribution se résume à deux idées : la nécessité d'oeuvrer à la fixation d'un prix mondial du carbone, d'une part ; la promotion des énergies bas-carbone et, corrélativement, la suppression progressive des soutiens publics aux énergies fossiles, d'autre part. C'est du reste parfaitement cohérent car on imagine mal donner un prix au carbone, et donc « taxer » sous une forme ou sous une autre les émissions, tout en continuant à subventionner dans le même temps les énergies émettrices !

Comme je m'y étais engagé, je vous ai fait parvenir ce projet de contribution et je tiens à remercier pour leurs observations le groupe communiste, républicain et citoyen, le groupe socialiste et notamment Roland Courteau, ainsi que Joël Labbé. Certaines de ces observations appellent de ma part les remarques suivantes.

Ainsi, nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) m'ont dit, par la voix de Jean-Pierre Bosino, ne pas être opposés à la fixation d'un prix mondial du carbone mais souhaiteraient que les mécanismes de tarification du carbone soient « garantis par un pôle public de l'énergie ». Sur ce premier point, et sans rentrer dans le débat de fond, je vous propose d'en rester à une formulation générale qui ne présume pas des modes de tarification à mettre en place - je pense en particulier au choix d'une taxe ou d'un marché d'échange de quotas - car ceux-ci, d'une part, ne font pas consensus au niveau international et, d'autre part, importent peu car l'essentiel est bien de donner une valeur au carbone.

Les sénateurs CRC proposent également de préciser que la fixation d'un tel prix doit se faire « sans impact sur le pouvoir d'achat des ménages ». Sur cet aspect, je vous rappelle qu'à l'initiative de notre commission, le principe d'une stricte compensation de la hausse de la part carbone par la baisse d'autres prélèvements a déjà été introduit dans la loi relative à la transition énergétique et ce point me semble donc satisfait, au moins sur le plan national. Au niveau international en revanche, il ne nous appartient sans doute pas de préempter la façon dont chaque pays entend répartir sa pression fiscale.

Enfin, les sénateurs CRC m'ont indiqué que la « seconde proposition [relative aux énergies bas-carbone] [leur] paraît juste et résulter effectivement d'un véritable consensus des positions au sein de la commission ».

Notre collègue Joël Labbé nous a également fait parvenir deux remarques. La première consiste à marquer l'opposition de son groupe au fait de considérer « le nucléaire [...] comme une solution au changement climatique » en citant notamment deux études récentes, l'une de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) étudiant l'hypothèse d'un mix électrique 100 % renouvelable à l'horizon 2050, et l'autre du cabinet WISE qui invite à réévaluer l'apport du nucléaire à la lutte contre le changement climatique.

S'il y aurait sans doute beaucoup à dire sur ces deux études, je tiens d'abord à indiquer à notre collègue, sur la forme, que notre contribution se limite, dans son « dispositif », à promouvoir les énergies bas carbone et à supprimer les subventions aux énergies fossiles, le nucléaire n'étant mentionné que dans ce qui en constitue, en quelque sorte, « l'exposé des motifs », et ce pour rappeler que tout le spectre des énergies bas-carbone devra être mobilisé pour limiter le réchauffement climatique sous les 2°C. Là aussi, si vous en êtes d'accord et compte tenu de l'objet même de cette résolution, il s'agit d'en rester à un principe général de discrimination des énergies sur le seul fondement de leurs émissions de gaz à effet de serre, et non d'imposer un mix bas-carbone plutôt qu'un autre.

Sur le fond, je respecte bien entendu, mon cher collègue, vos convictions mais vous conviendrez avec moi, comme en atteste encore la position du groupe CRC, que notre commission et le Sénat sont majoritairement favorables au maintien d'un socle fort d'électricité nucléaire.

Votre seconde remarque vise à mettre en avant « l'impact potentiellement positif de l'agriculture et de l'agro-écologie pour atténuer le changement climatique » en soulignant en particulier l'importance du « stockage naturel du carbone dans les sols ». Je ne puis qu'approuver, sur le fond, cette remarque puisque notre commission a justement intégré dans la loi, à l'initiative de votre groupe et comme vous le mentionnez vous-même dans votre contribution, la prise en compte de l'évolution des capacités naturelles de stockage du carbone des sols dans la répartition des budgets carbone. Je crains cependant que l'on entre là dans un niveau de détail qui ne corresponde pas tout à fait au caractère général de la résolution.

Je vous rappelle, enfin, qu'il ne s'agit à ce stade que de la contribution versée par notre commission aux réflexions du groupe de travail, qu'il appartient à ce dernier de décider de la façon dont il entend l'intégrer au texte et que ce projet de proposition de résolution peut encore être amendé lors de sa dernière réunion cet après-midi.

Si vous en êtes d'accord, voici donc le texte de la contribution que nous pourrions transmettre au groupe de travail :

« Le Sénat, [...]

« Appelle de ses voeux l'instauration et la coordination la plus large possible au niveau mondial de mécanismes stables et ambitieux de tarification du carbone qui en reflètent les coûts réels pour l'environnement et donnent aux acteurs économiques une visibilité suffisante pour orienter leurs investissements vers les technologies les moins émettrices et les plus performantes énergétiquement ;

« Invite les États à promouvoir et à soutenir l'ensemble des énergies bas-carbone dans leurs systèmes énergétiques ainsi qu'à supprimer progressivement les subventions attribuées aux énergies fossiles.»

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